Mon conte roule, roule et tombe sur un village populeux, Djèhlitomè, dans un pays très lointain. Là, vivait un homme très riche, Tchindji-sayaa. Tout le monde le connait dans le village. A longueur de journée, défilaient jeunes filles, grand-mères, mères au foyer et autres femmes à la recherche de l’argent contre quelques plaisirs vendus. Dans ce village, vivait aussi un vieil homme, Gbènagbon, un septuagénaire, avec son petit-fils. Pauvre jusque dans l’âme. Il faut reconnaître que la vie ne lui a pas souri. Difficilement, il arrivait à joindre les deux bouts. Néanmoins, rien à lui reprocher quant à l’éducation de son petit-fils. Tous les matins, il allait à l’autre bout du village où se trouvait un petit marigot. Là, il pêchait du poisson. Chose curieuse, il ne pêchait que du poisson nécessaire pour le jour. Ce qui fait que chaque matin, il devrait aller à la pêche. Pour y aller, il devrait passer devant la maison du richissime Tchindji-sayaa.. Voilà plus de quinze ans que cette pêche durait. Mais un jour…
Un jour pas comme les autres, il alla à la pêche comme à son habitude ; Tchindji-sayaa attendait déjà le passage du vieux Gbènagnon. Environ dix minutes plus tard, ce dernier, arrivé devant la maison du riche, se fit apostropher devant un monde fou, qui attendait ce qui allait se passer. La seule présence de Tchindji-sayaa devant sa maison était un spectacle pour les gens de Djèhlitomè. Beaucoup de personnes en effet ne voyaient pas souvent Tchindji-sayaa, sinon, les va-et-vient des femmes qui déambulaient ordinairement devant et dans sa maison. Alors sa présence était un spectacle pour tout le monde. A la vue donc du vieil homme, l’homme riche s’écria :
– Hé, vieil homme!! Cela fait un bon moment que je t’observais. Je te voyais chaque matin passer devant ma maison pour en revenir avec quelques poissons seulement. Moi, je suis riche et je voudrais que tu me demandes tout ce que tu veux. Je te promets de te satisfaire, car j’ai les moyens.
Le vieil homme, d’un air amusé, leva sa tête, observa Tchindji-sayaa, mais ne dit rien. Il continua son chemin sous le regard amusé et énervé de l’assistance. Personne ne comprenait pourquoi il n’avait parlé, ni n’avait formulé son vœu. Chacun, à sa manière se prêta au jeu. On entendait déjà dans la foule, des propositions aussi saugrenues que moches. Ils traitèrent le vieux de fou et d’autres noms. Il ne répondit à personne et partit pêcher. A son retour, il constata qu’il y avait encore assez de personnes entassées devant la maison de Tchindji-sayaa, continuant de commenter l’événement du jour. Il les dépassa et rentra chez lui.
Le lendemain, même événement. Tchindji-sayaa était encore là et avait réitéré la même proposition. Devant une assistance médusée, Gbènagnon répliqua :
– Puisque vous insistez tant, eh bien j’ai une chose à vous demander. Je serais heureux si vous pouviez me la donner.
– De quoi s’agit-il vieil homme ? fit savoir Tchindji-sayaa.
Dans l’assistance, chacun prêta oreille attentive pour écouter ce que le vieux allait demander. Les commentaires allaient bon train, quand soudain, se fit un silence de cimetière. Et le vieux parla ainsi, devant l’assemblée prise à témoin.
– Je voudrais que chaque matin, quand je passerai devant votre maison pour aller pêcher, vous vous rabaissiez pour prendre un peu de sable que vous me donnez. Très surpris de cette déclaration ô combien insensée, Tchindji-sayaa affirma :
– Je suis l’homme le plus riche de ce village de Djèhlitomè, voire de tout le pays. Je t’ai trouvé miséreux et je t’ai dit de me demander tout ce que tu voulais, et que j’étais prêt à te le donner. Et c’est tout ce que tu as trouvé à me demander. Il faut vraiment être un vieux fou pour parler ainsi. Mais puisque je tiens toujours mes promesses, je te l’accorde donc. Tous les matins, je viendrai ici et prendrai du sable que je te donnerai. C’est promis. Qu’ainsi soit-il. Et ils se séparèrent en se donnant rendez-vous pour le lendemain. Le vieux partit pour sa pêche. Le lendemain, une foule immense attendait de voir la scène. Tôt le matin, Tchindji-sayaa se tenait déjà au rendez-vous et attendait avec impatience le vieil homme. A son arrivée, l’événement se produisit. Le richard s’abaissa, prit du sable et le remit au vieux. Ce dernier, l’ayant pris, le remercia longuement et chaleureusement, puis continua son chemin comme si de rien n’était.
Les jours passèrent, les semaines passèrent. Le même rituel. Voilà déjà un mois et demi que Tchindji-sayaa donnait au vieil homme selon sa volonté, ce que ce dernier avait demandé. Dans tout Djèhlitomè, la nouvelle s’était répandue telle une trainée de poudre. Devant la maison du richissime, toujours le même engouement. Personne ne voulait se faire conter l’événement. Une semaine après, Tchindji-sayaa venait de plus en plus en retard. Puis un jour, il ne vint plus du tout. A son arrivée, le vieil homme constata son absence. Il le fit appeler. Une fois venu, et devant l’assistance, Tchindji-sayaa affirma :
– Je suis fatigué de te donner tous les jours du sable. Je ne suis pas ton employé ni ton esclave. Je suis le plus riche ici. Si tu veux du sable, il faudra désormais que tu t’abaisses toi-même pour le chercher. Je ne suis pas ton valet. C’est fini.
Devant cette réaction inattendue, le public fut saisi d’épouvante. Très calme, le vieux répliqua :
– Je ne suis pas surpris de votre comportement aujourd’hui. C’est vous-même qui m’avez dit de vous demander ce que je voulais et que vous alliez me le donner. Je vous ai seulement demandé de me donner du sable. Un sable qui ne vous appartient pas. A peine deux mois, vous jetez l’éponge en m’insultant même. J’imagine si vous devriez me donner ce qui provenait de votre sueur, c’est-à-dire un de vos biens. Il y a donc longtemps que vous m’auriez tué. Vous pensez vous vanter en me donnant une de vos richesses, alors que vous êtes incapable de me donner du sable, un bien qui appartient à tout le monde. Je vous plains beaucoup car vous les riches, vous pensez que vous pouvez payer tout le monde avec vos richesses. D’ailleurs, votre richesse ne fait pas de vous un homme sensé.
Sur ce, le vieil homme reprit sa route comme d’habitude, et se dirigea vers son lieu de pêche. Derrière lui, le richissime Tchindji-sayaa, debout, incapable de bouger, devant un public qui le regardait cette fois-ci de haut, en se moquant de lui et répétant la leçon donnée par le vieux Gbènagnon. Il avait l’air perdu. Que de vide autour de lui!. Il voulut bouger pour rentrer chez lui, mais ses pieds s’étaient enracinés dans le sol et ne décolèrent pas. La foule se retira progressivement… Nul n’est dieu sur terre. Et l’humilité est sacrée. Respecter la dignité de l’autre l’est davantage.
Kouassi Claude OBOE
- Photo : Crédit : pixabay.com
C’est une très belle histoire qui nous fait une leçon de morale que nous ne devons plus feindre d’ignorer ! L’humilité est ce qui doit être sacré dans nos comportements ! Toutefois, je m’accorde avec le richissime sur ce qu’il ne peut inlassablement donner du sable au vieux pêcheur ! Pendant, plus d’un mois, c’est trop le mettre à l’épreuve pour vérifier quoi que ce soit ! Le pêcheur aurait dû accepter son argent ou refuser simplement. Le sable a beau appartenir à tout le monde, le riche n’est pas tenu de le lui donner chaque jour pour être humble. Il est humain. Merci pour ce conte qui fait réfléchir !
Merci de nous suivre. Force à vous.
Merci à vous, EmMolière, pour la pertinence de votre analyse. Revenez-nous souvent
Merci pour cette histoire pleine de morale…
L’humilité, la chaise sur laquelle doit prendre siège la personne humaine.
Contents que cela vous ait plu, Monsieur RICARDO
Merci pour cette histoire bonne comme du bon pain
Biscottes Littéraires, nous vous savons gré
Merci M. Justin de nous suivre.
Bravo pour ce conte à la fois simple et rempli de philosophie.
merci, Madeline, de l’avoir aimé
Belle leçon de morale ! Un peu d’humilité et d’humanité !
belle leçon de vie
Très belle leçon. Si tout le monde faisait preuve d’humilité, je crois que le monde ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui…
Ça aussi c’est vrai Jévaltonia
Mais ce sera difficile et compliqué. Les hommes sont ce qu’ils sont.