Bonjour les amis. Que lisez-vous ce samedi? Et si on continue à passer les vacances à se détendre en compagnie des livres et des histoires qu’ils renferment?
Kouassi Claude OBOÉ nous en donne l’exemple. Ensemble, découvrons ce livre classique de la littérature africaine « Le vieux nègre et la médaille » de Ferdinand OYONO.

Introduction
Une année charnière dans l’histoire de la littérature négro-africaine d’expression française : 1956. Ferdinand OYONO publie coup sur coup deux œuvres majeures : « Une vie boy » et « Le vieux nègre et la médaille ». Ce camerounais fait porter loin la voix des sans voix. Et comme plusieurs autres auteurs, il accuse l’iniquité du système colonial qui refusait aux peuples noirs asservis le droit de disposer d’eux-mêmes. Écrire pour dénoncer, écrire pour faire prendre conscience aussi bien au Blanc qu’au Noir des affres de la colonisation, telle est la ligne de crête de cette œuvre engagée que nous vous présentons ici.

Du livre : Résumé
Méka, héros du roman, est un vieil homme. Riche planteur et propriétaire terrien à Doum, il fut baptisé et devint fervent croyant de l’Eglise Catholique. Pour bien affirmer sa foi chrétienne, il a cédé ses terres à l’église de Doum sur lesquelles est bâtie la paroisse. En reconnaissance de ses mérites, l’administration coloniale décide de l’honorer d’une distinction insigne : « il sera décoré par le grand chef des blancs, le 14 juillet prochain », p.23. Toute sa famille et ses amis du village étaient contents. Ils voyaient dans cette décoration un « Méka » qui sera égal aux blancs. Ce jour-là, Meka, fut heureux d’être honoré par une médaille de reconnaissance de la France. Il reçut effectivement la médaille. Mais cette gloire sera de courte durée ; le vieil homme, ayant égaré son trophée, connaitra la prison et l’humiliation avant de retourner chez les siens. En deux jours, après une cérémonie en effet qui tourne au grand guignol, Méka prend conscience que ce 14 juillet n’est en fait qu’une mise en scène hypocrite des pouvoirs coloniaux qui parlent d’amitié en promeuvent une stricte exclusion des colonisés.

La thématique

Le mensonge colonial : Dès la fin de la soirée du vin d’honneur offerte pour « arroser » la médaille de Méka, on assiste à la démystification de ce que les notables indigènes vont considérer comme la « grande illusion » : le thème de l’amitié entre Blancs et Noirs prôné par des discours publics antérieurs fait place à celui de la ségrégation raciale, de la différence fondamentale entre Blanc et Noir. Ainsi, aux rires vont succéder les larmes, le mensonge : « Et même en buvant ce vin, les Blancs choquaient leurs verres entre eux…Où était donc cette amitié ? » p.124
La terreur – l’indignation : lorsque la prise de conscience se fait jour dans les milieux indigènes, la machine coloniale dispose des voies et moyens multiples pour maintenir l’ordre et s’imposer malgré les administrés.
La révolte : ayant été déçu par le colonisateur, et revenu bredouille à la maison, les amis de Méka se sont fâchés et chacun à sa manière disait haut ce qu’il pensait il y a peu de temps bas : « Je n’en peux plus, geignait Meka. Ces Blancs ont failli me faire tuer…Même si je mourais dans cent ans, je sais que je suis mort dans la prison de Gosier d’Oiseau… », p.162. Kéléra se révolta contre le système, mais aussi contre Dieu : « Tu as repris mes enfants, avec peine je t’ai loué…Est-ce là mon péché ? », p.165.

Quelques personnages

Méka : Personnage principal et malheureux du roman. Il représente l’élite villageoise analphabète, dernière génération des nobles indigènes, mais qui sert également de transition entre la période d’avant et d’après la colonisation. C’est lui qui, le jour de sa réception au nom d’une amitié entre les Noirs et les Blancs, a vécu la pire humiliation de sa vie, en se retrouvant en prison.
Nkolo et Engamba : ils font partie aussi de cette génération de nobles indigènes.
Nua : sec comme une viande boucanée, avec la mâchoire continuellement en mouvement.
Paul Nti : remarquable par son éléphantiasis commençant, il partage depuis vingt ans les repas avec Méka. Excédé et déçu par les abus des Blancs, il affirme : « Nous sommes ici pour pourrir de rage ! Je dis mourir de rage parce que ces incirconcis cette fois-ci ont exagéré. N’êtes-vous pas atterrés par toutes ces misères que nous font les Blancs » ? p.169
Mvondô : Le neveu de Méka, qui a trente ans, « sans cheveux, ridé et rugueux comme un vieux lézard ».
Evina : « Un ancien cuisinier des prêtres, qui s’était retiré à Doum quand il avait perdu sa dernière dent au service des Blancs. Sa bouche s’était affaissée en rabattant le menton sur le cou ».
Le père Vandermayer : Il apparait plus homme d’affaire qu’homme de Dieu. A preuve, les mesures arbitraires qu’il prend vis-à-vis de ses fidèles pour aider l’administration coloniale à faire passer certaines lois, par exemple celles interdisant la vente des boissons alcoolisées locales : « Il avait décrété que tous ceux des chrétiens qui en buvaient commettraient un péché mortel en avalant chaque gorgée », pp 15-16.
L’administration : M. Fouconi (administrateur en chef nouvellement arrivé à Doum) et son adjoint, le Haut-commissaire, M. Vavarini, alias Gosier d’Oiseau, les commerçants grecs M. Pipiniakis, M. Angelopoulos.

Conclusion
« Le vieux nègre et la médaille » de Ferdinand Oyono apparait de manière générale au-delà de la valeur satirique comme une œuvre anticolonialiste. Les personnages de ce livre ont eu des expériences difficiles pour à la fin comprendre que la mission en réalité civilisatrice des blancs n’est que du leurre, sinon qu’une mission de spoliation et de chosification, voire domination. Comme Mongo Béti, Camara Laye, Eza Boto, Oyono dénonce les abus du système colonial et une exploitation sans précédent. Ce livre, un classique de la littérature africaine est à lire et à relire.

Kouassi Claude OBOE