BL : Bonjour monsieur Thiombiano Ousseynou. Nous sommes heureux de vous recevoir sur notre blog. Vous êtes poètes sénégalais, ancien étudiant en Droit à l’université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal. Que pouvons-nous savoir davantage de vous ?

OT: Je m’appelle Ousseynou Thiombiano, aussi connu sous le pseudonyme de Ouzin Karbala Thiombiano. Je suis poète sénégalais d’origine burkinabé, auteur du recueil de poèmes « De la pluie et du beau temps » paru aux éditions L’Harmattan-Sénégal en 2017.Titulaire d’un Master en droit des affaires, option ingénierie juridique à l’université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal, je réside présentement en France où je poursuis une spécialisation en droit des transports à l’Université polytechnique Hauts-de-France de Valenciennes.

BL : Vous êtes devenu depuis quelques années « partenaire d’AFROpoésie ». Qu’est-ce que cela signifie ?

OT: Devenir « partenaire d’Afropoésie » me donne le sentiment de faire chemin et d’appartenir à une dynamique contemporaine prête à donner un souffle nouveau à la poèsie africaine. En effet, celle-ci a acquis ses lettres de noblesse dans un contexte historico-politique bien déterminé, qui à certains égards, n’est plus le même. Le temps des pionniers a laissé place à des singularités de plus en plus affirmées dont l’écriture n’est plus systématiquement déterminée par le dévoilement ethnographique, l’urgence de la décolonisation, la re-culturation, la prise de conscience nationale ou la dénonciation des dérives postcoloniales. Tout ceci bien louable certes et non moins important est devenu supplétif. On assiste davantage à l’expérimentation dans la création poétique bien entendu orientée par un minimum de référentiel vis-à-vis des pionniers (notamment ceux de la Négritude) qui nous ont fait aimer la poésie. Car jamais, on ne dira sur la traite négrière et sur la colonisation ce qu’ils n’ont déjà dit, la préoccupation sera comment trouver la manière de dire, de bien dire et que dire d’autre qu’ils n’ont pas vécu. Et je pense que c’est dans cette diversité de styles sous la même bannière de la littérature africaine libérée de toute pesanteur  que s’inscrit « Afropoésie ».

BL : Vous êtes l’initiateur du mouvement « Lis tes ratures aux temps TIC ». Comment ce concept est-il né et quelles sont les fins que vous lui assignez ?

OT: « Lis tes ratures aux temps TIC » est une initiative qui est né en 2014 dans une volonté d’alternative sur l’espace digital. Le constat de départ était que la littérature et les sciences sociales avaient une présence timide et poussive sur les réseaux sociaux tandis que nos fils d’actualité étaient bondés de publications pour le moins à caractère ludique. Il s’est agi ainsi pour moi d’articuler des camarades étudiants de divers profils (Juristes, littéraires, sociologues, économistes, politistes etc…) autour de l’idéal de faire écho de nos convictions et émotions modelées par des travaux universitaires et passions de lecteurs. Ce qui s’est traduit par des articles de qualité sur la plateforme. D’ailleurs, ce que le ministre de l’enseignement supérieur n’avait manqué de percevoir en transmettant de vive voix et au téléphone ses encouragements à un de nos administrateurs suite à un billet sur l’immobilisme de la jeunesse, lequel avait été repris par bon nombre de sites internet du pays. De ce fait, la plateforme poursuit l’objectif d’une production intellectuelle et/ou  émotionnelle plus féconde et dense sur la toile.

BL : Quel bilan faites-vous avec le recul du temps ?

Tout d’abord depuis la création de la plateforme, il y a eu de manière générale un chemin parcouru sur la présence des auteurs de tous ordres dans l’espace numérique. Je nourris avec mes collaborateurs le sentiment d’avoir apporter notre petite pierre à l’édifice bien que nos obligations respectives semblent prendre le pas sur notre régularité ces derniers temps et que  le travail à abattre soit toujours d’une pugnacité actuelle. Donc c’est un bilan tout en demi- teinte :  mi figue, mi raisin.

BL : La jeunesse africaine et la littérature, à l’ère des TIC : qu’est-ce que cela vous inspire ?

OT: Les TICs nous ont propulsés dans une nouvelle forme de société, celle de l’information et des connaissances partagées qui s’étend dans ce que l’on appelle le cyberespace. L’espace traditionnel est un espace physique, matériel tandis que le cyberespace est celui immatériel, constitué de l’interconnexion de tous les réseaux à l’échelle de la planète. Par conséquent, la jeunesse africaine au même titre que d’autres appartient à une civilisation du numérique. De surcroît, une littérature est toujours porteuse de civilisation, de manière débridée ou prononcée, à travers les siècles et les espaces. Cependant, il faut noter que le rapport de la jeunesse africaine à la littérature a l’ère des TICs n’est pas très harmonieux dans l’absolu. Ce faisant pour reprendre Johann Sfar « Aujourd’hui une voix sur twitter, un mot d’auteur ont la même valeur. On ne sait plus où ranger les mots et on les met dans un même endroit et là l’écrivain peut être écrasé très facilement dans ce processus ». La fragilité du narrateur est telle s’il ne réinvente pas son discours littéraire devant un lectorat numérique qui n’est pas là que pour lui. En réalité, ce qu’on ne dit pas assez c’est que de nos jours les gens lisent peut-être plus que jamais avec l’avènement d’internet mais pas forcément des textes à teneur littéraire. À mon sens, il appartient à chaque auteur de trouver  les voies et moyens de toucher, d’éduquer et d’émouvoir.

BL : Quand on est originaire du Burkina-Faso et qu’on est de nationalité sénégalaise, quel regard porte-t-on sur les questions raciales et ethniques qui déchirent parfois le tissu familial du vivre ensemble ?

OT: À mon avis, le métissage culturel est un idéal de civilisation ainsi qu’un principe de vie. Être lié à deux peuples par le sang et le cœur me permet d’avoir foi en un certain métabolisme culturel dont on ne peut délier les éléments. Mais je crois qu’il n’est pas forcément nécessaire d’appartenir à deux nations différentes pour vivre cet idéal. On pourrait en faire un principe de vie parce que nos parents sont de villages différents, de villes différentes, de quartiers différents ou bien tout simplement de maisons différentes. L’homme est fondamentalement métis dans tous ses aspects. Untel est noir, yorouba, chrétien, socialiste etc. Un autre est blanc, alsacien, athée, socialiste etc. Toutes ces identités fragmentées appellent des fraternités avec d’autres personnes et doivent se renforcer par le ciment de l’humanisme. Par la même occasion, je me désole des violences perpétrées sous le signe de la différence de l’autre.

BL : Thomas Sankara et le Président poète, Sédar Senghor : comment ces deux personnages arrivent-ils à cohabiter dans votre cœur quand on sait que le premier est plus tranchant et plus vert dans ses revendications que le second qui n’a pas su agir en tigre pour bondir sur sa proie ?

OT: Je vois entre ces deux figures pas nécessairement une contradiction mais une dualité. Senghor et Sankara sont deux grands hommes avec deux trajectoires spécifiques et qui sont tout aussi de générations différentes. Dans la généralité, l’un est dans le temps de la pensée et l’autre dans celui de l’action. Encore que le grand nombre ignore certains combats livrés par Senghor sans vouloir abjurer l’homme de tous ses manquements au cours de l’histoire. De façon indicative, il s’est insurgé contre la « balkanisation de l’Afrique », terme qui d’ailleurs  est apparu en premier sous sa plume dans le numéro du 06 novembre 1956 de l’hebdomadaire catholique dakarois « Afrique Nouvelle », et que ses détracteurs les plus tenaces reprennent sans en connaître la paternité, en soulignant le sort douteux «  du petit Sénégal ou (…) de la petite Côte d’ivoire devant la métropole ». D’ailleurs, je proposerai aux partisans de la démarche manichéiste et binaire du pour/contre qui appréhendent toujours Senghor sous ses rapports directs avec Cheikh Anta Diop ou Mamadou Dia d’appliquer la même méthode à sa relation avec Houphouët Boigny (avec qui il n’était pas en bon terme depuis l’adhésion de ce dernier à la loi cadre) pour en tirer toutes les limites. De même, il a offert  son soutien quoique officieux envers la résistance armée d’Amilcar  à s’en remettre au témoignage direct de son ex-femme Lucette Cabral. Et que dire de Sankara dont l’œuvre grandiose sur la condition de la femme, la préférence nationale et l’estime de soi en un rien de temps n’a pas fini de faire des émules chez la jeune génération qui voit en lui « Le Ché africain ». Fort malheureusement à son sujet, d’aucuns lui prêtent une francophobie qui n’a jamais été sienne. Il a tout juste défendu les intérêts de son pays jusqu’au prix du sang. Chez Sankara, l’affirmation de soi ne passe pas par la négation de l’autre. Cela dit, il nous faut aborder les personnages historiques de par leur trajectoire d’ensemble et non pas de manière parcellaire pour ne pas tomber dans des lieux communs et formuler des opinions hâtives. Au demeurant, ils ont tous deux porté une vision sur l’Afrique de leurs approches respectives.  Dés lors, je n’éprouve aucun dilemme de nature à choisir l’un pour désavouer l’autre.

 BL : Votre amour pour la poésie est né justement de votre rencontre avec Senghor. Comment cette dernière s’est-elle produite ? Quel texte du président poète vous a marqué au point que vous n’ayez depuis lors des phalanges que pour coucher des vers et des rimes sur vos feuilles ?

OT: Effectivement, ma rencontre avec Senghor a été décisive dans le destin de poète auquel j’ai assez tôt aspiré. Pour ne pas me prêter à un choix ardu, je dirai que la trilogie « Nuit de Sine/Joal/Femme nue » a éveillé en moi une soif intense de poésie et m’a convaincu du pouvoir évocateur des mots. Depuis ce moment, j ai  foi inébranlablement en une correspondance quasi mystique entre la beauté du langage et la beauté des choses. Car enfin de compte comme disait Camus « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ».

BL : En 2017, vous avez publié votre premier recueil de poèmes « DE LA PLUIE ET DU BEAU TEMPS ». Veuillez partager avec nous ce qui vous y a  motivé et les objectifs précis que vous visiez en le publiant.

OT: À proprement parler, il n’y avait aucune motivation, aucun objectif particulier derrière en dehors de partager avec l’autre ma vision du monde. Tout compte fait, à quoi bon publier si ce n’est pour résorber une incomplétude en tant qu’être. Ce n’est pas fortuit de parler de « livre » dans la mesure où chaque auteur se livre un tant soit peu au monde en publiant.

BL : Vous êtes poète et votre poésie, née de votre rencontre avec Senghor, s’est aussi nourrie aux sources des Prévert, Khalil Gibran, et Birago Diop, et se veut expérimentale. Veuillez nous introduire dans l’économie de votre approche expérimentale de la poésie.

OT: Après Senghor, mes pérégrinations de lecteur m’ont conduit vers d’illustres poètes dont Birago Diop, Khalil Gibran et Prévert. Birago Diop occupe dans mon panthéon une place de choix en ce que j’ai trouvé en lui le père de la modernité poétique africaine avant l’heure tout comme Baudelaire en poésie française avec qui il partage ce que j’appellerai le subterfuge du « pantoum boiteux » dans leurs poèmes respectifs « Mélopée » et « Harmonie du soir »( pour mettre un nom sur une réalité révélée par Zacharia Sall et rentrer dans les habitudes de Mamadou Socrate Diop [Rires]). Contemporain des tenants de la Négritude, il s’est forgé une poésie originale pour l’époque au-delà de tout engagement ou s’il en avait un, c’était envers l’Art avant tout. C’est pas pour autant qu’il a passé sous silence l’Afrique dans son recueil, l’unique d’ailleurs. On y perçoit une Afrique immortelle qui n’a connu aucune domination tant sont vigoureux des textes comme « Kassak » ou «  Souffles », poème plus connu que « Leurres et Lueurs » l’œuvre de laquelle, il est extrait. Et s’il y a quelque chose que je ne pardonnerai pas à Senghor, c’est d’avoir été de ceux qui ont critiqué bien que de manière amicale le délit d’identité « pas trop nègre »  du recueil au moment où la Négritude battait son plein. Ceci expliquerait à mon avis que ce soit sa seule publication en poésie (Rires).

Khalil Gibran quant à lui me fascine à travers ses formules proverbiales et aphorismes. Il y a quelque chose de dense, court et juste dans l’écriture poétique de Gibran. Chaque parcelle du texte est imbue de poésie. Chaque mot, chaque vers, chaque strophe est là parce qu’il ne devrait se trouver autre part. Il est tout bonnement à sa place. Ensuite, dans ses textes se dégage une spiritualité très humaniste qui parle à toutes les chapelles. Ce qui ne manque pas d’actualité au vu des déchirements du monde dans les questions d’ordre religieux.

S’agissant de Prévert, c’est le poète qui ne se prend pas trop au sérieux. Il transmet de manière fort ludique des messages aux plus petits et aux plus grands à travers ses saynètes du quotidien. Sa poésie a la particularité d’interpeller tout le monde par une pédagogie sans précédent. Il désarticule aussi les techniques poétiques en les expérimentant à sa guise.

En définitive, chacun de ces génies en création artistique m’inspire dans mon écriture et me permet d’étendre mon rayon d’inspiration et de créativité par un champ des possibles plus vaste et innovant.

BL : Quelle place accordez-vous dans votre poésie à Brassens, Brel, Ferré et Gainsbourg ?

OT: J’accorde une place importante à la musique de manière générale dans mon processus de création. Brassens, Brel, Ferré et Gainsbourg sont de ceux qui me chuchotent à l’oreille un air de poésie. Mais ils partagent l’affiche avec d’autres artistes auxquels je rends ouvertement hommage dans mes écrits tels que Yandé Codou Sène, Samba Diabaré Samb, Ndiaga Mbaye et, Ismaïla Lô. Je suis de ceux qui croient que Poésie et Musique sont à bien des égards indissociables. Dans l’antiquité gréco-romaine, nous avons la figure d’Orphée, musicien-poète avec sa lyre. En Afrique, nous avons celle du griot qui remplit le même profil avec par exemple dans la société wolof les «  Woy-maam »(poésie laudative pour remonter les origines d’un clan) et les « Woy-jalooré » (poésie épique pour souligner les hauts faits d’un personnage historique) toutes deux généralement accompagnées d’instruments. À ce titre, j’écoute attentivement une chanson de quelque genre que ce soit ( Rap, Raggae, Acoustic, Mbalax) comme je lis un poème.

BL : L’enfance est un domaine particulier que votre poésie s’emploie à explorer. C’est quoi l’enfance pour vous ?

OT: Pour moi, l’enfance est un temps infini qui permet à l’homme de parer à sa propre finitude. C’est le temps de l’innocence, de la pureté et de la foi envers le monde. Le poète doit se faire enfant, retourner sur ses pas dans ce royaume de l’imaginaire et du contemplatif. Il doit emprunter les yeux de l’enfant de jadis pour retrouver sa foi en l’homme et au mieux-être du monde.

BL : Mais il y a aussi que vous tenez à donner souffle dans sa poésie aux petits êtres : le nénuphar, le papillon, la petite fleur, la phalène du soir.

OT: Parlant de l’enfance, vous comprenez dores et déjà toute l’attention vouée aux petits êtres. Dans la contemplation de l’enfant, se magnifient les trivialités. Tout est ou pourrait être l’objet d’émerveillement. Ces petits êtres qui peuplent nos quotidiens ont souvent pour observateurs privilégiés les enfants et ceux qui ont le pouvoir d’en être un. La nature nous enseigne la générosité : par exemple le papillon permet la pollinisation de la fleur, la fleur abrite les organes reproducteurs de certaines plantes, les plantes dégagent de l’oxygène pour les hommes. Rien n’existe au hasard. Tout se tient dans la vie. Au final, sans ces petits êtres que serait-il advenu de  l’homme ?

BL : « DE LA PLUIE ET DU BEAU TEMPS », une célébration de l’Afrique (Akhenaton, Fada N’gourma, Amon-Ré) et la culture hellénistique ? La poésie de Thiombiano Ousseynou ne peut-elle donc pas se passer de la mythologie ?

OT: Je tiens à préciser que je me suis épris de littérature en tant que lecteur grâce à des récits mythologiques comme « Contes et légendes de la Rome naissante» de Laura Orvieto ainsi que «  l’anthologie des textes fondateurs » (Bible, Illiade, Odysee, Enéide, Métamorphoses) de Christian Keime. Et si je me suis tourné vers cette forme de littérature, c’est parce que le temps de l’adolescence à la quête de merveilleux s’y prêtait mais encore je pouvais en trouver à foison auprès d’un ami tenant une « librairie-trottoir » à petit prix par rapport aux volumes d’Harry Potter que mes camarades s’arrachaient. J’évoque la mythologie parce que c’est ce qui m’est tombé entre les mains au moment où je commençais sérieusement à m’intéresser à la lecture. Depuis, mes recherches sur mes origines ont porté une part de mythologie comme il en est souvent le cas dans nos mythes fondateurs et cosmogonies en Afrique. De plus, ce premier recueil a été placé quelque peu sous ce sceau. Néanmoins, ma plume s’est arrogé le droit d’être aux confins de l’inspiration et se nourrit de tout et non pas spécifiquement d’une seule substance.  Elle est iconoclaste et insaisissable. Et à ce jour, mes poèmes qui ne portent pas sur la mythologie sont bien plus nombreux dans mon répertoire.

BL : Dans la présentation qu’il fait de votre livre, Zacharia Sall, soupçonnant un certain « élitisme » et un certain « hermétisme » affirme ceci : « Trop de science tue la beauté ». Qu’en pensez-vous ?

OT: Je trouve ce sentiment de Zacharia SALL tout à fait légitime pour la seule raison que je sais qu’il le dit pour le lecteur profane qui ne serait pas rompu au jeu de la poésie. Cependant, d’une part celui-ci a été tant bien que mal orienté par les nombreuses annotations en bas de page dans le recueil. D’autre part, il s’agit d’un choix artistique sur un recueil qui pose l’acte fondateur de ma poésie mais qui ne l’est pas à lui seul. Le spectre d’écriture est tel que tout le monde sera servi au fil des recueils et selon leurs couleurs et univers.

BL : «  Selfies » est un poème qui nous intéresse particulièrement. Que nous est-il permis d’en savoir davantage ?

OT: « Selfies » met l’accent sur les vraies fausses vies qu’on se donne quelquefois sur les réseaux sociaux :

« (…) Dans nos photos postées/Où tout est coloré vif d’allégresse/Les peaux noires blanchissent/Et les peaux blanches se bronzent/Espérant  likes et commentaires/ De centaines d’amis qu’on n’a pas/Dans la peau de personnages qui ne nous habitent pas/  La tête dans les nuages des villes où l’on ne va pas (…) En se persuadant d’être dans le meilleur des mondes/Sous le masque des sourires laborieusement affichés dans nos selfies. » Ce texte est la courbe inversée d’un autre poème « Nous deux » qui magnifie l’intimité entre une personne et son cellulaire. Un moyen de rappeler à tous que le Numérique a aussi bien des avantages que des effets pervers et qu’il appartient à chacun d’entre nous d’en faire bon usage.

BL : Comment définissez-vous la poésie en cette ère du numérique, vous qui, mutatis mutandis, vous êtes réjoui d’avoir «fait ce que ni Senghor ni Césaire, ni Hugo, ni Musset n’ont fait » ?

OT: Pour ceux qui seraient tentés d’aller trop vite en besogne (Rires), je précise que ce propos certes une boutade est loin d’être impertinente. Les époques de Senghor et Césaire ainsi que de Hugo et Musset ne sont pas la nôtre.

Aujourd’hui, un smartphone, un réseau câblé d’internet, un ordinateur ne troublent pas le tableau pittoresque. Toutefois ils sont un changement irréversible dans le regard du poète. Ces TICs  transforment le paysage, bousculent les mentalités, modèlent de nouveaux modes de vie et imposent une nouvelle représentation du monde. Il s’agit bien là d’un sentier peu exploré en littérature subsaharienne d’expression francophone alors que notre société, pas moins qu’ailleurs, est composée d’ « hominescents » (d’hommes épris de technologie), ce qui appelle nécessairement à une « litterescence », à un « lyrisme d’ingénieur » pour reprendre les poètes suédois.

De ce fait, l’un des défis de notre génération en poésie est à juste titre de donner aux TICs une profonde signification littéraire tels que le lac, le totem, les masques, le coucher de soleil, l’aube etc.

Ce que j’ai entrepris dans certains poèmes de mon recueil « De la pluie et du beau temps ».

BL : Etes-vous satisfait de l’accueil que les lecteurs ont réservé à votre livre ?

OT: Je suis assez satisfait de l’accueil du recueil par les lecteurs. Jusqu’à maintenant, je reçois des messages d’inconnus sur les réseaux sociaux me faisant part de leurs impressions. Cela me fait chaud au cœur de me savoir lu et apprécié.

BL : Quelle a été votre plus grande déception ?

OT: Ce qui a été ma plus grande déception, c’est le décès d’un ami.

BL : Qu’est-ce qui vous réjouit le plus ?

OT: Ce qui me réjouit le plus c’est le regard innocent d’un enfant.

BL : Si vous deviez être une star du football ?…

OT: Ronaldinho

BL : Quel livre auriez-vous aimé si vous étiez né dans les années 40 ?

OT: J’aurais sans doute aimé le recueil « Reliefs » de Malick Fall paru en 1964 dont j’ai lu quelques extraits (« Mère Awa », « Crépuscule », « L’équipe » etc.) et qui à mon plus grand regret demeure indisponible.

BL : Quels sont vos projets littéraires ? A quoi s’attendre après ce premier recueil qui date quand même de 2017 ?

OT: Présentement, je finalise mon second recueil intitulé « Le requiem des berceuses enfouies ». Le texte en soi est déjà prêt. Je poursuis la coordination de la préface et de la postface qui seront respectivement aux soins de Mamadou Socrate Diop et Zacharia Sall. Le recueil sera disponible probablement pour la rentrée littéraire 2021 au regard de la conjoncture qui sévit. Par delà, je travaille sur deux autres projets personnels qui seront divulgués à point nommé. Aussi, je participe en séminaire aux projets en cours de mes préfacier et postfacier. Récemment, j’ai assuré la préface de « La mémoire du baobab », recueil de Assane Sow qui paraîtra très prochainement aux éditions Sirius.

BL : Comment se procurer votre livre ?

OT: Le recueil est disponible dans toutes les librairies Harmattan et sur toutes les plateformes de ventes (Amazon, Fnac, Decitre etc.).

BL : Votre mot de la fin

OT: Je remercie les biscottes littéraires de m’avoir offert sa tribune pour parler de ma passion, salue votre professionnalisme sans conteste et vous souhaite un plein épanouissement de l’initiative.