RELECTURE DE L’EXHORTATION POST-SYNODALE AFRICAE MUNUS, 10 ANS APRES SA PROMULGATION.

RELECTURE DE L’EXHORTATION POST-SYNODALE AFRICAE MUNUS, 10 ANS APRES SA PROMULGATION.

A l’occasion de sa visite mémorielle au Bénin du 18 au 20 novembre 2011, le Pape Benoît XVI a signé et remis à toute l’Église en Afrique, l’Exhortation apostolique post-synodale Africae munus (Afrique lève-toi). Elle faisait suite au deuxième synode des évêques de l’Afrique tenu à Rome du 04 au 25 Octobre 2009 sur le thème : l’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Cette Exhortation promulguée au lendemain du cinquantenaire des indépendances de 17 pays africains célébré en 2010 voulait être une référence, une sorte de feuille de route programmatique de l’activité évangélisatrice en contexte africain.

Cette Exhortation écrite depuis dix ans reste toujours d’actualité. L’Afrique, est aujourd’hui encore frappée et meurtrie par fortes crises politiques fragilisant lamentablement sa paix. Elle a plus que jamais besoin d’authentiques serviteurs et témoins du Christ susceptibles d’œuvrer pour le règne de la paix et le témoignage de la vérité. Les sociétés africaines ont encore hautement besoin aujourd’hui, dans leurs entités politiques, des artisans de la réconciliation. Le pardon qui favorise la réconciliation n’y étant plus, la politique africaine est devenue une arène de conflits d’intérêts souvent alimentés par l’amour effréné du pouvoir qui transforme des amitiés en adversités et provoquent des affrontements parfois même sanglants entre les politiciens eux-mêmes ou entre les politiciens et le peuple. La plupart des démocraties sont actuellement menacées en Afrique de l’Ouest ; c’est la conséquence des crises post-électorales qui sont souvent engendrées par le bras de fer entre opposition et parti au pouvoir. Ce fut le cas en Côte d’Ivoire avec la réélection d’Alassane OUATTARA pour un troisième mandat en novembre 2020, du Niger en février dernier (2021) avec l’élection de Mohamed BAZOUM qui sera victime d’une tentative de coup d’État après son investiture, ou encore au Sénégal avec l’arrestation de l’opposant Ousmane SONKO le 03 Mars dernier. Il est vrai que dans la plupart de ces pays, on assiste aujourd’hui à une certaine accalmie mais les blessures provoquées par ces crises restent toujours béantes.

Point n’est besoin de rapporter ici la crise politique avant et après les élections législatives dont la plupart de nous avons été témoins et qui ont aussi cruellement déstabilisé notre pays le Bénin en 2019. Nous avons encore la mémoire fraîche de la crise politique et des violences sanglantes par endroits, générées par les résistances du peuple contre l’armée. Ces violences qui ont enflammé notre pays surtout au nord, à la veille des élections présidentielles le 11 avril passé, ont débouché sur la réélection à sa propre succession du Président Patrice TALON. Et en dernier lieu, l’arrestation du second opposant avéré au régime de l’actuel gouvernement, le professeur Joël AÏVO, après Reckia MADOUGOU, arrêtée elle aussi depuis plusieurs mois. Toutes ces observations sur l’atmosphère politique actuelle en Afrique et précisément dans notre pays ne manquent pas de nous interpeller.

La crise anxiogène de la covid-19 dans laquelle nous sommes actuellement enlisés donne davantage pouvoir au politique qui étend son hégémonie sur la liberté et la conscience des citoyens par l’imposition du vaccin anti-covid depuis le conseil des ministres du 1er Septembre 2021. Comment occulter par ailleurs la législation de l’avortement tout récemment par l’Assemblée Nationale de notre pays qui a voté le 21 octobre 2021, la Loi N°2021-12 modifiant et complétant la Loi N° 2003-04 du 03 mars 2003, relative à la santé sexuelle et à la reproduction.

Il va donc sans dire que le trésor de l’engagement de l’Afrique pour la promotion de la paix qui a été confié à l’Église en Afrique « sel et lumière du monde » est encore loin d’avoir porté son fruit si, quelques années seulement après la signature de l’Exhortation par le pape sur cette même terre du Bénin, la démocratie soit si menacée. A qui donc la faute ? Serait-ce que l’Église n’accomplit pas bien son rôle en Afrique et précisément dans le cas de notre pays ? Il serait difficile de répondre à cette question. Toutefois, il est à noter que l’Église ne peut plus comme au Moyen-Âge, exercer un pouvoir coercitif sur le politique et que son pouvoir s’arrête à la formation de la conscience humaine et l’éducation de la liberté de l’homme.    

C’est pourquoi, son principal rôle consiste à former les cœurs en les modelant sur Jésus Christ. Tout comme Jésus qui ne craignait pas de proclamer vigoureusement la vérité même devant les autorités de son temps, les autorités de l’Église ne doivent pas se lasser de proclamer sans crainte l’Évangile de Jésus Christ même en face de ceux qui voudraient l’entendre le moins. Des évêques tels que Monseigneur Robert SASTRE, et Monseigneur Isidore De SOUZA de vénérées mémoires furent de grands témoins de cette vérité qu’ils ne craignaient pas de proclamer ouvertement dans leurs interventions sur  les questions  politiques. Cette forte personnalité et ce courage légendaire les a hissés au rang de figures de proue dans l’histoire politique de notre pays. C’est à juste titre que le colloque des 160 ans d’évangélisation continue en Afrique et des 10 ans d’Africae munus organisé au Grand Séminaire Saint Gall de Ouidah du 18 au 20 novembre 2021aborde à nouveaux frais et à l’aune des différentes sciences humaines, sociales et religieuses, les défis et les questions les plus poignantes et les plus préoccupantes de la vie et de la mission de l’Église au Bénin de nos jours. La plupart des communicateurs sont revenus avec force et insistance sur le rôle prophétique et formateur de l’Église ; cette formation des cœurs et des consciences qui doit forcément passer par le retour aux sources, l’auto-prise en charge à tous égards et surtout le témoignage à la vérité et l’exemple de vie. Nous sommes à l’heure de ce témoignage qui doit consentir au martyre si nécessaire.

Cependant, même si le principal rôle d’enseignement et de témoignage revient au premier plan aux clercs, l’Église en Afrique et au Bénin, ne se limite pas seulement aux évêques, aux prêtres et diacres mais, s’étend à tous les baptisés qui la constituent. La préoccupante question de la paix dans notre pays aujourd’hui nous concerne tous en tant que membres actifs du Corps du Christ. Même si nous ne sommes pas tous coupables des drames que provoquent les décisions et les violences politiques, chacun de nous en partage la responsabilité et, de fait, a sa contribution à apporter dans la construction et la restauration de la paix. De fait, les fidèles laïcs constituent la grande masse des membres du corps du Christ et sont les plus impliqués dans les affaires publiques et politiques. Chacun de nous doit devenir, dans sa famille, dans sa communauté, dans sa société, dans son service, dans son poste de travail, un havre de réconciliation, de justice et de paix. Chacun de nous à travers nos communications, nos relations, nos actions et nos réactions doit veiller à toujours être promoteur de paix en évitant de devenir un objet de chutes ou de conflits pour les autres ; chacun de nous doit devenir sel et lumière du monde dans le monde qu’il habite ; et c’est l’irradiation de nos différentes lumières qui aidera à illuminer nos familles, nos sociétés, notre pays, l’Afrique et pourquoi pas, la terre entière, pour que resplendisse la paix.

Deo Gratias TONI, Théo III

Grand Séminaire Monseigneur Louis Parisot de Tchanvédji

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