« Dix- huit ans est un moment délicat dans la vie des jeunes, surtout des filles. Un âge de folie, d’autonomie, de prise de distance, mais surtout d’épanouissement. », écrit Amina SECK dans son roman « Mauvaise pente » (pp 44.45), paru aux éditions Diaspora Académie à Dakar en 2017. Tout commence pour Alimatou Ly à 18 ans. A sa majorité l’héroïne voit sa vie s’assombrir du jour au lendemain après qu’elle a commis le péché d’offrir sa dignité au copain de sa meilleure amie. À travers « Mauvaise pente », un roman, petit par la taille, 165 pages, mais immense dans son contenu et profond quand on considère les problématiques abordées et le doigté avec lequel elle les a traitées, l’auteure, Amina SECK, se sert du prétexte d’un journal intime pour introduire dans le contexte de son texte poignant et vivant. L’auteure nous offre à lire et à méditer l’histoire d’Alimatou Ly, qui se redécouvre à travers son journal intime datant de 28 ans. Ici, c’est une balade entre amour, déception, souffrance, trahison et une renaissance qui s’offre comme une seconde chance à la vie. À 46 ans, Alimatou se dit avoir tout perdu, puisque sa vie, 28 ans plus tôt, avait réduit, disons anéanti pour elle tout espoir au bonheur. C’est à croire que ses 18 ans l’ont catapultée sur une « une mauvaise pente » pour une descente aux enfers. Entre sa virginité perdue, la déception de sa mère, une amitié trahie et son avenir frappé d’incertitude, l’héroïne de l’œuvre paraît comme le reflet de toutes ces jeunes filles innocentes qui tombent dans le piège de cet âge de « 18 ans »: il y a des erreurs, fussent-elles minimes et insignifiantes, que la vie ne pardonne pas. Il est de ces petits faux pas qui peuvent bouleverser toute une vie, obscurcir l’avenir et rendre impossible toute résurrection ou un nouveau départ. Et comme le dit l’auteure: « En effet, certaines conditions de vie mal assumées réduisent à la vulnérabilité toute femme qui n’y prend garde face à des hommes nantis et sans pitié ni morale parce que profiteurs». Est-ce la condition de vie de Alimatou face à celle de Fama sa meilleure amie et de Amadou le copain de sa meilleure amie qui lui a joué un mauvais tour ? Toujours est-il que quand l’on se plaint de ce qu’on est, on finit par demeurer pour toujours ce qu’on n’a jamais voulu être.
Dans ce roman, Amina SECK nous peint la condition de la femme africaine et l’on pourrait classer cet ouvrage dans les rayons des œuvres féministes. À travers son premier roman « Mauvaise pente », l’auteure nous montre via la souffrance d’Alimatou et la réaction subséquente de ses proches, le piège sans fin qui se dresse devant chaque femme et particulièrement les femmes recluses dans la solitude et la prison du remords et des regrets sans frein :
« Hier, dans l’après-midi, j’ai perdu le meilleur des cadeaux que j’étais censée offrir à l’homme qui serait digne de moi dans les liens bénis du mariage. Ma virginité s’en est allée avec un instant de plaisir abject que j’avais en partage avec l’homme le moins indiqué d’ailleurs par la morale, le petit ami de ma meilleure amie à qui je n’avais jamais rien caché sauf l’indicible faute que j’avais commise à son insu ». (P. 5)
Mais ce qui est aussi intéressant dans ce roman, c’est le souffle de la résilience qui l’habite et qui fait poindre et luire, par-delà le rideau sombre de la culpabilité et de l’enferment sur soi, l’aurore d’un espoir nouveau. Une nouvelle chance s’offre comme un présent à l’héroïne à un moment où elle s’y attend le moins. Le bienfaiteur ne vient jamais d’où on l’attend, mais des personnes qu’on espérait le moins être un secours. Alimatou, sa vie 28 ans plutôt lui a montré les faces sombres de l’existence et à 46 ans, la vie lui sourit à nouveau. Mais saura-t-elle vraiment saisir la main que la vie lui tend? Saura-t-elle vaincre ses peurs et ses déceptions et faire confiance à nouveau en ouvrant son cœur à l’amour? Peut-on vraiment remonter la pente quand à 46 ans l’on est encore célibataire sans enfant?
« Mauvaise pente » est une belle œuvre écrite dans un style soutenu et agréable à lire. L’on ne peut fermer ce livre en demeurant indifférent à la manière dont l’auteure fait ses descriptions qui rendent importants chaque détail, chaque scène:
« Sans me répondre, il me tira vers lui et me serra très fort dans ses bras. Il m’embrassa fougueusement, me caressa le cou et m’enveloppa avec ses bras forts et fermes. Au contact de nos épidermes pour la seconde fois, une vague de plaisir déferla, hurlant à l’intérieur de moi-même et lui, comme s’il lisait dans mes sensations, me poussa sur le lit sans la moindre résistance de ma part.
Pendant cinq minutes, on ne faisait qu’un. Indivisibles, inséparables, tels le recto et le verso d’une feuille qui s’ouvre désormais dans le livre de ma vie…. » (Pp.26-27)
Une seule chose reste à présent: que chacun se procure l’œuvre et le lise.
Camelle ADONON
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