Annette Bonou : « Le 08 Mars, les femmes se célèbrent quitte à oublier les femmes ! »

Annette Bonou : « Le 08 Mars, les femmes se célèbrent quitte à oublier les femmes ! »

« Ce n’est pas le jour, ou la signification qu’on en donne qui me pose un problème. C’est déjà bien de célébrer la femme, de montrer qu’elle est spéciale. Mais c’est plutôt  »comment » on la célèbre qui me dérange. C’est le 08 Mars qu’on découvre de nouvelles associations, des délégations, des actions, des discours pompeux. C’est le 08 Mars qu’on divise, qu’on délaisse certaines couches pour lesquelles on dit se battre. Le 08 Mars, les femmes se célèbrent quitte à oublier les femmes ! » Ainsi s’exprime, chers amis, celle que nous recevons pour vous ce matin. Elle nous vient du Bénin. Annette BONOU est son nom.

BL : Bonjour Madame Annette Bonou . Nous sommes ravis de vous recevoir sur notre blog ce 08 mars 2021. Veuillez vous présenter, s’il vous plaît?

AB : Merci. Je m’appelle Annette Bonou. J’ai fait les Lettres Modernes, la Presse Écrite, l’Art de la Rédaction Web. Hormis ma grande passion pour l’écriture que je vis en tant que Rédactrice Web et responsable d’un site littéraire: « Littérature Féminine d’Afrique« , je suis Présidente d’une toute nouvelle association: Littérature Féminine (LIF). Oui, il existe un peu de ressemblance entre les deux pôles, mais c’est deux réalités différentes.

BL : Quelles sont vos rapports avec la littérature ?

AB : La littérature, je crois que c’est un peu de cet air qui m’a été insufflé pour que je sois femme. Je crois que je l’aurais inventée si elle n’existait pas, parce qu’avec elle je me sens complète.

BL : A quoi pensez-vous lorsque vous empoignez votre plume ?

AB : À tellement de choses et rien à la fois. Pour moi, c’est devenu presque un rituel.  Je reste là et j’attends. Et la plume me dicte le reste. Je ressens au fur et à mesure que j’écris, que c’est ça, à cet instant là, ce que je voulais dire. Alors je peux affirmer que quand j’écris j’ai besoin de ne faire qu’un avec ma plume, mon imagination et mon cœur.

BL : Finalement, pour vous, écrire, c’est ….

AB : Ecrire, c’est  »Être moi ». Celle qui se sent vivre, celle qui s’illumine quand elle se met à écrire.

BL : Vous êtes la Présidente de l’Association Littérature Féminine ? De quoi s’agit-il concrètement ?

AB : « Littérature Féminine (LIF) », est une  jeune association littéraire qui, comme l’indique son nom, se veut être non seulement un élément essentiel dans la découverte des femmes écrivains, auteures et littéraires, mais aussi un facteur clé du développement de la littérature, du livre, et du talent littéraire féminin.

BL : Qu’est-ce qui en a motivé la création ?

AB : Je dirai que c’est ma passion pour l’écriture et la lecture mais aussi mon amer constat sur la littérature féminine au Bénin. Cette littérature qui semble être réservée à un cercle de femmes parce qu’elles sont auteures ou parce qu’on peut les compter du bout des doigts. Une jeune femme qui n’a pas encore éditée au Bénin n’a pas son nom accroché au fronton du cercle des auteurs. Est-ce à dire que toutes ces filles dotées de réels talents à l’écriture ne méritent pas d’être amenées dans le cercle ?  Est ce à dire qu’il faut être auteur pour être apprécié à sa juste valeur dans ce monde littéraire?  Et ce secteur de l’édition qui reste la caverne d’Ali Baba, faudrait-il obligatoirement la formule magique à savoir l’argent, pour y accéder ?  Il y a tant de questions que je me pose et qui reste sans réponse.

Au début, je voulais plutôt un site qui puisse me permettre de vivre ma passion avec le sentiment de servir à quelque chose. Et ce site est enfin là, même s’il nous reste les derniers réglages. Mais je me suis dit par la suite: « Et si nous faisions plus, et si nous posions des actes plus concrets ?« , C’est en essayant de répondre à cette dernière question qu’est née l’Association Littérature Féminine (LIF).

BL : Quelles sont les conditions à remplir pour faire partir de l’association Littérature Féminine ?

AB : As-tu envie de participer au développement de la littérature au Bénin ? Es-tu convaincu.e que tu peux apporter ta pierre à l’édifice ?  Aimes-tu lire ?  Aimes-tu écrire ?  Aimes-tu mener des activités sociales ?  Aimes-tu la jeunesse. Alors une nouvelle famille t’attend.

BL : Veuillez présenter le bureau exécutif de l’association Littérature Féminine

AB : Pour le moment, LIF n’est qu’une toute jeune association. Hormis les membres, nous sommes trois à représenter le bureau exécutif. Moi, Annette Bonou, en tant que Présidente; Monsieur Ordéric BARNOR, développeur Web en tant que Secrétaire Général; et Monsieur Kelly ALOHOUTADÉ, étudiant en Sciences juridique et agent au Tri Postal de Cotonou en tant que Trésorier.

BL : Vous avez piloté un projet dénommé « Violence au Féminin ». Comment vous est venue l’idée du projet  »Violence au Féminin  »?

AB : Avant tout, j’aimerais renouveler ici mes sincères remerciements à l’Atelier Ouverture Azo sans qui « Violence au Féminin » n’aurait certainement pas vu le jour. Merci aussi à mon collaborateur, Ordéric BARNOR, qui a été vraiment présent au cours de ce projet et infinie gratitude au responsable de la Maison d’éditions : Les Editions Savanes du Continent.

Vous êtes d’accord avec moi que l’année écoulée 2020, a été une sacrée année. Nous avons assisté, outre la crise de Covid 19, à des scènes, des informations, des faits marquants de violences sur la femme, des scènes de viols, d’incestes et une  longue liste que je ne citerai pas ici. Tous ces travers et atrocités me faisant déjà réfléchir, j’ai assisté personnellement dans mon entourage à un événement qui va me marquer et me pousser à monter Violence au Féminin (VIF). Après en avoir parlé avec mon collaborateur, nous avons décidé d’allier écriture et femme pour amener des femmes à sortir de leur silence sans pour autant se mettre en danger. Ensuite le projet a été soumis à l’Association pour validation. Mais VIF est aussi le moyen de montrer que l’écriture, bien au-delà de la fonction littéraire qu’on lui donne, participe aussi au développement d’un pays et de sa culture.

BL : Parlez nous du déroulement du projet Violences au Féminin

AB : Violences au Féminin est un projet visant l’élaboration d’un recueil de témoignages. Il s’agissait de recueillir des témoignages de violences faites sur la femme, tout genre de violences relatées sous tout type de textes, sauf le roman. Par un appel à texte, nous avons demandé aux femmes ayant été victimes ou témoins de ce type de faits, d’envoyer leurs témoignages. J’avoue qu’au début nous avons eu beaucoup de mal, car nous nous sommes retrouvés face à la réticence des femmes à livrer leurs témoignages. Nous nous sommes heurtés à des jours sans l’ombre d’un texte reçu. Cet état de choses relève bien évidemment de la sensibilité de ce sujet dans notre cher pays. Pour pallier cette réticence, nous avons proposé un formulaire qui leur a permis de participer dans un anonymat total, sans qu’elles se sentent obligées de mentionner des informations qui pourraient conduire à les identifier. C’est à partir de ce moment-là que nous avons commencé à recevoir des textes. Ces textes ont été sélectionnés, corrigés, édités sous forme d’un recueil de Témoignages. C’est ainsi qu’est né le recueil « Trauma« . Rappelons que ces femmes ne sont pas des écrivaines. Ce recueil est l’œuvre d’un ensemble de femmes issues de toutes situations professionnelles ou sociales confondues partageant ensemble un point commun : la violence.

BL : Le titre « Trauma » ne passe pas inaperçu. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

AB : Quand mon équipe et moi étions en train de réfléchir au titre, nous étions tous d’accord qu’il ne nous fallait pas un titre accrocheur, sensationnel, mais un titre vrai. Un titre témoignage, un titre qui reflète le fond de ce recueil de textes. Alors « Trauma » qui était déjà un titre d’un de ces témoignages nous a paru évident. Toutes ces femmes, n’ont-elles pas subi un traumatisme ? Toutes ces femmes sont désormais incomplètes tant physiquement que psychologiquement. Oui, « Trauma« , c’est sans doute le juste mot qu’il faut pour désigner l’arrière goût amer des retombées de ces violences sur les femmes.

BL : Où peut-on se procurer  Trauma ?

AB : Trauma est disponible à la bibliothèque municipale de Bohicon ainsi que dans quelques établissements de Bohicon et d’Abomey-Calavi. Et bientôt un lot sera disponible dans une bibliothèque de Calavi. Rappelons que « Trauma« n’est pas à vendre.

BL : Qu’est-ce qui, à votre avis, explique le fait qu’il y ait tant de violences à l’endroit des femmes ?

AB : Je pense bien que je ne finirai jamais de trouver les mots qu’il faut pour répondre. Parce que je ne sais simplement pas. Beaucoup diront que c’est à cause des stéréotypes de la société, ou de la femme elle même. Mais moi, ce sont des genres de débats que je ne fais pas. Je suis sûre d’une seule chose et pour le dire aussi clairement que possible, je vais reprendre cette pensée que j’aime bien et qui vient de l’ex Secrétaire de l’ONU Ban Ki Moon:  » Il existe une vérité universelle, applicable à tous les pays, cultures et communautés : la violence à l’égard des femmes n’est jamais acceptable, jamais excusable, jamais tolérable. »

BL : Violences au féminin d’accord. Mais celles que subissent les hommes, pouvez-vous en dire un mot ou bien n’y a-t-il que les femmes qui soient victimes de violences ? Nous aimerions que vous vous prononciez sur cette question, madame Annette Bonou .

AB : Bien sûr qu’il existe bel et bien des cas de violences faites sur les hommes. Et j’encourage le fait qu’il y ait des actions dans ce domaine. Mais comme je l’ai dit plus haut, pour une raison que je ne saurais formuler simplement parce que je ne me l’explique pas moi même, c’est la femme qui souffre le plus. C’est la femme qui encaisse le plus. C’est la femme qui vit mal. Les hommes oui, mais les femmes plus encore et quand on ne trouvera plus normal dans notre société qu’une femme soit battue, violentée, lésée, accablée, harcelée, quand le mot  »non » sera respecté, on aura franchi un grand pas.

BL : Vos différents combats peuvent bien s’inscrire dans le courant du féminisme. Comment définissez-vous ce concept ?

AB : Je ne saurais vraiment répondre parce que je ne me suis pas vraiment identifiée au mot féminisme. Loin de froisser toutes ces amazones qui, chaque jour se battent, j’estime que le but n’est pas d’appartenir à un mouvement d’idée,  mais d’agir pour le développement de la femme et ce, dans le domaine qui nous définit le plus. Alors féministe ou pas, on a tous un idéal: le bien-être de la femme et je crois que c’est ça le fin mot de l’histoire.

BL : Les uns pensent que c’est un malheur que de naître femme. D’autres estiment que c’est une catastrophe. Pour vous, être femme sous les tropiques, qu’est-ce que cela veut dire et à quoi cela engage-t-il en réalité ?

AB : Oh, être femme, ce n’est pas facile. Ah oui. Mais être femme c’est aussi une grâce. La femme est tellement mystérieuse qu’elle doit s’en orgueillir. Ce mystère de donner vie, qu’elle porte en elle, ce mystère de beauté, ce mystère de force mais aussi de douceur. Certes, ce n’est vraiment pas facile, mais ne dit-on pas qu’on n’incrimine pas le créateur ? Tout ce qu’il fait est bon et c’est pour une raison. Alors, pourquoi je suis née femme ? Moi aussi je cherche toujours à le savoir!

BL : Madame Annette BONOU, que vous inspire le 08 mars et la manière dont elle est célébrée sous les tropiques, en particulier au Bénin ?

AB : Ce n’est pas le jour, ou la signification qu’on en donne qui me pose un problème. C’est déjà bien de célébrer la femme, de montrer qu’elle est spéciale. Mais c’est plutôt  »comment » on le célèbre qui me dérange. C’est le 08 Mars qu’on découvre de nouvelles associations, des délégations, des actions, des discours pompeux. C’est le 08 Mars qu’on divise, qu’on délaisse certaines couches pour lesquelles on dit se battre. Le 08 Mars, les femmes se célèbrent quitte à oublier les femmes !

BL : Que nous réserve LIF après Violence au Féminin?

AB : Organiser des activités littéraires qui impliquent tant la gent féminine que la gent masculine. Nous espérons agrandir également le cercle des talents littéraires féminins et faire redécouvrir au monde nos auteures, et développer le secteur du livre béninois avec assez de projets que nous espérons avoir pur ce faire le soutien de vous les passionnés pour notre même cause: la victoire du livre.

BL : Votre mot de la fin

AB : Merci à Biscottes Littéraire pour son noble combat pour le développement de la Littérature et de la Lecture dans nos vies de tous les jours. Puisse cet espace numérique, vivre, survivre et s’agrandir pour être une véritable référence dans notre milieu littéraire africain. Et surtout, quand prochainement vous lirez une femme, cher ami, soyez fier !!!

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