Entre mysticisme et réalité, l’auteur nous fait voyager au cœur des traditions et coutumes gabonaises. L’auteur met en exergue la sacralisation de certains lieux dits de « culte » en passant par le respect de la tradition d’un peuple et la vénération des ancêtres.
Un livre placé dans les rayons d’une librairie. La couverture m’a séduite au loin, et je me suis approchée, ma curiosité l’a emporté et je l’ai désormais dans ma bibliothèque. Une lecture que j’ai débuté avec aucune attente.
Comment vous parler de ce livre ?
J’ai choisi de vous parler en premier de l’image en première de couverture reflétant sûrement le côté surnaturel du récit, d’où la présence du violet sur cette couverture, représentant « l’union entre l’Homme et l’Esprit Saint », pour le Christianisme. Il représente également l’autorité et la sagesse. Le violet représenterait la porte vers l’au-delà, le passage vers l’autre côté, le côté invisible réservé aux esprits et âmes, chez les peintres. Le violet symboliserait la magie noire, la magie diabolique, dans le monde invisible. Ainsi, le choix de cette couleur n’est pas anodin. Car le roman trempe dans une dimension surnaturelle où l’invisible est maître. On peut l’associer au signe de pénitence au regard des épreuves que font face certains personnages. Ce qui expliquerait la surabondance du violet sur cette couverture.
La plume de l’auteur est assez prenante. L’écriture de Mo Fahd est excellente pour un premier roman. L’histoire est narrée dans des styles courant, soutenu et familier à des moments. Une écriture fluide avec des personnages fantastiques et un mystère rondement bien mené. Un véritable coup de cœur.
Antifétiche de Mo Fahd est un roman assez dense dans lequel, l’auteur met en scène une jeune héroïne, Anaïs, jeune fille métisse. il est publié à Paris aux éditions Jets d’Encre, 2022 et compte 165 pages.
À l’âge de 18 ans, Anaïs passe par le « rituel d’enrichissement collectif », rite mystique organisé par son grand-père Bubal accompagné des autres membres de la famille, notamment Nandi, mère d’Anaïs.
Sous le pouvoir d’Aningo, Anaïs sera celle qui installera l’aisance dans la famille, tout en s’oubliant, comme exigé : « Tu ne connaîtras pas l’amour ou bien tu ne le permettras pas, tu ne devras jamais te marier. Tu ne devras pas avoir d’enfants et tu laisseras les hommes riches et influents venir à toi. Tu prendras chez eux ce que qui te sera utile, à toi et à ta famille, et tu t’en sépareras. »[1]
Chose qu’Anaïs ne put digérer de prime abord.
Alors, son grand-père Bubal la rassurera en ces termes :
« — Sache, ma fille, que tu es désormais sous la protection d’Aningo. Il te guidera et te soutiendra. Beaucoup de succès t’attendent, mais sache qu’où que tu sois, tu es une fille de ton pays, de ton ethnie, de ta tribu. Chaque fin d’année, tu me feras un compte rendu et si un jour tu es embarrassée et que tu ne peux pas venir me voir, prends un récipient, un gobelet, n’importe quoi, et dis en soufflant dessus : « Silowa, femme de mon père, conduis ma parole à lui » et je te répondrai. Va maintenant et qu’Aningo veille sur toi. »[2]
Élève moyenne, Anaïs était loin d’être une élève studieuse et brillante, mais, le pouvoir d’Aningo parla pour elle. Contre toute attente, elle eut son baccalauréat au premier tour devant d’excellents élèves du centre. Elle était ambitieuse et comptait bien profiter de ses atouts.
Une fois à la capitale, elle s’effraya un chemin dans l’univers politique aux côtés du PAN. Présidents, Sénateurs, Députés, entre autres, seront à la merci de cette jeune femme métisse.
Anaïs ne se dérogea pas de ses objectifs. Elle offrit tout le confort possible à ses proches restés à Lambaréné (ville du Gabon).
Puis, elle laissa entrer dans sa vie un jeune européen, François, blasphémateur des traditions ancestrales africaines. Ce dernier tentera t’arracher Anaïs, par son amour, des siens. Chose qui inquiéta Bubal, le plus grand sorcier de la contrée.
Pour essuyer l’insulte, François devrait faire face à la sorcellerie de Bubal et de sa femme mystique, Silowa. S’ensuivra une série d’événements surnaturels dans la vie de François. Comment échapper à la vengeance de Bubal ? Sortira-t-il de ce piège de feu vivant ?
François depuis son pays natal, la France, comme par enchantement se retrouve dans une forêt du Gabon où rôdent tous les esprits de la nuit. Il ira d’épreuves en épreuves, de surprises en surprises. Dans cette dystopie, pas de temps de repos pour lui, car le danger est partout. Il se retrouvera face à Bubal et à Silowa, la femme serpent. Il subira une véritable initiation mystique, un rite de passage. On en vient à se demander si finalement, François n’a pas été affranchi ?
Entre mysticisme et réalité, l’auteur nous fait voyager au cœur des traditions et coutumes gabonaises. L’auteur met en exergue la sacralisation de certains lieux dits de « culte » en passant par le respect de la tradition d’un peuple et la vénération des ancêtres. Chose mal perçue par François.
En lisant ce livre, une intertextualité se lit avec le roman Petrolumde Bessora, où l’auteure parle de la sacralité des traditions, des lieux de culte. Antiféticheaborde ce point avec l’arbre qui découpe tous les forestiers. On lit encore se phénomène dans Le bruit de l’héritage de Jean Divassa Nyama. Des histoires bien ancrées qui rythment le quotidien des populations.
De même, cette œuvre revient sur la consécration des enfants. Certains parents africains pour le confort financier consacrent leur progéniture. Un thème longuement visité dans la littérature africaine, en général, et gabonaise, en particulier.
En somme, ce livre est fantastique. Chaque personnage a quelque chose à vous partager et sont bien travaillés et bien maîtrisés. Un début descriptif regorgeant de suspens. Un livre passeur de culture dans la mesure où l’auteur imbrique son récit d’histoires collectives et de peuples. On découvre la culture d’un peuple comme les Pygmées.
François est transporté dans ce monde. À des moments, j’ai eu l’impression d’être transportée mystiquement en même temps que lui. J’ai fortement ressenti cette ambiance mystique quand, Bubal et Silowa s’amusaient avec François dans le monde surnaturel. Un imaginaire que j’ai apprécié.
Malheureusement, la fin de ce livre que je trouve un peu bâclée m’a rendue furieuse. Le livre pouvait tenir sur 200 pages (rires).
L’orchidée MOULENGUI moulorchy@gmail.com
[1]Mo Fahd, Antifétiche, p16.
[2] Idem, p 25.