L’Espion Rouge (4/5)

L’Espion Rouge (4/5)

-Je disais qu’un Bantoue c’est un homme au cœur noir et à la peau noire. Longtemps on a cru qu’ils étaient des noirs mais ce sont des blancs comme M. Dimitri. Dire de quelqu’un qu’il est blanc, c’est affirmer en langage codé qu’il est un peu dérangé dans son être. Et cela, personne n’ignorait que M. Dimitri le savait aussi. Un grand remue-ménage secoua la salle. M. Dimitri réussit non sans peine à réinstaurer le calme.

-Déculotte ta pensée mais va à l’essentiel, ordonna le professeur. Cesse de nous distraire avec de tels boniments.

-Tout l’essentiel à savoir sur le Bantoue que vous êtes réside dans ce que je viens de dire Monsieur. Monsieur Dimitri prit ses affaires et sortit de la classe pendant que les partisans de l’Espion-Rouge le huaient ouvertement. Une chose est quand même étonnante, quand les loups garous veulent s’y mettre, les loups eux doivent permettre au maitre de tout faire et tout boire jusqu’à la lie, jusqu’à la lie. N’en déplaise aux louves. Peu importe qu’on ait des accointances avec le bras droit du maitre. Je revois la scène de ce jour-là et j’en ris à gorge déployée. Entre L’Espion-Rouge et monsieur Dimitri c’était le grand amour comme on le dit. L’Espion était ami de monsieur Dimitri, et partout il faisait son apologie sans répit. Mais ça finit par finir. Le « béni-oui-ouisme » est une chose que j’ai toujours eue en aversion. La plupart de mes camarades le savaient. Ce n’était pas mon genre de m’accrocher au pantalon de mes professeurs dans l’espérance d’obtenir une faveur. Les principes chez moi étaient choses sacrées. On a beau nous faire croire, en nous prenant pour des derniers nés de la dernière pluie, que le professeur était le maitre par excellence au CCSM, la chute sera toujours désastreuse. L’Espion-Rouge vient de comprendre que s’il mangeait un repas copieux, son maitre pouvait le désirer au même titre que lui. Dans ce cas la raison du plus fort devient le malheur. Le cours suivant confirma les choses. Monsieur Dimitri essaya de nous faire périr. Correction du contrôle continu de fin de semestre.

-Vous avez tous triché. Déclara le professeur-Bantoue. C’est inconcevable pour des littéraires. Tout à fait opaque comme affaire puisque, en philo, ce n’est pas très évident de rencontrer des tricheurs. Je me suis brulé le cerveau à comprendre ce qui se tramait. Dans cette optique, je décidai d’aller voir notre Surveillant Général. C’était un copain à moi car je lui rendais bien quelques services auprès des filles de ma salle. Il faut dire que, le syndrome du corps féminin s’en est pris à tout le corps professoral à des degrés bien divers. Il y avait des professeurs casseurs et des professeurs demandeurs. Ceux de la caste des casseurs sont tellement autoritaires, qu’ils pourraient s’apprivoiser moult paires (de fesses) en martyrisant deux ou trois notes d’interrogation. La caste des demandeurs renferme pour sa part un groupe de professeurs, victimes du cœur. Il y en avait qui étaient vraiment amoureux de mes camarades. C’est pour ceux-là que moi je joue le rôle d’intermédiaire. Dans mon métier, puisque c’est très rentable pour le philosophe obligé que je suis, je rencontre des cas vraiment désespéré. Ma médiation ne marchait pas toujours. Alors prenant mon courage avec ma mais gauche, je disais au professeur de soumettre les raisons de son cœur au fouet de la raison pour pouvoir reprendre son cœur. Pour cette citation à laquelle j’aime à tordre le coup, je recevais parfois de bons compliments obligés, mais aussi des corvées inspirées par le chagrin du cœur aimant. Je me faisais alors stoïcien. Ce sont les risques du métier. Cela ne faisait pas trop de dégâts et mes camarades et la fille étaient épargnés grâce à ma diplomatie. Le surveillant était l’homme qu’il me fallait pour venir à bout de cette énigme. Un homme imposant, doté d’une taille avoisinant les deux mètres, flanqué d’un front arrondi à la perfection. Pourquoi l’appréciais-je ? Je me suis toujours posé cette question.

Au nom de mes services rendus à ses désirs et à son cœur toujours friand de filles, je me permis un entretien avec lui. La vie, c’est donnant-donnant. Mais c’est aussi gagnant-gagnant. Je réussis grâce à son aide à obtenir des faveurs auprès de Mr Dimitri pour toute la classe. Le contrôle fut annulé. Ouf. Cependant, Ruth n’était pas encore tirée d’affaires…

A suivre…

Adébayo Adjaho

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