Face à la mort, que peut faire l’homme ? Rien, ou presque. Il peut tout au plus la faire attendre, retarder l’échéance, tenter d’y échapper par un jeu de cache-cache constant mais au final toujours vain. S’il y a une réalité qui agite les esprits, trouble le repos de l’homme et lui arrache appétit et sommeil, c’est bien la mort. On en oublie même de vivre . Pourtant la mort finit toujours par frapper, car la seule certitude de cette vie, c’est encore la mort. Parfois on la voit venir, parfois, parfait trouble-fête, elle surgit sans s’annoncer. On n’a alors plus que ses yeux pour pleurer et sa bouche pour se confondre en jérémiades inutiles. Et comme le propre de l’esprit humain est de chercher une cause à tout, on se défoule sur Dieu, on s’en prend au cruel, fatal et impitoyable destin. Parfois même on s’en prend à ses propres semblables. « Qu’est-ce que la mort ? Pourquoi la mort ? »(p15). La médecine s’y frotte et échoue, la raison s’y brûle les ailes, l’irraison et les dieux s’y cassent les dents. Lily va mourir, inévitablement. Ben refuse de l’accepter. Pourtant qu’y peut-il ? « Une aile commune chue« . L’œuvre parue aux Éditions Nouveautés début 2019 s’intéresse à un sujet grave et délicat: la mort. Plusieurs autres thèmes y sont développés, allant de rationalisme au déterminisme, en passant par la fatalité et la faiblesse de la science, (la liste est loin d’être exhaustive). L’œuvre en arrive à ressembler plus à un essai philosophique qu’à du théâtre. Pourtant il s’agit bien d’une pièce théâtrale en trois actes où Ben , Cara, Massédé, le marabout Baba et le docteur, entre autres, se donnent la réplique dans des échanges tantôt houleux tantôt calmes mais toujours empreints d’une bonne dose de métaphysique et d’envolées intellectuelles. Rien de bien étonnant, puisque l’auteur, M. Noudjiwou Carlos ALLOSSOU, est étudiant en philosophie. Mêlant dextrement littérature et philosophie, il nous offre là une œuvre succulente et digne d’intérêt. Quant au style d’écriture, attention, conseil d’ami, ayez un dictionnaire à côté.

L’auteur n’est certainement pas de ces écrivaillons à la plume légère et médiocre. Il sait manier les mots et le fait savoir. Il y a de quoi enrichir son vocabulaire. Pour sûr, les tournures de phrases et les habiles jeux de mots vous arracheront des « waouh » de satisfaction. Au-delà de la maîtrise du thème, c’est ce qui fait le charme de l’œuvre. Et c’est en même temps ce qui en fait, à mon humble avis, la laideur. En lisant « Une aile commune chue« , on pourrait se demander si on ne lit pas là un des classiques dignes de Molière ou de Jean Racine où gongorisme et pédantisme feint se donnent la main. Pour du théâtre, l’auteur a peut-être fait trop de zèle. Le style aurait été plus simple qu’on savourerait plus l’œuvre. Puisqu’il s’agit bien là d’une pièce de théâtre savoureuse, pas comme en on voit souvent. En doutez-vous? Allez donc la lire. Et jugez-en par vous-même. 96 pages d’immersion littéraire et philosophique. Des répliques que vous n’êtes pas près d’oublier, de l’émotion à glaner çà et là, peut-être l’œuvre changera-t-elle votre conception de la mort. Peut-être vous apprendra-t-elle à mieux vivre.
Junior GBETO