« Assoouka » (pièce théâtrale en alexandrin), Sophie ADONON

« Assoouka » (pièce théâtrale en alexandrin), Sophie ADONON

Introduction

Sophie Adonon fait partie des écrivaines les plus lues au Bénin, même si elle vit en France. Et comme on peut le constater, elle est la plus prolifique des femmes de lettres de notre pays. Elle a à son actif une vingtaine d’œuvres qui embrassent presque tous les genres littéraires. Au nombre de ces dernières figure « Assoouka », une pièce théâtrale en alexandrin. C’est d’ailleurs une première dans notre littérature. L’œuvre est parue aux Editions Savane en 2016. Le livre compte 101 pages. La trame se déroule en Afrique, plus précisément au Bénin. Notre travail consistera à présenter le résumé du livre, l’étude des thématiques abordées par l’auteure et une brève présentation des personnages; le tout sera suivi de mes impressions personnelles.

I- Résumé

Dans une concession, naît une jeune et belle fille nommée Assouka. Dossou son père, ne l’aime pas car il estime qu’elle ne servira à rien. Rejetée ainsi, Assouka ne bénéficie pas de l’amour paternel, contrairement à ses frères. L’Etat ne pouvant plus assurer le reste ses études et son père refusant de les payer, Assouka se noie dans un grand chagrin. Elle est donc secourue par la suite par, Paul Allogo son directeur, qui lui paie ses études supérieures. Quelques années plus tard, après la tentative d’assassinat de Paul Allogo par son propre père, Assouka est partagée entre l’affection qu’elle porte toujours à son père et la justice qui doit être rendue…

II-Etude des thèmes

Ø L’amour : Il s’agit de l’amour indéniable, inconditionnel que porte Sêkpê-yoli, la mère d’Assouka à Assouka malgré le rejet de cette par son propre géniteur.

Ø Le mépris : Il est question du mépris que nourrissent le père et les frères d’Assouka envers Assouka en la malmenant, en la dévalorisant et en la faisant sentir comme inférieure aux hommes.

Ø La compassion : Il s’agit du fait que Paul, père de Rosine (amie d’Assouka) ait compatie au chagrin d’Assouka en contribuant au financement de ses études lorsqu’elle était abandonnée par les siens.

Ø L’ingratitude : Il s’agit du fait que le père d’Assouka et son fils aîné Mèho aient tenté d’assassiner Paul, le bienfaiteur d’Assouka, par jalousie à la nouvelle situation juteuse de cette dernière.

III-Etudes des personnages

  • Assouka : Fille cadette de Sêkpê-yoli et de Dossou, elle est rejetée par son géniteur. Assouka n’eut que sa mère pour la soutenir et grâce à l’aide financière apportée par le père de sa copine, arrive au bout de ses ambitions en sortant cardiologue.
  • Rosine : Fille de Paul, elle aide et soutient son amie Assouka en sollicitant l’aide de son père vis-à-vis en faveur de cette dernière.
  • Paul Allogo : ‘’Allogo’’ veut dire soutien et aide en fon. Directeur du collège d’Assouka et père de Rosine, Paul finance les études secondaires et supérieures d’Assouka. Il n’a pas seulement été le bienfaiteur de Assouka à travers sa contribution financière pour les études de cette dernière. Il s’est comporté comme un père pour elle.
  • Sêkpê-yoli : Mère d’Assouka et épouse de Dossou, Sêkpê-yoli est une femme vaillante qui malgré les remontrances faites par son mari au sujet de ‘’sa’’ fille, la chérit quand même et la soutient jusqu’à son âge adulte.
  • Dossou : Père de Assouka, Dossou est un homme peu scrupuleux qui renie ouvertement et publiquement Assouka sa fille sous prétexte qu’une fille ne peut assurer sa progéniture, sa descendance et affirme qu’elle est source de malheur. Aîné des Vibignon, il est le complice de son père dans la tentative d’assassinat de Paul et fait également partie de ceux qui rendaient la vie dure à Assouka
  • Mèho : En langue fon veut dire le plus grand. Il est celui qui soutenait Dossou dans ses mauvaises entreprises. Il n’a fait preuve d’aucune sagesse bien qu’étant l’aîné.
  • Kpêvi : En fon ‘’Kpêvi’’ veut dire « petit ». Et bien qu’étant le benjamin, il n’a fait preuve d’aucun respect et d’aucune considération envers sa sœur Assouka. Il n’eut pas un parcours scolaire très brillant tout comme son frère Mèho.
  • Fidèle client : Il est le fidèle client de Dossou et est celui-là qui défendait la gent féminine en faisant comprendre à Dossou qu’il était dans l’erreur en ayant un comportement irresponsable face à sa fille et à son épouse.
  • Visiteurs de Dossou : Ce sont ceux-là qui ont protesté le discours de Dossou lorsqu’il affirmait qu’il n’avait que deux fils tout en ignorant consciemment l’existence de sa fille Assouka.
  • Voisins de Paul Allogo : Ce sont ceux qui sont venus le secourir dans son agonie au moment où Dossou et Mèho ont tenté de l’assassiner.

 

IV-Point de vue personnel

Dans le livre « Assoouka »  de Sophie Adonon, l’histoire déplorable de Assouka, l’actrice principale du livre, m’inspire deux sentiments: d’abord de la pitié pour le personnage éponyme, ensuite du mépris pour son père Dossou, un homme irresponsable et méchant. Si la vengeance était une bonne chose, je crois personnellement qu’il devrait croupir en prison et non mourir aussi facilement que l’auteure l’a décidé, car son ingratitude et sa méchanceté ne peuvent être punies que par une mort douloureuse et exemplaire. Il n’a vraiment aucun scrupule, car après tout ce qu’il a fait en reniant sa fille, il ose attenter à la vie d’un homme de bien qu’il jalouse par surcroît. On ne fait pas des enfants pour assurer son propre avenir ou pour le maintien de son nom. L’enfant est une richesse. Ici, l’auteur fait comprendre que tout parents doit assumer ses responsabilités de père ou de mère et ne doit pas faire de distinction entre ses enfants. Mais ce qui surprend, je dirai agréablement, c’est la part belle faite à la femme à travers le nom de « Assouka ». En effet, généralement, ce sont les hommes qu’on nomme Assouka en pays fon. Mais ici, c’est une femme qui porte ce nom de prestige et de majesté, ce nom de noblesse et de vaillance. C’est la preuve que les femmes peuvent aussi faire des choses grandioses. Et on le remarque dans la famille de l’héroïne: c’est elle seule qui a pu émerger, malgré les maltraitances qu’elle a subies. Il faut saluer le réalisme et l’audace de l’auteure qui entend renverser la tendance et revêtir la femme d’un blason quasi masculin. Elle a d’ailleurs confié dans une interview :  » Oui. Assouka dans ma langue maternelle, c’est-à-dire le fon, signifie homme vaillant. Mais ici, c’est une fille qui porte ce nom. Et ça signifie ‘’fille à la vaillance d’un homme’’.[1]

Pour parler du style de l’auteure dans cet ouvrage, je commence d’abord par saluer son originalité en alliant versification et tragédie. Elle a fait comme Racine, Corneille. Et c’est une réalisation unique de ce genre en Afrique. Toutefois, même si l’on comprend le message véhiculé, il faut reconnaître que le livre n’est vraiment pas pour les élèves qui n’ont pas de grandes notions en versification et autres techniques de poésie. L’auteure reconnaît elle-même cette difficulté. A l’émerveillement du journaliste qui disait : « Donc il y a beaucoup de louanges qui vous sont arrivées !« , voici ce qu’elle répond: « Oui, surtout des universitaires parce que les élèves de terminale n’ont pas compris grand chose à cette pièce de théâtre. C’est trop compliqué pour eux. Ils ne savent pas ce que c’est qu’une diérèse, synérèse, syncope, hémistiche et césure. Ils ont eu du mal. C’est vrai que je me suis donnée vraiment du mal, et on retrouve les règles de la versification mais vraiment de haut niveau.« [2] La question que l’on se pose est : « Pourquoi avoir choisi un genre qui n’est plus très prisé ni davantage pratiqué par public (béninois) à qui elle adresse pourtant un message crucial qui le concerne fondamentalement? ».

Voici mon coup de cœur:

« Il faut lutter contre tout analphabétisme

De façon paritaire, et sans aucun sexisme.

La grandeur d’un pays vêt cette équité,

S’il veut revendiquer moindre once de fierté » ((P.88)

Conclusion

La littérature est une arme de combat contre les maux de la société. Sophie Adonon l’a compris. A travers son œuvre « Assouka », elle prend position et fustige les maltraitances que subissent certaines filles du fait qu’elles soient filles. En créant le personnage Assouka, une fille à qui elle donne un attribut hautement viril, elle entend réveiller toutes les femmes afin qu’elles prennent conscience de l’immensité des talents et potentialités qui sommeillent en elles. Elle fait aussi remarquer que rien ne peut détourner le destin de ses fins: ce qui est écrit est écrit. Il suffit de croire que l’on rencontrera à un moment ou à un autre des hommes de bonne volonté qui nous aideraient à réaliser nos ambitions. Et ce qui est aussi bizarre dans le livre et qui montre le sale tour que le sort joue à Dossou et à ses enfants mâles, c’est qu’aucun de ces derniers n’a pu réussir sa vie malgré tous les soins dont ils ont bénéficié de la part de leur papa qui se trouvait trop viril pour donner naissance à un être faible qu’on appelle femme. Il faut saluer le courage de l’auteure qui voit autrement le féminisme qu’elle situe dans le travail dont la femme doit faire sa religion d’une part, et d’autre part dans cet appel qu’à travers Paul Allogo dans le livre, elle lance à toutes les âmes de bonne volonté de voler au secours des femmes en les aidant à se réaliser. Son féminisme est réaliste et loin des clichés de revendications parfois inutiles qui ne considèrent pas les différences anatomiques et physiologiques. Bon vent à « Assouka » qui a été finaliste du dernier « Prix du Président de la République« .

 

LOKOSSOU Jévaltonia

 

LOKOSSOU Jévaltonia est élève en classe de Terminale D au Collège Catholique Saint Michel de Cotonou.

 

 

[1] https://lanouvelletribune.info/2018/04/sophie-adonon-je-prends-une-voix-grave-pour-parler-de-lemancipation-des-filles/
[2] https://lanouvelletribune.info/2018/04/sophie-adonon-je-prends-une-voix-grave-pour-parler-de-lemancipation-des-filles/

4 comments

LOKOSSOU Jévaltonia, vous avez su ressortir l’esprit de l’œuvre Assouka au-delà de sa lettre. Je vous tire mon chapeau car pour une élève de Terminale, vous avez de la maturité littéraire, de la maturité tout court. Vous m’avez tout l’air déjà d’une  »Assouka ». Vous irez loin. Je vous souhaite une bonne continuation.

Merci madame. Ce fut un réel plaisir pour moi d’avoir pu décortiquer cette œuvre d’art. Merci à vous aussi M. ADJAHO.

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