Il est une réalité indéniable : tous les hommes sont mortels et tous mourront qu’ils le veuillent ou non. Mais la grande question qui se pose est de savoir comment les hommes se comportent face à la mort. Comment vivent-ils ces moments tragiques de séparation où la vie devient insipide et l’existence vide de sens? Comment traversent-ils ces épreuves qui leur tombent dessus comme un cou de massue leur imposant un nouveau style de vie où parfois ils devront tout reprendre ou se réadapter à une nouvelle vie? Eplorée, Gisèle Ayaba TOTIN décide d’empoigner sa plume pour transcender cette douloureuse épreuve. Elle perd un être cher, et pour faire son deuil, elle écrit un livre; « Sincères condoléances« . Qui est cette auteure? Que peut-on retenir de son livre?

L’Auteur

De nationalité Franco-béninoise et passionnée des Lettres, GisèleAyaba TOTIN est née en 1978 à Toulouse de Zéphirin Comlan TOTIN et de Thérèse A. AYAMENOU. Grande lectrice, elle s’est consacrée depuis plusieurs années à la promotion des auteurs et illustrateurs africains et afro-américains sur un blog « Novi-Novi » qu’elle a conçu et mis en ligne en mai 2015. Elle publie en Avril 2016 aux éditions « La Doxa » son tout premier ouvrage personnel intitulé « Sincères Condoléances » qui révèle son talent, celui d’écrire au grand public. Outre cette parution, elle a publié en collaboration avec neuf autres femmes, une œuvre collective dénommée « Dix femmes écrivaines du Bénin ».

L’Œuvre

Parue en avril 2016, « Sincères Condoléances » est un recueil regroupant quatre nouvelles pathétiques et passionnantes et dont le choix des personnages n’est pas sans lien avec les origines de l’écrivaine. La première nouvelle, « Par amour » par un ton à la fois lyrique et pathétique met en scène deux principaux personnages : Josepha et Sorel. La première, mère de deux enfants, est affectée par la disparition de sa mère au point de sombrer dans l’adultère. Elle « fait son deuil », à sa manière, en trompant son mari, Rodrigue. Démasquée, elle perd son foyer et trouve refuge chez Sorel. Ce dernier avait perdu sa mère dans la même période que Josepha. Contrairement à Josepha qui avait recouru au « sexe » pour son « faire son deuil », celui-ci s’adonne à l’alcool. Il estime que sa femme entourée et aimée par ses parents encore vivants ne mesure pas l’intensité de sa douleur et n’a pas manqué de lui faire savoir que « son tour chez le coiffeur viendrait ».Vient ensuite la nouvelle « Mamange  » dans laquelle Benjamin éprouve non seulement le manque de sa femme Fanya, qui s’était suicidée, mais aussi une rage qui ne dit pas son nom envers celle-ci. Fanya, abandonnée par sa mère qui avait suivi son « prince charmant », a grandi dans un état de « manque perpétuel de reconnaissance et d’affection ». Elle avait coupé les liens avec Benjamin son mari alors même qu’elle était enceinte des jumelles. Quant à Julisha, elle a perdu son bébé encore fœtus et ne s’en remet pas. Vivre les moments de l’accouchement et de ne pas avoir son enfant à la fin n’est pas chose aisée : « les jours suivants la douleur physique s’est apaisée mais la douleur psychologique a décuplé » (P.65).Si Benjamin a retrouvé son calme et a terminé son deuil en se soudant à ses jumelles, mais surtout entre les cuisses et les bras de sa Juli, cette dernière a retrouvé sa force de vivre dans une vielle passion : celle de coudre.

La nouvelle suivante est une histoire dans laquelle Kara, épouse d’un « mari infidèle » souffre énormément du décès de son fils de quatre ans qui s’est noyé dans une piscine lors d’une fête oùil avait accompagné son père. Enragée, elle quitte le foyer conjugal et reçoit le soutien de sa meilleure amie Houeffa. L’auteure écrit cette nouvelle dans un ton aussi bien pathétique que dramatique. Le dernier titre de cette œuvre aborde le même thème que les précédents et est intitulé« Veuves ». Ici apparait Laure qui est troublée par la mort de son époux africain. Continuellement harcelée et maudite par ses beaux-parents qui lui réclament le corps du défunt sur la terre africaine, elle trouve le réconfort chez Flavie, une veuve africaine.

« Sincères Condoléances » est une œuvre écrite dans un style simple et direct, un langage qui se veut compris de tous. L’auteure y laisse transparaitre les réalités de ses origines : celles de l’Afrique et de la France.

Quelques thèmes

Même s’il y est développé plusieurs thèmes tels que la vie, la mort, l’amour, la tradition et le racisme, une réalité attire et retient davantage l’attention : la mort, qui apparait comme thème principal du recueil. La mort est un évènement malheureux qui, même intervenant à un âge avancé, fait toujours souffrir les proches de celui qui tourne dos au monde des vivants. Difficile de se remettre de la disparition d’une personne proche : « le temps passe mais la douleur persiste » dit-on. Les mots d’encouragement des amis et proches n’apaisent pas la situation. Laure l’illustre bien quand elle pense qu’« il y a des douleurs que l’on ne peut véritablement comprendre avant de les avoir soi-même éprouvées et la perte d’un être cher en est une » (P.158). La mort est pourtant ce qui donne un sens à notre vie. Elle est d’ailleurs une certitude : tous, nous mourrons, que nous le e veuillons ou pas. Parallèlement à la mort qui tient les hommes sous son joug, il y a la tradition qui n’en fait pas moins.

La tradition, celle-là même que les anciens cherchent à tout prix à protéger et qui est souvent en contradiction avec les réalités modernes, veut toujours avoir la mainmise sur tout. Il faut que le disparu soit enterré selon les rituels de la tradition. Il faut que la famille organise des cérémonies somptueuses et grandioses en mémoire du défunt.

Par ailleurs, le racisme apparait dans l’œuvre. Il continue d’ailleurs de faire chemin dans les pays occidentaux. L’auteur l’a montré à travers les comportements de certains personnages comme Mamie dans la dernière nouvelle qui fait la discrimination entre ses petits-fils métis.

Mon coup de cœur pour l’œuvre réside dans la capacité de l’auteur à faire ressortir la douleur intérieure d’un être éploré. Elle a su montrer l’état d’âme de quelques personnes suite à la perte d’un être cher. Elle surtout a démontré que l’au-delà n’affecte en rien l’amour que l’on porte pour une personne. La lecture de ce recueil de nouvelles permettra de tirer des leçons de vie de l’histoire de ces personnages.

Denise E. GBEKE

  1. La littérature a une fonction thérapeutique. Là est encore une preuve.
    Bravo