Echos de femmes, Sophie ADONON

Echos de femmes, Sophie ADONON

Elle a voulu donner des échos de femmes, mais à l’arrivée, elle fait contempler des échographies de femmes, l’endoscopie de leurs quotidiens douloureux. Sophie ADONON a voulu faire résonner les complaintes de la gent féminine, mais, en conclusion, elle expose dans un style soutenu, des tableaux où sont portraiturés des visages sans regards, des cœurs sans amour, des amours sans lendemains, des lendemains sans espoir…. Bien plus, nous avons affaire à une psychanalyse des profondeurs où l’auteure nous fait entrer dans le sanctuaire intérieur des femmes, ces hautes forteresses de faiblesses, inaccessibles et pourtant ouvertes à toutes éventualités.

 

 

Que ce soit dans « Imbroglio tropical » ou dans « Outrages intimes » on se trouve face à la même tragédie féminine que subissent les  personnages qui peuplent l’univers d' »Adjoua et ses échelles » et celui de « D’un quai à l’autre« . D’entrée de jeu, dans « Imbroglio tropical« , Sophie plante le décor en mettant en relief la versatilité du cœur féminin qui, entre cupidité, jalousie et naïveté, peut basculer de l’ange à la bête. Voilà deux africains, Gaston et Sosthène, qui débarquent en France munis de faux passeports. Le temps de l’acclimatation passée, après quelques difficultés, leur carrure physique leur fait décrocher l’emploi logiquement conforme : gardiennage. Leslie tombe sous le charme de Gaston qui la rejoint dans son appartement, au grand mécontentement de Sosthène. Attention! Quand deux hommes convoitent la même femme… Et quand pour atteindre son but celui qui se sent cocufié tente de se venger en envoyant dans les bras de son concurrent une femme sans scrupule, une gourgandine cleptomane et effrontée, le dénouement n’en est que savoureux. Qui gagnera à la fin le cœur de Leslie? Ah! Les femmes. Autant les femmes peuvent diviser, autant elles sont unies par un destin commun : violences conjugales. Ainsi, avec « Outrages intimes« , l’auteure crève l’abcès de ces pratiques machistes où des hommes névrosés manifestent leur virilité à battre à mort leur conjointe. Victor est habitué à bastonner Saya, sa femme. Mais tous les coups ne sont pas toujours permis. Il peut y en avoir un de trop qui change le cours de toute une destinée. Mais, il y a plus épicé dans cette nouvelle : Gertrude alias Djètou qui bat son mari. Horreur! Les violences conjugales ne sont pas perpétrées qu’envers les femmes. De toute évidence, la leçon est claire, nette et sentencieuse sous la plume de Sophie ADONON: « Chaque coup donné par un conjoint dans un couple est un outrage à la vie à deux » (P 80). Si Saya assume son sort en créant son Association, Adjoua aussi a réussi à donner un nouveau visage à sa vie. Avec « Adjoua et ses échelles« , nous assistons ici à l’entêtement du destin qui parfois refuse que nous nous laissions emporter par la fatalité. Paradoxe d’une vie qui vous prive de tout et vous condamne à vivre le dénuement, l’humiliation et l’avanie. Adjoua, ruinée et détruite, décide de se suicider par pendaison. Toutes les tentatives sont vaines. Une nuit, les fils du propriétaire viennent la violer. Nuit tragique. Au fort de la désolation, elle reçoit une consolation. Son livre de conte bilingue fon-français est retenu par l’UNESCO. Adjoua passe des ténèbres à la lumière. L’espoir renaît pour elle tandis que « D’un quai à l’autre« , le désespoir s’empare des parents de Dorian disparu, miraculeusement. Les investigations révèlent qu’il a été kidnappé par son propre oncle raciste et névrosé.

 

 

« Echos de femmes », est paru aux Editions Savanes en Février 2018, et s’étend sur 149 pages. L’œuvre est agréable à lire. S’y sont donné rendez-vous le rire et l’instruction. Avec doigté et soif de transmettre ce qui remue aux profondeurs de ses entrailles, Sophie ADONON a su aborder des thématiques brûlantes allant de l’immigration aux violences faites aux femmes, en passant par le racisme, la mondialisation, le refus du droit à la différence, la famille et l’espérance. Avec « Outrages intimes« , un très long récit et « Adjoua et ses échelles« , l’auteure ouvre de nouvelles perspectives pour les femmes en insistant sur leur nécessité de croire à la résilience et de se convaincre que « tant qu’il y a la vie, il y a toujours de l’espoir ». Mieux, elle souhaite que les femmes fassent de leurs blessures assumées l’occasion de relèvement pour toutes les autres femmes qui espèrent une main secourable ou quelque lueur d’espoir. Mais ce qui est davantage heureux, c’est l’audace de Sophie de dénoncer publiquement les violences faites aux hommes dans le foyer.

L’œuvre est belle aussi bien dans la forme que dans le fond. Le style est fluide, technique par endroit, empreint de diglossie comme dans « Pour une poignée de gombos« . Les personnages sont bien présentés. L’espace couvre le Bénin et la France. C’est, au demeurant, une œuvre d’actualité. Faites-vous plaisir en vous y plongeant. Bonne balade livresque à chacun.

 

Destin Mahulolo

4 comments

Merci pour la chronique ! On a eu les échos ! Je dois maintenant le lire !

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