BL: Bonjour Abbé Augustin. Les lecteurs sont impatients de mieux vous connaître. Présentez-vous. – Le sacerdoce. Pourquoi ce choix? -vous êtes prêtre et auteur. Pensez-vous qu’il est aisé d’être un prêtre écrivain?
AYT : On m’appelle Augustin TOSSOU Yedia. Je suis ordonné prêtre le 23 Octobre 2012. J’ai choisi de devenir Prêtre parce que c’est un appel à servir le Christ et les Hommes en tant qu’homme passionné; appelé et donné. En fait, le Prêtre reçoit sa vocation et il choisit simplement d’y répondre. Je m’échine à écrire autant que je peux en m’organisant pour que cela ne porte atteinte à mon agenda de pasteur.
BL: Vous êtes auteur de deux pièces de théâtre « Outrage à la Saint Valentin » et « La grippe de la démocratie » Vous avez également publié un essai sur le feu Cardinal Bernardin GANTIN. Pourquoi le choix du théâtre et de l’essai? Le théâtre serait pour vous un meilleur moyen d’atteindre plus votre cible?
AYT : J’ai lu beaucoup de pièces théâtrales. En plus, j’ai été longtemps acteur et metteur en scène. Le théâtre est ma passion. Il l’est plus que l’essai qui est un ouvrage de réflexions et le roman qui est une réalité fiction destinée uniquement à la lecture. Et comme vous le savez très bien, le théâtre atteint plus facilement sa cible parce qu’il est du l’ordre de voir. Il sollicite la vue. De plus il corrige les mœurs par le rire: « Castigat ridendo mores«
BL: L’écriture, comment la percevez-vous?
AYT : Il y a un proverbe chinois qui dit que la mémoire la plus forte est plus faible que l’encre la plus pâle. L’écriture est un puissant instrument de transmission et de conservation de l’information. J’écris pour dire les choses autrement qu’on les voit. Et ainsi l’écriture devient un autre moyen d’évangélisation.
BL: Vu l’essai sur le feu Cardinal Bernadin GANTIN on se demande s’il est votre modèle. Autrement, que voulez-vous exprimer à travers cette œuvre?
AYT : Le Cardinal Bernardin GANTIN est un Grand Homme doté d’une intelligence pratique et profonde; un Homme plein de foi et de prière; un Homme de force et de joie. Un humaniste plénier et un chrétien pieux. Le Pape Benoît XVI à pu dire de lui » je remercie le Bénin d’avoir donné à l’Eglise ce fils éminent. » Ne pensez-vous pas qu’il est un modèle pour nous les Africains et surtout pour nous Béninois chrétiens ou non?
BL: Un prêtre qui écrit des œuvres profanes. N’est-ce pas bizarre? A-t-il fini de s’occuper des affaires de la sacristie? De quoi se mêle-t-il en littérature?
AYT : Le Prêtre de sa condition de consacré ne peut écrire que des œuvres qui incitent à une vie meilleure et sainte même s’il utilise le canal d’une oeuvre apparemment profane. Ce n’est donc pas bizarre. Je pense que le Prêtre de ce siècle doit être indicateur de sens en empruntant tous les genres littéraires dont il peut user. Savez-vous que le Père Gilbert DAGNON, de vénérée mémoire, a écrit « ADOLEVI OU L’AMOUR PARDONNE TOUJOURS » une pièce de théâtre admirée et aimée?
BL: Que répondriez-vous à celui qui dit par exemple : « Dans les séminaires on découvre beaucoup de talents que l’Eglise ne met pas souvent en valeur. N’est-ce pas un gâchis? «
AYT : L’Eglise fait ce qu’elle doit faire pour promouvoir les talents. Il s’agit pour chacun de se mettre en quatre pour aller au bout du but visé. Dieu est au contrôle
BL: « Outrage à la Saint Valentin », tel est le titre de l’une de vos pièces théâtrales, genre que vous affectionnez beaucoup. D’abord pourquoi cet amour, disons, viscéral pour le théâtre? Et que voulez-vous faire découvrir aux jeunes à travers « Outrage à la Saint Valentin »?
AYT : Le théâtre influence vite la vie et la pensée des gens. Mais pour répondre concrètement à la question, je reprendrai volontiers les propos de Youtotcha Pierre dans la belle et riche chronique qu’il vient de publier sur le livre en question: « A travers cette trame, Augustin TOSSOU peint la fuite de responsabilité de plusieurs hommes en face de leurs actes. Jean PLIYA le montre aussi à travers monsieur Chadas dans La secrétaire particulière et Amadou Koné à travers Ebinto dans Les frasques d’Ebinto. L’avortement est un acte qui désacralise la femme, source de vie. Et tous les responsables doivent en assumer les conséquences. Contrairement à certains parents qui abandonnent leurs enfants à la merci de la société, Azia nous donne un témoignage de vie. Et, elle atteste ainsi que la vie d’un enfant est sacrée. L’amour, l’argent et la mort sont les thèmes prédominants de cette pièce. D’ailleurs, pour le jeune d’aujourd’hui, peut-on parler de Saint-Valentin sans amour et argent ? Si non quel est le rôle de l’avoir au cœur de l’amour ? (http://racontarsdelectures.com/outrage-a-lamour/)
BL: « La grippe de la démocratie », une autre pièce théâtrale de vous. Mais cette dernière a des relents politiques. Le prêtre et la politique pourraient-ils faire bon ménage?
AYT : Le canon 285 du Code de Droit Canonique interdit aux clercs la politique active. Toutefois le Pape Pie XI considère le champ politique comme le champ de la plus vaste charité. Et le Pape François de préciser : » Il est clair que le service ne doit pas être opposé au pouvoir — personne ne veut un pouvoir impuissant ! — mais le pouvoir doit être ordonné au service pour ne pas dégénérer. Autrement dit, tout pouvoir qui n’est pas ordonné au service dégénère. Naturellement, je fais ici référence à la « bonne politique », en son sens le plus noble, et non à son dévoiement dans ce que nous appelons « politicaillerie » (politicheria). « Pour instaurer une vie politique véritablement humaine — poursuit l’enseignement du Concile — rien n’est plus important que de cultiver le sens intérieur de la justice, de la bonté, le dévouement au bien commun, et de renforcer les convictions fondamentales sur la nature véritable de la communauté politique comme sur la fin, le bon exercice et les limites de l’autorité publique” (GS, 73). Soyez sûrs que l’Église catholique « tient en grande estime et considération l’activité de ceux qui se consacrent au bien des affaires publiques et assument le poids de leurs responsabilités » (GS, 75). » (https://fr.aleteia.org/2017/12/14/pape-francois-il-nous-faut-rehabiliter-la-dignite-de-la-politique/)
J’ai toujours soutenu que l’autorité politique est légitime si elle garantit le bien commun. Et c’est justement à cette fin que j’écris. »Comment peut-on être millionnaire et être entouré de plus d’un million de pauvres? » Voilà une de mes interrogations dans La grippe de la démocratie.
BL: Depuis votre Parakou natal, quel regard portez-vous sur la littérature béninoise aujourd’hui. Ses forces et ses faiblesses. Vos regrets et vos souhaits.
AYT : L’Edition au BÉNIN va mal et le livre a toujours du mal à trouver sa place dans la société où la littérature orale est restée pendant longtemps le moyen d’expression par excellence des Africains. Osons dire la vérité. La littérature béninoise aujourd’hui se porte comme nos politiques le veulent. Il y a beaucoup de talents qui s’expriment mais il n’y a pas un accompagnement conséquent et responsable. Par ailleurs, il y a de moins en moins de lecteurs. L’écrivain est un débiteur permanent qui a constamment à ses trousses éditeurs et imprimeurs. Pour relever cet état de choses, il est important que nos gouvernants repensent la question du livre et de la culture chez nous. Des propositions bien fignolées sont certainement sur leurs tables. Nous sommes convaincus qu’ils ne pourront pas tout faire, mais il nécessaire qu’ils essaient de poser les actes convaincants dans ce domaine. Les pays où le livre « marche » ne sont pas arrivés aux résultats que nous admirons sans une volonté politique rigoureuse. Nous pouvons y arriver si nous le voulons. Tant qu’on le veut, on le peut. Cela dit, chacun est appelé à faire ce qu’il peut pour que le livre et la lecture s’enracinent profondément dans nos mœurs. Tout le monde est concerné: les parents à la maison, les enseignants à l’école, les prêtres à l’Eglise. Combien de fois avons-nous déjà offert des livres à nos enfants à l’occasion des fêtes de Noël ou du nouvel an ou encore lors de leur anniversaire? Combien de fois avons-nous initié dans nos maisons des séances de lecture ? Nous sommes tous interpellés.
BL: Il est dit que la génération actuelle est paresseuse, qu’elle n’aime pas lire et que son niveau est trop bas. Que vous inspirent ces allégations set que préconisez-vous pour un renouveau qualitatif au sein de la jeunesse?
AYT : L’enfant est un parfait perroquet: il répète ce qu’on dit à côté de lui. Autrement dit, il reproduit ce qu’il voit faire. J’ai envie de répondre à votre question par ces vers hugoliens
Donc au petit enfant donnez le petit livre.
Marchez, la lampe en main, pour qu’il puisse vous suivre.
BL: Le prêtre que vous êtes est assez sensible aux questions relatives aux NTICs. En témoigne d’ailleurs votre mémoire de fin de formation à Saint Gall qui portait justement sur le prêtre du XXIème siècle face aux défis de la communication. Qu’est-ce qui vous a motivé à choisir ce thème? Et quelles sont les conclusions auxquelles vous avez abouti?
AYT : Mon mémoire est sur la communication. Je l’ai voulu ainsi parce que les TICs sont une chance pour le développement de notre continent si elles sont bien utilisées. Je réalise qu’ils sont de plus en plus ancrés dans nos habitudes. Et avec ces mutations, il faudrait des réflexions fortes pour que nos vies n’en soient pas désorientées, perturbées et désaxées. C’est vrai que nous aurons de moins en moins nos « intimités » protégées et sauvegardées, vu les menaces que constituent les TICs et les réseaux sociaux. Mais quand on sait le puissant moyen qu’ils constituent dans la lutte pour les libertés civiles et sociales, les libertés d’opinion et d’expression, je crois qu’ils sont nécessaires. Ils sont un couteau à double tranchant. Il faut savoir en user si l’on décide de recourir à leurs services.
BL: Membre de la Commission de communication et Secrétaire du Bureau Diocésain de l’Union du Clergé Béninois de Parakou, vous avez aussi un penchant pour l’enseignement, l’éducation. Que faut-il faire aujourd’hui, pour redorer le blason de l’éducation chez nous, quand on sait que certains enseignants s’expriment mal en français ou que d’autres ne le seraient que par nécessité?
AYT : Pour redorer le blason de l’éducation au Bénin, il faut aller à l’école des pays anglophones et aussi introduire nos langues nationales dans le système L’école doit prendre en compte les vrais besoins de la société. Le vivre et le survivre doivent être assurés. Et cela passe aussi par l’école, une école de qualité.
BL: Prêtre, écrivain, philosophe, homme de média et professeur. Comment arrivez-vous à combiner toutes ses activités? Pourriez-nous donner le portrait robot de votre journée? Autrement dit, comment se déroule une journée de l’Abbé Augustin Y TOSSOU?
AYT : (Sourire.) Je passe ma journée en ayant comme boussole cette citation : « Le temps perdu ne se rattrape jamais« .
BL: Avez-vous des projets littéraires/livresques en cours? A quand votre prochain roman?
AYT : Je peaufine un recueil de Poèmes et une troisième pièce de théâtre. Quant au roman, souffrez que je ne vous en souffle rien pour le moment. Les plus grands projets sont secrets. (Sourire)
BL: Si vous étiez un rayon dans une bibliothèque lequel seriez-vous?
AYT : Je serais « théâtre »
BL: Un défaut?
AYT : Je dis ce que je pense sans porter des gants.
BL: Un personnage biblique
AYT : Saint Paul de Tarse
BL: Un fruit
AYT : La papaye
BL: Une passion
AYT : Étudier tout le temps
BL: Cher Abbé Augustin, nous sommes au terme de notre interview. Nous vous remercions de vous être prêté à nos questions. Votre mot de la fin
AYT : Merci à Biscottes Littéraires et à tous ceux qui me liront. Dieu vous bénisse et vous garde toujours en ses bienfaits.
Intéressante interview….je suis touché par le constat fait sur l’etat de l’écrivain et de la littérature dans notre pays…c’est du reste un malaise commun à notre monde artistique…..
On n’arrêtera pas pour autant de continuer à écrire car l’art est une goutte de sang divin qui circule dans nos veines…
Merci à toute l’équipe de Biscottes Littéraires.
Monsieur Padey, vous avez toujours cet art de dire les chose de manière extraordinaire: « On n’arrêtera pas pour autant de continuer à écrire car l’art est une goutte de sang divin qui circule dans nos veines » Il nous faut aller à votre école