INTERVIEW AVEC MERIME YOKOSSI (MY)

INTERVIEW AVEC MERIME YOKOSSI (MY)

INTERVIEW AVEC MERIME YOKOSSI (MY)

BL : BONJOUR cher Abbé Mérimé YOKOSSI. Nous sommes très heureux de vous recevoir sur notre blog. Avant d’entrer dans le vif de l’entretien, nous sommes impatients de savoir qui vous êtes.

MY : Bonjour, je suis heureux de vous recevoir et de répondre à vos questions. Je suis le Père YOKOSSI Mérimé Juste Amour. Mais sur mes livres j’aime faire figurer mon prénom africain Wendéyama (en Waama, La parole Dieu) qui n’est malheureusement pas sur mon acte de naissance. Mais que je revendique fortement. Je crois à l’importance pour nous africains de porter des noms de chez nous, sans pour autant rejeter ceux que nous recevons d’ailleurs, tout en évitant les noms fantaisistes. Je suis né le 17 Septembre 1989, à Cotonou, d’une mère fon, et d’un père waama (langue parlée au nord du Bénin notamment à Natitingou). Je suis prêtre de l’Eglise Catholique Romaine, depuis le 20 Novembre 2016. Je suis actuellement directeur du collège Catholique Mgr Lucien CHAMBENY de Kérou, dans le diocèse de Natitingou.

BL : Toutes ces années au séminaire à étudier tant de matière pour n’officier qu’en zone déshéritée ? C’est cela le prêtre ?

MY : Oui, c’est cela aussi le prêtre. Une certaine classification humaine très limitée veut qu’il y ait des zones huppées et des zones déshéritées. C’est une classification qui ne devrait avoir aucune valeur pour un prêtre. Car le prêtre doit être prêt à servir partout où besoin sera, partout où il y a des âmes à sauver, (« même sur un arbre », ajoute souvent mon Evêque Mgr Antoine Sabi BIO), le Prêtre doit être prêt à servir. L’important n’est pas le lieu, l’important c’est la grandeur et la beauté de la mission : annoncer Jésus-Christ. Les longues années de formation au séminaire doivent nous préparer à cela. Un jeune qui finit le séminaire et n’est pas prêt à aller partout où on l’envoie, montre que la formation n’a pas été bien assimilée. Juste après mon ordination, j’ai été envoyé comme  vicaire  sur la Paroisse de Manta, une petite paroisse de brousse comme les gens aiment le dire, mais j’ai beaucoup appris au contact des gens pauvres certes, mais riches en humanité et en foi.

L’année suivante je me suis retrouvé à Kérou, l’un des coins les plus reculés du diocèse, à cause de la distance et de l’état désastreux des voies. J’ai commencé comme vicaire paroissial, avant d’être nommé quelques mois plus tard directeur du collège Catholique Mgr Lucien Chambény. C’est une expérience nouvelle et formidable. Mais je garde le lien avec la paroisse et la pastorale. Parce que pour moi, le plus important, c’est d’être Prêtre.

BL : On entend dire que les prêtres, c’est la messe et la prière. Point final. Mais un prêtre qui écrit… de quoi se mêle-t-il concrètement ?

MY : Les gens ont raison. Dans notre monde en perte de repères, il est vraiment important de revenir aux fondamentaux. Le Prêtre, c’est d’abord la Messe et la Prière. Un prêtre qui ne célèbre pas la messe, et qui ne prie pas, ne mérite pas de porter ce nom. D’un autre côté, l’écriture n’est pas une valeur surajoutée. Non ! L’annonce de la Bonne nouvelle est une donnée constitutive de la mission du prêtre. Pour annoncer cette bonne nouvelle, plusieurs moyens sont à notre disposition, notamment l’écriture. D’autres peuvent passer par la musique, l’art etc. L’important est que Jésus soit annoncé, connu et aimé. Et c’est d’ailleurs lui-même qui dote chacun des charismes dont il a besoin pour mener à bien la mission qu’il lui confie.

BL : Et quand avez-vous commencé à écrire ? Qu’est-ce qui vous y a poussé ? Votre prénom ? puisque votre prénom a quelque chose à voir avec Prosper Mérimée…

MY : Je peux dire que j’ai commencé à écrire depuis que j’étais tout petit. J’aimais bien coucher sur le papier, mes expériences et mes opinions. Mais je n’avais pas eu l’intention de publier quoi que ce soit. Cela est venu plus tard. Au séminaire, nous avions coutume de représenter une pièce théâtrale par promotion chaque année, mais il fut une année, nous n’avions pas trouvé de pièce à représenter, alors des amis m’ont demandé de proposer quelque chose, pour sauver la face. J’ai essayé d’écrire quelque chose, et cela avait beaucoup intéressé les gens. Parfois, il faut une bonne occasion pour que le talent se réveille. Et après cela, j’ai commencé à rédiger moi-même des pièces ou des poèmes, en me disant qu’un jour peut-être, j’allais les publier. Mais je ne suis pas pressé.

Ma mère m’a donné Mérimé, en s’inspirant effectivement de l’écrivain français Prosper MERIME, qu’elle lisait dans le temps. Mon père, lui, m’a appelé Arthur, en s’inspirant du poète français Arthur RIMBAUD. Tous les deux, sans s’être consultés, voulaient que je sois un écrivain. Mais je ne me considère pas comme un écrivain outre mesure. Le nom m’interpelle, mais ne me contraint pas à être écrivain. Pensez-vous que tous les enfants qu’on a nommé Christiano ou Michael Jackson, deviendront tous plus tard de grands footballeurs ou artistes ? Le nom trace un chemin, mais c’est à chacun de le prendre. Je partage juste mes idées, et ma vision du monde. Cela dit, je n’écris pas pour le plaisir d’écrire, ou pour être connu. Je me sens le premier concerné par ce que j’écris. Je ne suis pas à l’extérieur du monde. Je suis dans le monde, et les maladies du monde sont aussi mes maladies. Térence disait : « Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger ». JE NE SUIS PAS UN DONNEUR DE LEÇONS, JE SUIS UN HOMME AVEC LES HOMMES.

BL : La plupart de vos ouvrages sont des pièces de théâtre. Pourquoi cet attrait particulier pour ce genre littéraire ?

MY : J’aime beaucoup le principe latin du « Castigare ridendo mores » (corriger les mœurs en riant).  En Afrique, nous n’avons pas une très grande culture livresque, mais pour ce qui est du spectacle, ça nous connaît. Dans combien de maisons, voyez-vous une bibliothèque, ou des parents apprenant à leurs enfants la richesse de la lecture. Nous sommes trop occupés par certains besoins existentiels, et celui qui passe son temps à lire, peut même être vu comme un paresseux, un fainéant. Quand vous écrivez un livre, très peu de personnes le lisent en réalité, alors que quand c’est un théâtre, vous avez plus de chance que le message atteigne un plus grand nombre de personnes, non par la lecture de la pièce, mais par sa représentation. J’étudie juste mon milieu. Le théâtre pour moi, répond plus aux attentes de mon peuple. On aime rire, se détendre, alors je me sers de ce canal pour dire des choses sérieuses, tout en faisant rire. Maintenant, si en plus de la représentation théâtrale, certains sentent le besoin d’acheter le livre, c’est encore mieux.

BL : Vous avez commis une pièce théâtrale à l’occasion des 70 ans d’évangélisation de l’Atacora. Vous qui êtes originaire de la localité et y officiez désormais en tant que prêtre. Pensez-vous que ce livre aura été une sorte de rencontre bouleversante et fructueuse avec le vieux Bagri pour tous ceux qui l’ont lu?

MY : Oui ; je pense que l’expérience du vieux Bagri dans ma pièce : La Croix de Christophe, peut provoquer un bouleversement chez le lecteur. J’ai souvent été touché par les témoignages de certains lecteurs, que je ne connaissais pas auparavant, et qui me disent après lecture de mon livre « Mon Père, on dirait que votre livre parle de moi ». Dans le contexte d’évangélisation actuelle de mon diocèse, il faut proposer des modèles de foi aux fidèles. Leur montrer que  leur foi aujourd’hui est le fruit du combat de ces témoins anonymes qui se sont battus et sont même morts pour le nom de Jésus. Cela peut renforcer notre identité chrétienne.

BL : La présente interview arrive à quelques jours seulement des échéances électorales tout comme votre deuxième livre il y a quelques années. Si vous avez un message à passer, lequel serait-il ?

MY : Le message de mon deuxième livre : Je serai président, est de dénoncer les abus de nos hommes politiques et la manipulation du peuple et de proposer aussi un modèle d’homme politique en la personne de Sotiré. J’avoue que ce livre me fait peur. Excusez-moi de le dire ainsi. J’ai écrit ce livre bien avant la Croix de Christophe. Mais je ne l’ai pas publié, faute de moyens, et aussi à cause de la situation politique qui était inquiétante dans le pays. Dans ce contexte, ce livre aurait fait l’objet de nombreuses interprétations, les gens auraient cherché à assimiler  mes personnages à des hommes politiques de ce temps, ce qui aurait été dommageable. Je ne l’ai donc pas publié. Il sortira quatre ans plus tard, dans un contexte politique aussi assez houleux, à tel point que mon évêque m’a demandé de ne pas en parler dans les églises, pour que ce livre ne soit pas perçu comme une attaque vis-à-vis de tel ou tel autre candidat. J’ai donc publié le livre, mais sans trop grande publicité. A l’occasion de la célébration des 10 ANS de création de mon collège les 04, 05 et 06 Avril 2019 ; j’ai fait jouer « Je serai Président » à mes élèves. J’ai été surpris de voir comment ce livre colle encore avec l’actualité, surtout avec les législatives qui approchent. Ceux qui ont vu cette représentation penseront automatiquement que je décris la situation politique actuelle, dans un livre que j’ai écrit il y a maintenant huit ans.

BL : Parlant toujours de votre deuxième livre et au vu de la création éparse de partis ouvertement rivaux, pensez-vous que cette pièce aura eu un écho positif auprès des politiques ?

MY : Je n’écris pas pour faire plaisir à qui que ce soit, donc je ne m’inquiète pas de l’écho que mon livre pourrait avoir au niveau des hommes politiques. Je suis apolitique, comme l’Eglise à laquelle j’appartiens entièrement. Mon objectif est de provoquer un changement de mentalité, et rappeler que le seul vrai et premier intérêt devrait d’abord être celui du peuple, que l’on ne doit pas manipuler à son gré.

BL : On entend souvent dire à tort ou à travers que les religieux ne doivent pas se mêler de la politique ou du moins en faire. Voilà que vous décidez d’écrire un livre qui en traite justement. Ne craignez-vous pas de franchir le Rubicon ou dans le pis des cas vous mettre à dos des politiques qui pourraient se sentir visés ?

MY : Je ne vise personne, pour commencer. Je décris juste une situation, que chacun en tire des leçons. Les religieux ne doivent pas se mêler de politique, veut tout simplement dire que les religieux ne doivent pas prendre la place des politiques. Chacun a une mission spécifique. Mais les religieux doivent être des éveilleurs de conscience, dans tous les domaines surtout quand la vie des hommes en dépend. Dans un domaine aussi important et déterminant que la politique, qui est l’art de gouverner la cité, l’avis des religieux compte énormément. La crainte de Dieu, est une valeur qu’il faut sans cesse rappeler.  Je pense qu’il n’y pas de risque que je me retrouve en politique, je suis prêtre et je compte le demeurer pour toujours, avec la grâce de Dieu. Je ne demanderai jamais aux gens de voter pour moi, ou pour tel ou tel autre candidat. Ce serait en contradiction avec mon identité de prêtre. Je veux juste aider les gens à voter selon leur conscience, et surtout à s’engager sur la base des valeurs, et non des intérêts. Ceux que nos idées n’arrangent pas réagiront toujours, et c’est normal. Donc il n’y a pas de crainte à avoir.

BL : Dans ce livre, vous dénoncez justement la boulimie du pouvoir. Pensez-vous vraiment que la démocratie soit le régime le plus compatible avec nos réalités africaines faite de royauté et de chefferie à vie et de père en fils ?

MY : La démocratie n’est pas le meilleur régime politique, tout le monde le sait, ni pour l’Afrique, ni pour ailleurs. Mais c’est le mieux. Et ceux qui en connaissent les mécanismes, savent bien les contourner quand leurs intérêts sont en jeu. Rousseau lui-même avait dit que la démocratie convient à peuple de dieux. Ce régime est le mieux indiqué, parce qu’il permet de résoudre certains problèmes, mais il a aussi ses failles, comme tout régime. Je ne penche pas pour autant en faveur de la chefferie et de la domination à vie qui caractérisaient les sociétés ancestrales. L’alternance politique est une bonne chose, quand elle n’est pas synonyme d’éternel recommencement, car chaque nouveau gouvernement vient balayer les efforts entrepris par le précédent. L’alternance doit être doublée de continuité. Alors pour trouver le meilleur régime qui convienne à l’Afrique, il est important de sortir d’abord le continent de l’analphabétisme.

BL : « La prière, respiration du chrétien ». Pensez-vous que le livre puisse faciliter la pastorale et être un efficace canal d’évangélisation ? Si oui, n’avez-vous pas peur de ne toucher qu’une infime partie des ouailles vu que la grande majorité de nos populations ne savent pas tous lire et écrire le français?

MY : J’ai rédigé ce livre : La prière, respiration du Chrétien, suite aux questions récurrentes des chrétiens sur la manière d’organiser leur vie de prière, et sur la base de mes expériences personnelles aussi. Ce livre est pratique, car il répond directement aux questions les plus usuelles : qu’est-ce que la prière ? pourquoi, quand, comment, où, qui prier ? Et propose aussi des prières, et même un chemin de croix des familles. C’est un condensé de la doctrine chrétienne sur la prière. Et moi-même, je le relis souvent. S’il peut déjà atteindre ceux qui savent lire, ce serait déjà un grand pas.  Quand à ceux qui ne savent pas lire, d’autres personnes peuvent le leur expliquer. Moi-même j’en ai parlé dans les villages où les gens ne parlent pas français. On ne peut pas prétexter du fait que les gens ne savent pas lire, pour se refuser d’écrire. Et aujourd’hui, les avancées en matière d’alphabétisation sont notables. Si les gens arrivent au moins à lire dans leur langue maternelle, je me ferai aider pour la traduction des livres. « Mon peuple périt faute de connaissance » s’indigne Dieu, dans le livre d’Osée. Nous n’avons pas le droit de nous taire, sinon nous répondrons de notre silence devant Dieu. La crise actuelle des chrétiens, est la crise de la foi et de la prière. Cela se vérifie aussi dans le rang des religieux malheureusement. Aujourd’hui, nous n’avons plus la force, ni le temps, ni le goût de la prière. Et c’est grave. Moi-même qui vous parle, je n’en suis pas épargné. Il faut donc que nous revenions et redécouvrions la valeur de la relation personnelle avec Dieu dans la prière. Car c’est de là que notre relation à l’homme tire tout son sens.

BL : Si l’Abbé Mérimé YOKOSSI devrait définir la vie en une phrase, que dirait-il ?

MY : La vie est un combat, et un homme cesse d’être homme quand il renonce à se remettre en cause pour avancer.

BL : Quels sont les projets de l’Abbé Mérimé YOKOSSI en matière de littérature ?

MY : J’ai beaucoup de livres déjà entièrement rédigés. Mais je ne suis pas pressé de les publier. Je prends le temps de lire et de relire, et de me faire corriger par d’autres. Il il n’y a pas de jour, où je ne pense à quelque chose à écrire ou à approfondir. Je publierai certainement un ou deux livres avant la fin de cette année 2019.

BL : Votre mot de la fin

MY : Je voudrais vous remercier du fond du cœur pour cette opportunité que vous m’avez offerte de pouvoir partager mon expérience. Je vous rassure de mes prières, en espérant que les vôtres ne me feront pas défaut. Mon rêve le plus cher est que des jeunes de plus en plus nombreux prennent conscience de leurs responsabilités dans la construction de notre pays et de notre monde, et se mettent au travail, chacun dans son domaine, pour l’avènement d’un monde plus beau et plus fraternel. Je voudrais profiter de cette précieuse occasion pour informer les uns et les autres que pour se procurer mes livres, il faut juste me contacter au : 95 33 44 33. Le stock de La Croix de Christophe est complètement épuisé, j’ai encore quelques exemplaires de Je serai président, et de La prière, respiration du ChrétienDieu vous bénisse !

 

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