Nous ne formions qu’un.

Ce n’était pas toi et moi ou moi et toi, c’était Nous.

Sans crier gare, un jour tu t’es mis à me faire mal.

J’ai pleuré, demandé ce qui n’allait pas et implorer ton pardon.

Or tu as fait fi de mes larmes. Ce soir s’il te plaît fais-moi une faveur.

Je veux dormir avec toi. Ne laisses pas un pan de pyjama m’incommoder, ne laisses pas mon bras hors du lit, empêche moi de tomber.

Reviens et faisons à nouveau un. Reviens mon corps. ( Annie-Josiane SESSOU, Transformée, Éditions La plume d’or, 2018, P19.)

Des mots simples et profonds écrits à l’endroit d’un seul et unique être: son corps. Un compagnon de vie, pour la vie et dont l’abandon laisse triste, mais surtout transformée. Si je devais donner un titre à ce pan de texte empreint d’amour, de surprise, de résignation, de prières, j’aurais proposé sans hésiter: Complaintes à mon corps. Mais l’ensemble de ce pan de texte, avec tous les autres mots que j’ai ôté et que vous ne voyez pas, s’intitule plutôt: A toi mon compagnon de vie.

Je tourne depuis un moment les pages du livre qui est posé devant moi. J’ai la même idée que celle que j’eus la première fois que j’ai posé les yeux sur l’œuvre. Une page de couverture avec pour photo de couverture l’image d’une femme. Maquillée sobrement, je suis subjugué par ses yeux et son regard. Elle porte fièrement des yeux dont l’éclat peut rivaliser avec celui d’un reflet de soleil. Ils sont brillants, vifs et son regard vrai, franc. C’est sur 176 pages, que s’étend ce roman autobiographique écrit par Annie- Josiane SESSOU. Publié aux Éditions La plume d’or en 2018. « Transformée« , c’est le titre de ce roman. « Transformée« , c’est ‘’un témoignage émouvant ‘’ de sa vie que nous offre à lire ici Annie-Josiane SESSOU. Composé d’un ensemble de vécus, de faits, d’événements, de souvenirs, ce roman autobiographique se révèle être un véritable reflet d’un chemin difficile que notre héroïne parcourt en se lançant dans une quête, mais laquelle? « Transformée« , nous raconte une partie de l’histoire d’une jeune femme, notre auteure, mais aussi notre héroïne, Annie- Josiane SESSOU. Afro-franco-canadienne, née en France, Mais d’origine Béninoise et Ivoirienne, elle s’est installée et vit au Canada à Montréal. Partagée entre sa passion pour les voyages, sa vie professionnelle, sa famille et ses amis, Annie-Josiane était comme toutes les femmes de son époque, vive, joyeuse, des rêves et des idéaux pleins la tête.

Et puis un jour survient…

Après un voyage de quelques temps en avion, elle commence par ressentir des douleurs aux doigts. Le mal empire, quand ces douleurs la fait horriblement souffrir à en perdre haleine. Résignée par sa souffrance et par les conseils de ses proches, elle se rend à l’hôpital, dans l’espoir d’une simple consultation et très vite dut  rester pendant trois semaines. « L’effet sur le personnel médical fut immédiat. Sans l’insistance et même la décision de mes collègues, je ne serai jamais allé aux urgences justes pour des doigts douloureux. Oui, j’avais juste mal aux doigts » P27. Suite à des analyses, on lui annonce qu’elle est porteuse d’une maladie auto-immune : Le Syndrome de Raynaud avec l’une des formes sévères : la Sclérodermie.

Et ce fut le début d’un long processus de transformation

« Je souffre du Syndrome de Raynaud. Je souffre de la Sclérodermie. » P30 Annie-Josiane se retrouve daredare projetée dans un tourbillon de changement. Surprise, déni, résignation, résilience, courage, amour, transformation, elle nous fait faire le tour de ses émotions, des évènements, des faits de sa désormais nouvelle vie. Elle vit progressivement le stade de son début de maladie. Tout y passe, le brusque changement de son corps, le constat de son état… « Mes doigts se mettent à geler dès que la température est inférieure à vingt degrés Celsius. Mais le pire, ce sont les ulcères à répétition. Mes bouts de doigts pourrissent et c’est extrêmement douloureux. »  « Quelques mois après cette première hospitalisation, c’est en tout innocence que j’ai constaté la transformation de ma peau. Elle est devenue progressivement dure, épaisse et sèche. J’ai réussi à refouler les larmes sans toutefois me débarrasser du chagrin que je ressentais. Qu’est ce j’allais devenir avec une peau pareille? » P28 «Ca y est j’étais malade au point de devoir recevoir des anticorps d’autres personnes. Lasse, le dos échiné et le cœur en lambeaux, je me suis assise sur le bord de mon lit pour pleurer de tout mon soûl. » P36

Annie-Josiane SESSOU à cause de son mal, était alors devenue sujette à de petits maux extrêmement difficiles à gérer. S’épuisant très vite et endurant parfois des faiblesses musculaires, elle dut observer en silence et impuissante les conséquences de son mal sur son quotidien. « (…) depuis quelques mois, j’éprouve de la difficulté à monter en voiture en raison de la faiblesse dans mes jambes » P38 « (…) je n’avais ni la force musculaire, ni  le cœur à agiter les mains… » Sa nouvelle vie, et tout ce qu’elle impliquait, était devenue dès lors un combat. Combat contre les regards extérieurs sur elles. Combats dans ces moments où le monde ne la comprenait pas. Elle nous parle de cet épisode de l’hôpital où, impossible de bouger, elle dut se résoudre à demander de l’aide. Le comportement de l’aide-soignante fut pour elle comme un coup de massue dans sa souffrance quotidienne.

« Elle m’a plutôt crié quelque chose comme, faites un effort, vous êtes jeunes. Moi qui étais frustrée, je l’étais encore plus d’avoir demandé de l’aide pour si peu. Me sont revenues à l’esprit toutes les fois où m’étant couchée dans mon lit , je m’étais coincée le pyjama dans l’aisselle, le dos ou le bas du dos, toutes les fois où j’ai du sortir du lit pour y entrer à nouveau en priant chaque fois pour n’avoir aucun pli gênant, j’ai également pensé à toute ces fois où j’ai failli tomber parce que mon dos n’avait pas suivi le mouvement de mes jambes lors de la descente du lit ou je me suis retrouvé les pieds à terre et le buste encore dans le lit, incapable de me redresser. Je lui ai alors crié que je souffrais de sclérodermie et que si je pouvais me relever toute seule, je n’allais pas lui demander d’aide ».P113

Combat contre elle-même, ses états d’âme, son corps, sa beauté, sa joie et sa tristesse. «Ramenée brutalement à la réalité, je me suis effondrée. Comment une maladie, sévère de surcroit, avait osée s‘emparer de mon corps? C’est la première fois que je pleurais à cause de la maladie, sur mon avis qu’elle n’avait pas demandé, sur son mépris de moi. Je pleurais sur mon impuissance, sur mon égo blessé ». P35 « J’ai souvent pleuré sur l’état de ma peau, surtout la veille des perfusions. Si je ne l’ai jamais fait pendant des piqures, c’est parce que je ne pouvais me permettre de me faire consoler. Il faut être sûr qu’aucune âme compatissante ne va s’empresser de vouloir l’essuyer et nous rappeler bien malgré elle, notre faiblesse et la tragédie qu’est la nôtre.» P42

La transformée…

Et pourtant, parfois dans ce quotidien douloureux et tragique, surviennent des jours où l’amour de ses proches, de ceux qui l’entourent, la plus petite amélioration de sa santé, de petites scènes lui redonnent de la joie. En elle a survécu la femme pleine de vie et de rêve qu’elle était. Elle a réussi avec l’aide de ses amis, de sa famille à vivre, apprécier et garder les moments heureux de son quotidien. Malgré les coups de blues, de peur, de rejet, de frustration, la femme en elle s’est transformée en une femme forte, courageuse et pleine de gratitude.     Annie-Josiane sous le conseil de son entourage, décide alors de collecter des fonds pour aller se faire traiter au Mexique. Mais notre héroïne n’est plus désormais la même et est prête pour de nouveaux défis : « Non je n’espère plus, j’espère désormais sereinement, non dans ce voyage, mais tout simplement dans la vie. Je crois en la vie, je crois en sa beauté je crois en ce qu’elle a encore de grand et de meilleur à m’offrir. » P175

Poignant, ce récit nous laisse un arrière-goût amer dans la bouche. Parfois, en le lisant, j’ai eu envie de sauter quelques lignes, parce que sincèrement je ne voudrais pas lire, que dis-je?, je ne voudrais pas vivre ce contact avec des mots durs, vrais, simples et percutants qu’utilise l’auteur pour faire voir le reflet de sa vie basculée tragiquement par une maladie subite qui l’a défigurée. Et pourtant une question subsiste dans mon d’esprit et me laisse perplexe : Comment arrive-t-on à s’accepter comme on est réellement quand du jour au lendemain on se réveille et on se découvre tout autre, affaiblie, dépendante, pauvre, réduite, diminuée? Comment pouvoir garder le cap malgré ce gros et douloureux coup du sort? Si c’était moi, aurais-je la même force d’âme pour faire face à ce mal vicieux et pernicieux qui s’invite dans ma vie et brise mes rêves et m’oblige à suivre le chemin inattendu qu’il me trace sans me consulter?

Mes attentes

Annie-Josiane SESSOU a beaucoup souffert. Mais elle n’a pas été seule. Des gens l’ont aidée. Dans le livre, elle nous parle de sa vie, de son combat, de l’amour trop plein de son entourage et de Dieu. Mais elle n’a rien dit sur l’amour? Oui, l’amour dans un des sens du terme. Je parle de ce champ lexical : regard, coup de foudre, peine, désir, joie. Mais où sont passés les picotements dans le ventre, le désir de parler à l’être aimé, ou la mention de l’être aimé tout court? Grande interrogation, qu’on aurait bien aimé voir l’auteur élucider dans ce roman plein de vérité, dominé par la douleur, les peines, les luttes… Mais, il n’y a pas à désespérer car certainement, il y aura une suite à « Transformée« ,  et là, Annie-Josiane SESSOU, prude et pudique, mais vraie et sincère comme s’est montrée dans ce livre, ne manquera pas d’y revenir.

« Transformée« , c’est un pan de vie d’une femme amoureuse de la vie, une tranche de vie d’une femme transformée dans tous les sens : transformations physiques, psychologiques, intérieures qui empruntent la trilogie Vie-Mort-Vie. Transformations qui l’ont vue assister impuissante au déclin de ses atours. Transformations qui l’ont vue renaître à la vie et à l’espérance même si à aucun moment elle ne s’est privée de décocher des coups de pieds dans le ventre de Dieu ou de l’invectiver ouvertement. C’est aussi une transformation. Et pour finir je vous laisse méditer sur ce cri de cœur qu’elle nous laisse, un cri de cœur que je dédie à toutes ces femmes que la vie, la société, les défis, la réalité tuent coup à coup : « Non, je ne mourrai pas je vivrai! »(p161). J’ai par-dessus tout admiré le courage de Annie-Josiane SESSOU qui a pu parler ouvertement de ce qu’elle vit. Le désert refleurit toujours quand on s’y met à fond. Félicitations à l’auteur pour son audace.

Annette BONOU, Rédactrice web

  1. Quelque chose que tu m’apprends. J’ai hâte de me procurer l’œuvre, mais en même temps j’appréhende. Tellement j’ai peur de la détresse.
    Merci !