BL: Bonjour Monsieur Sourou MISSENHOUN. Merci pour cette interview que vous nous accordez. Nos lecteurs aimeraient en savoir plus sur vous. Qui est Sourou MISSENHOUN?
FSM: Bonjour Biscottes Littéraires. C’est moi qui vous dois ce remerciement pour votre vocation à faire connaître les écrivains.
Je suis Ferdinand Sourou MISSENHOUN. J’ai vu le jour le vendredi 31 mai 1991 à Agonlin-Houégbo à 9h50minutes. Sourou ! C’est mon prénom africain, celui que j’aime le plus. Je l’aime –je ne sais pas s’il est utile de le dire ici- non pas seulement à cause de ce qu’il signifie mais également du fait qu’il me donne l’impression de l’enfant providentiel que je suis. En effet, ma mère est la troisième épouse de mon père. Son mariage avec mon père ne plut à personne et il fallait la décourager pour qu’elle s’en aille d’elle-même. Alors, il fallait tuer ses enfants ; je n’étais pas encore né. Mon frère aîné avait quatre ans, ma sœur Gisèle, 2ans. Gisèle mourut mystérieusement. Et bonjour les problèmes. Ma famille maternelle était sur le point de récupérer ma mère. Tout fut planifié pour qu’elle quitte mon père. Mais mon père, animé d’une patience, je dirai de quelqu’un qui aime parce que ce n’était pas du tout facile, avait réussi à maitriser la situation et la sentence de la belle famille fut donnée : qu’elle reste d’abord, mette encore au monde et on verra si on pourra l’atteindre ! Cet enfant qui naitra, c’est bien moi, que mon père, paix à son âme -il vient de me quitter douloureusement le 20 septembre passé-, surnomma Sourou, « la patience ». A six ans, je fus mis à l’école. Je fis une partie de mes études primaires à Zonmon Zagnanado avant de suivre, le 22 septembre 2002, mon tuteur Etienne Dossou Houngbohouè pour Bassila au Nord du Bénin où j’obtins le CEP. Revenu au Sud du pays, précisément à Abomey-Calavi, je poursuivis mes études secondaires au CP la MEPEC de Womey, sanctionnées par un BEPC moderne court avec la mention Bien. Classé en série C à cause ma performance aussi bien en sciences exactes qu’en littérature, je m’inscris en série littéraire au CEG Le Plateau contre l’attente de mes parents et enseignants. J’en sors trois ans plus tard titulaire du BAC A2. Je m’inscris à l’Université d’Abomey-Calavi, au Département des Lettres Modernes de la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines et à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques. Les exigences d’études en Lettres Modernes vont me contraindre à abandonner les études en Sciences Juridiques pour me consacrer uniquement aux lettres. Je suis aujourd’hui Maître ès-Lettres Modernes et poursuis encore mes études dans le même département. Enseignant de Lettres des lycées et collèges du Bénin, je me suis aussi inscrit à l’Ecole Normale Supérieure de Porto-Novo pour l’obtention du Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement Secondaire (CAPES).
BL: Qu’est-ce qui vous motive à écrire ?
FSM: Ce qui me motive à écrire ! Disons, c’est la douleur de me sentir mal dans ma peau. Souvent, l’apathie des voix souffrantes sans voix. J’écris parce que je ne digère pas l’injustice. J’écris parce que je ne digère pas qu’on souffre sans pouvoir s’exprimer. J’écris parce que je ne digère pas qu’on soit témoin d’une époque sans la restituer ou en parler. J’écris pour éveiller la conscience de ceux qui souffrent et qui n’ont pas les moyens de s’extérioriser ou de se faire écouter. C’est pourquoi, pour mes lecteurs, je suis un rebelle, je le suis aussi bien dans la réalité que dans l’écriture. J’écris en définitive pour éveiller la conscience des hommes.
BL: Vous venez de publier votre premier roman : « Orages politiques. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce roman ?
FSM: C’est la gestion politique du Bénin aux frontières de 2006-2016 qui m’a inspiré cette création littéraire.
BL: Votre roman, en définitive, n’est-elle pas une relecture de l’histoire du Bénin de la Conférence des Force Vives de la Nation à l’élection du Président Yayi Boni?
FSM: Vous êtes libre de le penser. Si vous y trouvez des indices pour l’attester, tant mieux. Il vous appartient, ce livre. Je l’ai accouché et je me mets à l’écart.
BL: Et pourquoi n’avoir pas plutôt écrit un essai ou un manuel d’histoire pour retracer ce parcours démocratique du Bénin dont il est question en arrière-plan dans votre livre?
FSM: Je ne suis pas historien. Plein de documents en ont déjà parlé.
BL: Qu’est-ce qui justifie ce titre « Orages politiques » quand on voit que finalement, dans le livre, il y a plus de peur que de mal?
FSM: « Orages politiques« fait simplement penser aux troubles politiques, aux agitations, aux désordres ou aux exactions politiques nés de la gouvernance catastrophique voire scabreuse de nos dirigeants.
BL: Pourquoi prévenir dès les premières pages que le pays en cause n’existe nulle part quand vous présentez tout de même à la première de couverture une photo de la « Place de l’Etoile Rouge » de Cotonou ? Est-ce pour donner un indice au lecteur ? Veuillez lever ce flou.
FSM: (Rire. ) Ce n’était pas pour moi une contrainte de prévenir que le pays dont je parle n’existe nulle part malgré la photo de l’Etoile Rouge de Cotonou qui se trouve sur la première de couverture. Mais c’était une nécessité. Je ne voudrais pas devenir un Mongo Béti ou un Eza Boto ; mon identité réelle m’est très chère. En effet, une fois mon texte en vos mains, vous lecteurs, vous êtes libres de relier les faits du roman aux faits de la société. En ce moment, il n’est pas totalement exclu que l’auteur soit poursuivi bien que ce soit une œuvre de fiction – encore que l’adoption ou la pratique de la démocratie en Afrique reste problématique-. Alors, il fallait que je me protège. Il fallait signaler que j’ai tout inventé bien que l’objet de mon texte soit l’homme et le monde, l’Afrique et les Africains, …. le Bénin et les Béninois.
BL: Vous déclarez à la page 53 de votre roman « Orages politiques» que la politique c’est le mensonge. Peut-on dire que ceux qui s’intéressent à la politique, sont des ‘’apprentis-menteurs’’ ?
FSM: Oui, en quelque sorte. A l’observation, on remarque qu’ils ne demeurent plus les mêmes lorsqu’ils partent. Une fois parvenus aux affaires, ils sont métamorphosés par les contraintes ou principes du jeu politique. Leur volonté ou promesse de fidélité au peuple s’estompe au contact des exigences de l’imposture politicienne. Ou ils décident de s’y conformer et se familiarisent avec l’odeur des liasses de banque ou ils refusent et perdent tout.
BL: Si vous avez en filigrane cet aperçu pessimiste et péjoratif de la politique, comment peut-on construire la nation quand on sait qu’il faut pour cela des politiciens, c’est-à-dire ceux et celles qui sont chargés de gérer la cité?
FSM: Je ne suis pas pessimiste. Je suis aussi conscient qu’on ne peut construire une nation sans les politiciens. Mais je me demande si nos politiciens viennent réellement en politique pour construire une nation ou pour se construire. Cela ressemble à un gâteau, et chacun vient chercher sa part puis s’en va.
BL: A votre entendement, la politique ne peut donc être autre chose que corruption et démagogie…
FSM: En tout cas, l’Afrique ne peut pas faire de la politique sans corruption et démagogie. On peut nous présenter l’aspect visible d’une gouvernance mais il y a toujours la provenance de cet aspect physique-là avec ses enjoliveurs : sa face cachée qui ne peut jamais être sainte. Néanmoins, il existe des politiques parmi les politiciens. Les premiers connaissent souvent de mésaventures en politiques, ils n’ont rien. Ce sont malheureusement les politiciens, les faux politiques qui gagnent.
BL: Dans ce cas, quelle différence doit-on faire entre les adjectifs politique et politicien ?
FSM: Le politique, c’est celui qui s’occupe des affaires publiques. Le politicien, quant à lui, s’occupe de la politique qui est la science du gouvernement des Etats. Bref, le politique est quelqu’un de bien qui consacre de son temps aux autres ; il appartient à la société civile alors que le politicien s’occupe de lui, de sa carrière (il est un professionnel de la politique et en fait son métier). Il n’est pas un homme de bien.
BL: On note une ressemblance entre le parcours du personnage Djonoussè Mègni avant sa démence et le vôtre, quand on lit l’œuvre et votre biographie en quatrième de couverture. ‘’ Bassila, Bassita ‘’et d’autres indices similaires. Ce personnage est-il une partie de vous?
FSM: Evidement oui, l’histoire de Djonoussè ressemble à ma vie à ses débuts. Je suis allé au Nord dans les mêmes conditions, comme je l’ai raconté un peu plus haut. Mais après, tout a été déformé par l’œuvre de l’imagination. Tout le reste de l’histoire après l’admission de Djonoussè au Certificat d’Etudes Primaires est de la fiction, la fiction pure.
BL: On a vu Francine souffrir de son amour, ce qui l’a conduite au mal. La déception amoureuse est-elle une cause de la prostitution ? Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui déjà sur les bancs s’avouent fou amoureux ?
FSM: Une déception amoureuse n’est pas systématiquement une cause de la prostitution. Mais elle peut bel et bien l’être ! A travers l’histoire de Francine, je voudrais amener les gens à voir autrement la question des prostituées. Toutes les filles de joie n’ont pas le même parcours. Il y en a qui embrassent le métier par vocation. Rire… D’autres y viennent par les contrariétés de la vie. Pour les jeunes apprenants qui s’adonnent précocement à l’amour, je leur demande beaucoup de patience. Sinon, soit ils vont le regretter quand leurs études seront hypothéquées par la survenue des grossesses non désirées, soit ils vont regretter d’avoir très tôt choisi de partenaire quand ils seront au contact d’autres créatures à l’avenir. Je sais de quoi je parle.
BL: Comment le public a-t-il accueilli votre roman ? En êtes-vous satisfait ?
FSM:Le public a aimé le roman. Il me serait, bien que ce soit ma toute première parution, difficile de dire que le produit n’a pas coulé.
BL: Pensez-vous que le livre et la littérature soient assez promus au Bénin? Si non, quoi faire ?
FSM: Non, le livre et la littérature ne sont pas promus au Bénin. Il faudra, encourager les publications d’ouvrages à compte d’éditeur. Aussi, il est indispensable de créer des réseaux de diffusion et de promotion des ouvrages publiés. L’Etat doit allouer un peu plus de fonds d’aide à la culture. Enfin, il faudra multiplier les concours littéraires.
BL: Selon vous, quel est le rôle de l’écrivain dans la société de nos jours ?
FSM: L’écrivain doit être un éveilleur de conscience, le porte-voix des voix opprimées, supposées sans voix.
BL: En votre qualité de professeur de français, comment, selon vous, pourrait-on intéresser les élèves et étudiants à la lecture en cette ère des réseaux sociaux?
FSM: En ma qualité de professeur de français, je demanderais que les ouvrages au programme soient réellement étudiés avec les apprenants. Il faudra les inciter à lire. Il existe plusieurs formes d’incitation. Moi par exemple, je fais, dans toutes mes classes la lecture suivie et expliquée. Aussi, il m’arrive régulièrement de faire des contrôles écrits de lecture et de tenir compte rigoureusement des notes- bonnes ou minables-. Ainsi, les apprenants courent vers les livres pour ne pas avoir de mauvaises notes.
BL: Avez-vous déjà pensé écrire une fois un roman dans votre langue maternelle?
FSM: Non. Combien sont alphabétisés en langues nationales ? Moi, je le suis mais la majorité ne l’est pas. Et s’il faut écrire pour ne pas être lu, il vaut mieux ne pas écrire.
BL: Quels sont vos projets littéraires ?
FSM: Ils sont nombreux. Il y a beaucoup d’activités littéraires qui sont en gestation en collaboration avec des jeunes dynamiques comme Augustin ANIGNIKIN, Habib N’OUENI, Justin KEHOUN, etc. Vous en saurez plus peut-être à d’autres occasions. J’ai également un recueil de nouvelles à publier. Après cela, ce sera un recueil de contes.
BL: Votre mot de la fin
FSM: Je remercie très sincèrement Biscottes littéraires pour sa participation à la promotion des auteurs du Bénin et d’ailleurs.
C’est un très bon prof.
Ayant moi-même été l’une de ses élèves je peux en témoigner. Il m’a amené à aimer la lecture et je lui en suis redevable.