INTERVIEW AVEC NATHASHA PEMBA

INTERVIEW AVEC NATHASHA PEMBA

« Bonjour les amis, aujourd’hui, nous recevons pour vous Nathasha Pemba, écrivaine et philosophe congolaise. Elle se dévoile ici: « Je suis très active sur les réseaux sociaux parce que comme écrivaine et actrice culturelle, aujourd’hui c’est presque indispensable. Pourtant, j’ai une vie très équilibrée parce que dès le départ j’ai compris qu’il faut un minimum de contrôle de ma propre part. »

BL : Bonjour Natascha Pemba. Avant d’entrer dans le vif de cet entretien, dites-nous: « Une chrétienne très engagée qui écrit sur des sujet sensibles qui peuvent fâcher, comment cela est-il perçu? »

NP : La chrétienne très engagée qui écrit… Elle est une personne comme tout le monde. Quand elle a une vocation d’écrivain, elle écrit tout simplement. Moi j’écris depuis toujours, avant même de m’engager en religion. Sur la perception, il semble que cela dépende des réalités et de la culture. Dans mon cas la seule question que m’ont posée les gens était celle de savoir pourquoi je ne me présentais pas comme religieuse. Je réponds toujours que je préfère séparer les domaines pour des raisons personnelles. Surtout parce que religieuse n’est pas une profession ni un métier mais un état de vie assez particulier

BL :  Et comment gérez-vous tous ces regards et ces questionnements au sujet de votre choix d’être écrivaine, une option qui n’est pas très courante ni répandue en Afrique?

NP :  Il y a des réalités que je ne gère pas souvent. Comme les regards des gens. Je fais ce que j’ai à faire quand j’estime être dans le droit chemin.

BL :  Et c’est qui précisément Natascha Pemba? 

NP :  Je suis originaire de Pointe-Noire. Je suis Docteure en philosophie et titulaire d’un PhD de recherche et Doctorat canonique. Je m’intéresse à la philosophie sociale, politique, morale et éthique, histoire des idées politiques. Je suis titulaire de deux Master. Le premier en éthique et le second en Sciences politiques, spécialité Politiques et Sécurité. Je suis aussi spécialiste en spiritualité Thérèsienne ( Thérèse de Lisieux).

BL :  Votre premier recueil de nouvelles porte sur la polygamie et vous le titrez « Polygamiques ». Quelle est l’histoire de ce recueil? Et que cache ce titre « polygamiques »?

NP :  « Polygamiques » est un titre qui s’appuie beaucoup sur l’étymologie du mot lui – même. C’est pour cela qu’il vaut mieux commencer par le lire…

BL :  En tant que femme africaine, que pensez-vous de la polygamie? Est-ce que pour vous un homme a le droit d’avoir plus d’une femme quand au même moment une femme qui commet l’adultère est mal vue ?

NP :  Je n’ai pas de jugement à porter sur la polygamie… c’est un fait déjà. Et c’est aussi lié à certaines réalités.

BL :  À cette ère où les réseaux sociaux font tendance, pensez-vous que la communication en famille est encore chose faisable dans nos maisons quand nous voyons même les parents se prêter à l’attrait des réseaux sociaux?

NP :  Au sujet des réseaux sociaux et des relations familiales, j’ai toujours pensé que c’est une question de contrôle personnel. C’est un peu comme avec l’alcool. Alors si les parents savent poser des limites aux enfants, les réseaux sociaux ne pourront en aucun cas détruire l’espace familial. Je suis très active sur les réseaux sociaux parce que comme écrivaine et actrice culturelle, aujourd’hui c’est presque indispensable. Pourtant, j’ai une vie très équilibrée parce que dès le départ j’ai compris qu’il faut un minimum de contrôle de ma propre part.

BL : Et « le vivre ensemble » dans ce cas, quand l’altérité tend à s’effriter de plus en plus et que la fraternité semble moins réelle que virtuelle?

NP :  Dans mon livre « La place du corps dans l’amitié », je parle beaucoup de l’amitié virtuelle. Elle existe et de plus en plus c’est le mode d’être relationnel actuel… mais c’est comme l’amitié réelle et l’altérité existe aussi car ce n’est ni le virtuel ni le réel qui fait la font advenir, mais c’est notre capacité d’ouverture. C’est vrai que le virtuel éclipse certaines réalités comme le face à face ou la contemplation réelle, mais la relation demeure.

BL :  Dans « Les passants du Québec » le style est moins fluide que dans le précédent recueil. Ici sont au rendez-vous philosophie et métaphysique. Un choix délibéré?

NP : Les passants de Québec… Oui, certains lecteurs m’ont dit que c’était métaphysique. Je me souviens d’ailleurs de mon frère qui m’a dit : « On dirait que c’est Levinas lui-même qui a écrit ce recueil ». J’avais souri… mais j’avoue que si mon but était de dire mon amour pour Québec, il était aussi question de toucher les questions contemporaines comme la laïcité, le féminisme, l’altérité, le racisme, l’homosexualité… bref. J’ai dit tout cela dans le langage philosophique. Cependant le style demeure tout de même fluide…

BL : Comment les lecteurs ont accueilli ce livre?

NP : Les lecteurs du Québec que j’ai pu rencontrer m’ont dit qu’ils ont aimé « Les passants de Québec ». Mes lecteurs hors Québec ont dit préférer « Polygamiques ». Je comprends tout à fait cette divergence de vues : ce n’est pas le même livre et ce ne sont pas les mêmes contextes. « Polygamiques » se passe au Congo et « Les passants de Québec » se passe à Québec…

BL :  Pour forcer la main aux uns et aux autres, des mouvements féministes tels que le « me too » et celui des femmes nues s’enregistrent partout en Europe. Pourtant en Afrique, rien ou quasiment rien. Ne pensez-vous pas que les femmes africaines sont un peu trop passives et résignées face au traitement qui leur est fait ?

NP : Rires… Le féminisme, vous savez ? C’est une question compliquée. Il m’arrive d’ailleurs de la comparer un peu à la démocratie : une réalité importée. Je me définis souvent comme féministe light parce que je pense que pour faire valoir ses droits, on n’a pas besoin de faire du tapage. Et la culture africaine est une culture paisible et posée qui observe et agit. Laisser les seins nus est pour moi tout sauf un avantage pour les femmes. En tant qu’africaine, je répète ce que j’ai toujours dit dans mes articles ou encore dans les interviews : il faut que la femme cesse de dépendre de la poche de l’homme. C’est cela qui l’avilit. Elle doit étudier quand elle le peut ou bien se battre pour être. Dans un contexte de dépendance il ne sera pas possible de parler d’autonomie… Il faut plus que ce que l’on voit aujourd’hui. Le 8 mars les femmes achètent des pagnes et boivent parfois de manière excessive… parce que c’est la fête de la femme… Non. Il faut autre chose.

Dire que les femmes africaines sont passives ou résignées, c’est trop facile et trop englobant. Je pense à Huguette Nganga Massanga féministe congolaise ou encore NDEYE FATOU KANE féministe sénégalaise qui sont le signe qu’il n’y a pas que des passives en Afrique. Et puis il y a Chimamanda Ngozi l’incontournable en la matière. Par ailleurs, en tant que chercheure, je peux vous affirmer qu’il existe des mouvements de réflexions féministes du coté anglophone assez poussés dans la réflexion… Elles sont intellectuelles pas militantes.

BL :  Natacha Pemba, c’est aussi la philosophie politique. Quel est le regard que l’écrivaine philosophe de Pointe-Noire porte sur l’Afrique dite indépendante et démocratique?

NP :  En tant que philosophe politique, je dirai que nous sommes en marche vers la démocratie. Elle n’est pas achevée… nulle part d’ailleurs elle n’est achevée, même pas en France. Elle se fait, se défait et se refait tout en restant fidèle aux principes fondateurs comme la souveraineté du peuple, la liberté et l’égalité. Toutefois en Afrique centrale notamment, je pense que la démocratie n’a jamais eu lieu. Elle a été déclarée ou proclamée, mais elle n’a jamais démarré.

BL :  Si vous deviez résumer la vie? Que répondriez-vous?

NP :  La vie ? Aimer et honorer l’humanité. Je pense que pour moi c’est cela vivre. On ne peut pas vivre sans impacter la vie des autres. On ne peut pas vivre sans aider autrui… On ne peut pas vivre sans aimer.

BL :  L’amitié pour vous, c’est…

NP : L’amitié est l’un de mes sujets favoris… c’est une expérience que je vis tous les jours. C’est un type de relation que je chéris beaucoup. Dans mon livre sur l’amitié, m’inspirant du prologue de saint Jean, j’ai résumé la rencontre de l’amitié en ces termes :

« Au commencement était le regard

Et le regard était avec la présence

Et le regard était présence

Il était au commencement avec la présence

Toute la relation est partie du regard

Après le regard est venue la grâce d’un sourire

Et le sourire était avec le regard

Et le regard était le sourire

Parce qu’il était présence, relation et sourire, le regard est devenu Amitié »

BL :  Si Saint Augustin était Papa Noël, que lui demanderiez-vous?

NP :  Il y a tellement de choses à demander à Papa Noël ou à Saint Augustin… Je ferais comme la petite Thérèse : « Je choisis tout ».

BL :  Vous avez certainement assez de projets littéraires…. A quand votre premier roman?

NP :  J’ai toujours des projets littéraires parce que j’écris toujours. Mon premier roman est en route comme on dit parce que ces choses-là ne dépendent pas toujours de l’écrivain. Il ne suffit pas d’écrire… il faut un éditeur. Ce roman porte sur l’esclavage et la dictature. Mon expérience dans un milieu de travail à Québec m’a aussi inspiré un manuscrit que j’ai commencé sans stress… Je parle des femmes immigrantes au Québec. Sinon comme je suis Philosophe… il y aura de l’alternance aussi parce qu’un Docteur ça produit aussi…

BL : Votre mot de la fin

NP :  Mon mot de la fin c’est : Merci.

 

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