“Le patron des machines” est un recueil de nouvelles de Blaise AHNAÏ BAY paru aux Éditions de Midi. Avec 177 pages, 12 nouvelles, ce recueil oscille entre science, fiction, réalité et imaginaire. Nous assistons tour à tour à des fragments de vie tellement différents les uns des autres mais qui, à la fin, ne convergent que vers une seule source : l’humanité.
Au premier carrefour, dans la nouvelle éponyme “Le patron des machines”, apparaît Rolland, le maître des machines, jeune homme imbu de sa personne, de sa réussite et de sa fortune. Il apprendra que l’être humain va bien au-delà d’une simple question de chiffres et que les machines ne pourront jamais le remplacer, quelles que soient leur puissance, leur capacité de production et leur importance. L’homme est irremplaçable. “Close à jamais”, “Un humain et des humains”, “Huit et Un” nous montrent à quel point la liberté, tant qu’elle n’est pas perdue, semble aussi dérisoire que la paix et la tranquillité dont nous avons la chance de bénéficier chaque jour sans en saisir le vrai privilège et le prix. Ces textes s’harmonisent à merveille avec “Entre deux feux”, et “Ne bouge pas de là” et se posent comme des écrans géants qui nous repassent au son des douleurs, des peurs et des cris, les retombées de la guerre, guerre d’ambition, guerre politique, la guerre des différences, la guerre des religions, la guerre des couleurs. Ces textes nous amènent en pleine confusion humanitaire, où l’on se retrouve à se poser des questions banales, mais qui ont pleinement tout leur sens. « La couleur est notre apparence, mais elle ne nous définit pas en tant qu’humain. »« La religion est un choix, une option. »
« Le Perroquet loyal”, “l’homme et ses abeilles” ou encore “Ces autres vies” nous renvoient en pleine face le vrai visage de notre société, mais ceci pour nous enseigner l’honneur de croire en la justice, le devoir de protéger et la nécessité de préserver les êtres humains ou non sans nous laisser embourber dans la corruption. Ces récits prennent tout leur sens quand on finit de lire “L’année où la terre s’arrêta”. Nous nous retrouvons brutalement face à ce virus qui va ébranler toutes nos raisons d’être. Et là, plus rien n’aura de sens. La guerre, les diplômes, l’argent, la politique, les religions ne sont en effet que des options. Plus rien ne sera plus perçu comme avant quand on se voit soudain près de la mort, près de ce sentiment de bientôt ne plus exister, près de l’arrêt de notre nid de vie où tout semblait si bien, si beau. Puisque désormais seule une nécessité s’impos : survivre. Parce que de toute façon ce qui compte c’est nous. “Les hommes ne sont pas des options, ils sont nous.”
“Le patron des machines”, au delà de sa forme physique d’oeuvre littéraire, si on me demandait mon avis, est un livre de développement personnel, de cheminement de soi vers les vraies raisons de la vie. Je loue les efforts de l’auteur pour la forme de ses récits, courts et simples. La nature de ses expressions simple et limpides et le ton de ses textes constituent de vrais miroirs pour qui veut arpenter les sentiers de la vie pour la rencontre définitve avec le Créateur. Même si ces textes ne nous donnent pas à lire du suspens, des personnages qui accrochent, des faits qu’on aimerait encore et encore suivre, ce recueil transcende sa forme littéraire et se place comme un véritable faisceau de leçons. Leçons de vie, leçons de choix, leçons de vécu. Par ces temps de grande morosité existentielle, en ces heures de doute et de relativisation extrême où les hommes se demandent ce qui est réellement vrai, en ces momets troubles faits de confusion et où la théorie du complot à pion sur rue, il importe de s’asseoir et de revoir nos apporches de l’humain. Si Protagoras pense que l’homme est la mesure de toute chose et que Blaise Pascal le définit comme un roseau faible, il nous est utile de retenir l’autre dimension pascalienne de l’homme: un roseau faible. Et c’est ce qu’il est réellement : vulnérabilité et fragilité. C’est dans sa capacité à se transcender et à assumer ses limtes que l’homme ouvrira les yeux sur sa propre dignité et sur la noblesse de l’autre en référence à cette injonction kantienne : “Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen.”. Qu’on ne s’y trompe pas, nous partageons la même humanité et le mal infligé à l’autre, c’est à nous-même que nous l’infligeons. Le patron des machines, c’est encore l’homme. Réduire l’homme à une machine, c’est une aberration.
Annette BONOU
J’aime ta plume. Trop belle. Chacune de tes Chronique donne envie de lire le livre en question. ☺️✌️📖📚