Il était une fois…. Semons le conte, que le conte vienne ! Mon conte roule, roule, roule et tombe sur une grande contrée. Cette contrée était mystérieuse riche et puissante. Ses fils étaient des géants, à la peau noire, avec des muscles saillants et qui labouraient la terre. Et ses filles, ses filles étaient belles, aux formes voluptueuses et au teint noir brillant. On racontait partout que cette contrée était aussi riche en histoire, en coutumes, en tradition. Certains se hâtaient même de l’appeler le berceau de l’humanité. Un berceau ? Eh oui, mais dans cette contrée il y avait des personnes spéciales, qui avaient une étonnante mission. Celle de garder. Ces personnes gardaient dans leur têtes toutes ces histoires, ces épopées, ces explications, ces origines de toutes les traditions, les actions, les faits de leurs peuples. On leur donnait beaucoup de noms selon leurs missions, des griots, des conteurs. Et il y en avait hommes comme femmes.

– Ah, tu es conteur ?, me demandera-t-on.

– Chut et non je ne suis pas une con-teu-se. Mais je m’en vais vous parler d’une et de son histoire. Elle, son nom c’est Anna Baï Dangnivo. Et elle aime raconter des histoires. Dans un recueil de conte, Anna Baï Dangnivo nous invite à une veillée de conte où elle nous offre à lire deux contes véhiculant chacun une leçon de vie. Ma nature de curieuse me lance dans une suite de devinettes et de questionnements quand j’aperçois l’image de la première de couverture. Là, je parie qu’il s’agit d’une histoire de race. Parce que j’ai vu, illustrée sur la couverture, une femme de peau noire et un homme de peau claire. Et puis le titre : Toula l’amour interdit. Mais quelle ne fut pas ma surprise quand la lecture me fit découvrir une toute autre vérité. Mais bon !… Et si à mon tour, je vous contais une histoire. Oui ? Alors on se lance.

Mon conte court, vole, file et se pose sur une jeune femme et un jeune homme….Ah, non, on va juste se contenter de découvrir ensemble le fond de notre histoire. Laissons la tâche de conter à notre auteure.

« Toula, l’amour interdit nous raconte une histoire d’amour ». Mais attention, une histoire d’amour étrange et différente de celle qu’on lit dans nos livres de conte, où la fin est ‘’ils vécurent heureux jusqu’à la fin de leurs jours’’. Toula était une jeune femme belle. Elle « était d’une beauté époustouflante, une beauté intimidante » « Tout chez elle était semblait harmonie et sérénité ». Mais, hélas, personne ne trouvait grâce aux yeux de notre ‘’beauté ‘’. « Toula recevait les honneurs de ses soupirants avec le détachement d’une reine » P11 C’était la consternation. « Découragé, on la laissa à ses rêves, mais on l’observait. On attendait de voir qui cette dame finirait par choisir » P12 Mais Toula ne semblait par faire un choix. Parfois elle-même se surprenait et « se demandait pourquoi aucun prétendant ne l’intéressait ». Et puis, des soleils passèrent et des nuits et Toula ne s’était toujours pas décidée. Est-ce parce qu’entre-temps elle avait « frissonné au contact de Bogbé venu dans sa chambre lui faire une commission ? ». « Notre reine de beauté constata avec horreur et effarement que le simple effleurement avait déclenché en elle un trouble inqualifiable, un frisson irrépressible ». Dans une suite de phrases bien ficelées, notre conteuse nous fait découvrir peu à peu l’attirance mutuelle de Toula et Bogbé. « De son côté, Bogbé ayant reçu la même décharge se troubla ». « Cette situation durait. Elle perdurait. Toula s’évertuait à congédier ses amoureux. » P14 Notre conte poursuit sa route et nous montre comment par l’aide du destin Toula et Bogbé se retrouvent à cohabiter pendant quelques jours. Alors Toula, du haut de sa nature de femme ‘’mûre et avisée’’, met en marche un plan. Le quel ? « Toula se sentit mal. Elle frissonnait. Toula se tordait. On dirait que seule ta présence me soulage. Dès que le jeune homme s’éloignait, la jeune femme semblait perdre connaissance. » P18 Puis vint un jour, où Toula décida qu’il était temps d’aller quêter l’aide des ancêtres. «  L’oracle à travers le signe Toula Médji, se mit à discourir sur la ‘’décence’’ la ‘’moralité’’. » Toula ne se laissait pas impressionner elle força la main au devin et par des sacrifices conjura le mauvais sort. 

Pourquoi, me demanderez-vous, Toula et Bogbé ne pouvait-il pas consommer ? Pourquoi un devin ? Et pourquoi elle ne choisissait pas Bogbé ?

Vous l’avez compris Bogbé est un homme. Mais s’il était un homme pourquoi Toula était consternée ? « Bogbé est son neveu. « Ce garçon imberbe est ‘’son enfant. » P13

Et Toula poussa son enfant au bout du précipice. Elle continua son plan maléfique de séduction. « Toula était triste, elle avait froid. Bogbé s’assit à côté d’elle sur sa couchette, puis se mit à lui masser les pieds. Toula soupira d’aise. Il avait compris seule sa présence soulageait la made effectivement. Le jeune homme se piqua au jeu. Les sensations devenaient intenables, on lui présenta les seins, il les happa. On lui présenta les cuisses, il les tritura, on s’ouvrit à lui il hésita… Le jeune homme se sentait défaillir. Il se sentait mourir. On lui tendit le derrière, il l’agrippa avec l’énergie d’un naufragé…On s’ouvrit à lui, Bogbé plongea. Il pataugea, nagea, nagea, et se sentit revivre. » P35

De fil en aiguille, notre auteure tisse son conte et nous jette dans les filets de son suspens. On découvre peu à peu par des mots simples mais significatifs, comment l’inceste eut lieu entre une tante et son neveu. La conséquence ne se fit pas attendre. Elle tomba enceinte et le village au risque de les tuer, les condamna à l’exil. Mais le couple ne sortit pas indemnes de leur actes : « Tous ceux qui s’y adonnent, deviennent des réservoirs d’enfants mal formés, des Tohossou, ces vodouns des eaux qui retournent aux eaux. »

Anna Baï Dangnivo ose sa plume à cette ère où des sujets aussi sensibles que l’inceste apparaissent au grand jour pour nous rappeler les comportements idoines à observer afin d’éviter les conséquences désastreuses qui en découlent. et ses conséquences. N’observe-t-on pas aujourd’hui que des enfants à peine âgées subissent le courroux maléfique des besoins grégaires des hommes matures? N’observe-t-on pas des pères de famille inconscients qui osent se donner à cet acte ignobles avec leur propres filles? N’observe-t-on pas les pertes en vies humaines de ces jeunes filles sur la table d’accouchement parce que pas encore prêtes pour concevoir?

De toute évidence, Anna Baï Dangnivo nous aura prévenus. Elle nous aura montré le chemin à suivre. Face à ces phénomènes qui ont repris de plus belles, n’est-il pas mieux de faire appel à nos traditions, rappeler aux uns et aux autres les conséquences néfastes de ces actes sur la communauté ? Nos contes devraient refaire surface dans nos veillées, s’inviter dans nos soirées. Nous gagnerons à laisser la place à nos conteurs dans chaque maison pour que les enfants puissent entendre, apprendre et savoir que c’est mauvais et qu’il faut dire non et dénoncer pour ne pas subir le courroux des dieux.

Mon compte rendu a marché, couru, volé, filé et ici tire sa révérence.

De quoi parle alors le second conte du recueil ? Ah oui, « Zagalos, le crabe macho« . Je vous laisse découvrir l’histoire. Payer le livre édité et disponible aux Editions Savanes, et laissez-vous bercer par les mots de notre conteuse. Peut-être que cette histoire vous laissera encore plus perplexes que celle de « Toula, l’amour interdit« . Pour ma part je laisse ma place au conte.

Annet BONOU