Lire un livre, c’est lire le silence de celui qui l’a écrit. Le silence reste le nœud gordien qui lie l’esprit de l’écrivain et celui du lecteur. L’un le fait éclore à travers sa pensée, l’autre le garde par sa lecture et le prolonge sans le rompre. En le contemplant, le lecteur découvre des silences amers comme des silences doux, des silences brutaux comme des silences timides. Auxi Sena Mbie n’y fait pas exception et nous plonge dans son silence qu’elle intitule : ‘’Theresa, Ma vie, mon combat’’. Paru aux éditions Le lys bleu en 2020, ‘’Theresa, Ma vie, mon combat’’ est un roman profond dont le titre pousse à une série de questions : « Qu’est-ce que la vie ? Peut-on vivre sans combattre ? Pourquoi donc combattre pour vivre ? » On peut alors trouver une fissure et se rendre à une conclusion évidente : le combat est l’apanage de la vie. C’est le tableau que dresse devant nous Auxi Sena Mbie à travers l’histoire de Theresa, l’héroïne de son livre. Rien n’altère davantage l’espoir d’une femme mariée, épanouie et heureuse, que la longue attente d’un enfant. Theresa ne passait pas une journée sans prier, dire des litanies, implorer la grâce divine pour accueillir un enfant dans son foyer. Depuis trois ans qu’elle s’était mariée, ce seul manque lui attirait les invectives de sa belle-mère qui aimait la traiter de femme infertile et insignifiante. Elle bénéficiait néanmoins du soutien inconditionnel de Léon, son mari, qui pensait que Dieu agirait. Mais la réponse du sort fut de lui enlever son mari, son plus grand soutien. Elle fut renvoyée de chez elle par sa belle-mère qui la priva des biens de son défunt fils. Le chemin de croix de cette jeune femme venait de commencer. Mais peu de temps après, elle s’aperçut de son état de grossesse. Ce qu’elle avait tant désiré s’offrait à elle, mais la joie n’était pas à la hauteur du désir, car son mari n’était plus là. Le retour de Charlie, le meilleur ami de Léon, apporta un peu de lumière dans sa vie. Elle avait quelqu’un sur qui compter. Cela n’empêchait pas les coups de la vie qui se multipliaient. La mort de sa jeune sœur, sa fausse couche, le décès de sa mère provoqué par sa belle-mère, autant d’évènements douloureux qui lui donnèrent l’envie de se suicider. Au-delà du génie de l’auteur qui sait forger au bout de chaque chapitre un appas de suspenses, ce livre est un réquisitoire contre certaines pratiques mystiques ancestrales. Les péripéties qui secouaient la vie de Theresa n’étaient pas naturelles. Le comportement étrange d’Emeraude le démontre assez bien. Emeraude, une amie de Theresa, en voulait à cette dernière à cause d’une simple dispute. Tama bi, le féticheur, l’avait pourtant prévenue quand elle essayait de sceller le sort de Theresa : « elle ne devait pas ressentir la moindre compassion pour Theresa »p.105. Mais, voyant Theresa abattue, éprouvée jusqu’aux os devant le cercueil de sa mère, et écoutant ses plaintes, Emeraude, ne put s’empêcher de pleurer. A cet instant, « le ciel s’assombrit tout à coup, le tonnerre gronda trois fois, Émeraude commença à se gratter, elle jeta son sac à main, retira sa perruque et se mit à danser et à rire bêtement. »p.105.
Dans un style fait d’humour et de sincérité, Auxi Sena Mbie écrit une histoire qui flaire notre quotidien. Ces couples qui espèrent goûter à la joie d’être parents, ces filles qui se détruisent et s’entre-détruisent à travers des forces occultes…etc. Si l’émotion domine dans ce livre, deux thématiques principales y trônent comme le socle sur lequel l’auteure a bâti son œuvre : le pardon et l’amour. Theresa pourra-t-elle pardonner à sa belle-mère après tout ce qu’elle lui a fait subir ? Géneviève, sa belle-mère, reconnaît ses erreurs et vient lui présenter ses excuses. Que fera Theresa ? L’auteur à travers la deuxième thématique semble montrer qu’il existe une chose qui puisse dompter toutes les souffrances de la vie : l’amour. Que peut-il se passer entre Theresa et Charlie, le meilleur ami de son mari ? Ces deux cœurs pourront-ils donner libre cours à leurs sentiments ? Theresa sera-t-elle un jour mère ? ‘’Theresa, Ma vie, mon combat’’ est un roman clair-obscur qui aiguillonne la conscience humaine et lui faire réaliser l’indéniable succession des saisons qui font les facettes de la vie. A la fin du livre, une voix murmure au fond de vous : « Tout ce qu’on fait dans cette vie se paie tôt ou tard ». p.106.
Je recommande ce livre pour la simple raison qu’il est digeste et osé, puisque l’auteure n’avait que 18 ans au moment où elle l’écrivait. Ecrire un tel livre à cet âge, n’est pas donné à tout le monde. A vous qui aimez les sensations fortes, le pleurer-rire, ce livre est à vous.
Ricardo AKPO