Djhamidi Bond est une écrivaine camerounaise qui n’a pas fini de faire parler de son talent et de son audace. Elle est auteure de plusieurs livres dont « Welcome dans mon kwatt« , recueil de nouvelles qui fait l’objet de la présente note.
« Welcome dans mon kwatt » est la nouvelle qui ouvre magnifiquement le recueil. Sa singularité réside dans le fait d’être écrite dans une langue proprement « camerounisée ». Au-delà d’une recherche purement stylistique, il s’agit, comme l’auteure n’a de cesse de le dire, d’un clin d’œil de sa part à ce parlé camerounais très prisé des jeunes ; clin d’œil justifié car parmi les dix nouvelles qui constituent le recueil, seule la nouvelle « Welcome dans mon kwatt » est écrite dans ce style plus connu sous le nom de camfranglais, ce savant métissage linguistique prenant en charge à la fois le français, l’anglais et les langues locales du terroir. L’auteure loue par ailleurs la bravoure et l’opiniâtreté de Mamie Makalas, vendeuse de BHB (Beignet-Haricot-Bouillie). Avec cette activité que l’on considérerait comme sous payée, cette femme assure à elle seule toutes ses charges familiales. Elle n’a rien à envier à un chef d’entreprise car les modiques sommes qu’elle encaisse chaque jour lui ont permis de se construire une maison et de payer la scolarité de ses enfants. Il s’agit en définitive d’un appel à l’effort personnel et à l’esprit entrepreneurial que prône l’écrivaine.
« Au nom du père… »
Dans cette nouvelle, Djhamidi Bond ne passe pas par quatre chemins pour tancer vertement et questionner froidement la religion dans notre contexte africain actuel. Pour elle, il s’agit d’un héritage colonial que nous n’avions pas demandé à recevoir mais qui nous a été imposé par les colons à leur arrivée pour, soi-disant, nous civiliser. L’image du clergé est remis en cause à travers le personnage du Père Francis qui, au nom d’un Dieu que lui seul maitrise, dit exorciser par la sodomie les enfants du village Tigaza. Dans cette congrégation où il règne en maître, les parents le considérant naïvement comme le Dieu sur terre, il se permet toutes les fornications du monde allant jusqu’à la pédophilie et l’homosexualité. La fin de la nouvelle résonne comme un appel à l’abandon de cette chose inconnue, et à un retour à nos propres valeurs africaines comme en témoigne la sentence reçue par l’homme d’église de la part des patriarches du village. Il est question de bannir de nos habitudes africaines le culte de ce Dieu et de vénérer les Dieux qui nous sont propres.
« L’amour plus fort que tout«
D’emblée, l’amour n’est pas une force vaine. C’est sans doute avec ce postulat que l’auteure s’est lancée dans la rédaction de cette nouvelle qui défend la cause humaine et fait l’apologie de l’amour. N’eût été l’amour de Garba pour Amy, ses compères et lui auraient dévasté tout le village de cette dernière juste pour satisfaire leurs égos barbares et sanguinaires. Voilà en quoi l’amour peut être une thérapie dans un monde en proie à des conflits.
« Le dilemme de Tabita«
L’amour est une fois de plus célébré dans cette nouvelle avec plus de ferveur. La jeune voyante Tabita Karamaadjo doit, au nom de l’amour, choisir de mourir afin de permettre à son époux Ibrahim de recouvrir la santé…
« Pour l’amour de Maria«
C’est le même son de cloche de l’amour qui résonne dans cette nouvelle. Gaspard doit risquer sa liberté et sa vie en kidnappant un nouveau-né dans un hôpital afin de permettre à son épouse Maria de retrouver le sourire…
Dans la nouvelle « Gloire à tout prix« , Djhamidi Bond condamne le phénomène de trafic d’organes humains et s’inscrit en faux contre l’enrichissement à tous les prix, piège dans lequel malheureusement est tombé Atango entraîné par son ami Fonkeu Tchapda abrégé FT dans la nouvelle. Dans « Orpheline et amoureuse« , Djhamidi Bond arbore la tunique de féministe pour fustiger le comportement qui lui semble opportuniste des hommes, profitant de la naïveté des jeunes filles pour s’accaparer de leur virginité. Dans cette nouvelle, c’est la jeune Mimie qui en paie les frais au bout d’une première expérience sexuelle qui fut douloureuse physiquement avant de devenir sources de tourments suite à son abandon par Serge-Alex, l’auteur de la grossesse précoce qu’elle porte.
Ces nouvelles de Djhamidi Bond présentent, chacune à sa manière, le regard que l’auteure porte sur sa société plongée dans une espèce de labyrinthe. Recueil que l’on peut lire en une seule traite, « Welcome dans mon kwatt » est un livre qui vous met chaque fois face à vous-même tant le réalisme de l’écrivaine frise le vécu quotidien. Si vous voulez accéder au Kwatt de Djhamidi Bond, et si vous voulez vraiment connaître et surtout comprendre le Cameroun, eh bien, il ne vous suffit que de vous rendre en librairie et de décrocher ce joyau littéraire. A vous de jouer!