Interview avec Gina de Fanti

Interview avec Gina de Fanti

BL : Bonjour Gina de Fanti. Vous êtes écrivaine togolaise. Vous venez de publier en 2018 chez les Editions Continents votre deuxième roman « Le juste prix ». Veuillez-vous présenter amplement s’il vous plaît.

GF : Bonjour. Merci pour cette opportunité que vous me donnez. Je me nomme Gina de Fanti. Je suis togolaise, née et vivant au Togo. Titulaire d’un diplôme supérieur en Commerce, je travaille dans une société de la place. Passionnée de lecture depuis mon enfance, l’écriture s’en est suivie naturellement. Mon premier roman, « Rose est la couronne d’épines », a été publié en Octobre 2013 chez L‘Harmattan France. « Le juste prix » édité par les éditions Continents à Lomé en 2018 est une nouvelle mouture du premier. « Illusions » paru au dernier trimestre de la même année est mon deuxième ouvrage.

BL : Vous avez obtenu le Diplôme Supérieur en Commerce International. Vous voilà en littérature. Qu’est-ce qui n’a pas bien marché entre temps ? (rire) ? 

GF : Il n’y a pas eu de problème parce que je ne vis pas de l’écriture pour l’instant. (rire)

Je vis de mon diplôme. L’écriture est une passion et je n’en ai pas encore fait un métier. Je trouve que ce n’est pas très évident de vivre de l’écriture sous nos tropiques.

 

 

BL : A quand remonte votre passion pour la l’écriture ?

GF : Je dirai à mon adolescence et de façon très spontanée. Mes premiers manuscrits datent de mes années lycée.

BL: Votre premier roman Rose est la couronne d’épines, a été publié par L’Harmattan en 2013. Mais le second roman, Le juste prix, par une édition locale au Togo ; pourquoi ce choix de « consommer local » ?

GF : Le livre était effectivement méconnu dans mon pays à cause du prix de vente, environ 20 euros. Ce choix de réédition simplement pour rendre l’ouvrage plus accessible aux lecteurs de mon pays le Togo, et quand je dis accessible c’est en termes de prix d’achat et de disponibilité du stock.

BL : Que répondriez-vous à un lecteur, qui, une fois la lecture du roman Le juste prix finie, vous dit : « Ouf ! Avec ce qui est arrivé à Sika, je ne vais jamais aimer » ?

GF : Je dirai à ce lecteur qu’il n’a pas très bien compris l’histoire car Sika a trouvé l’amour, et l’a pleinement vécu à la fin du livre. Je n’ai pas envie de conforter ce lecteur dans sa décision en disant que l’amour est un jeu de hasard ou un jeu dangereux car d’autres diront c’est pile ou face, soit on perd ou on gagne. Mais je souligne dans ce livre que très souvent, le bonheur est juste devant nous, sous notre nez, mais nous nous fatiguons à chercher ça ailleurs.

BL : Où trouvez-vous votre inspiration ?

GF : Je puise mon inspiration dans le quotidien, dans ma vie de tous les jours. Je suis aussi à l’écoute des faits de sociétés. Mais très souvent les idées me viennent pêle-mêle, sans doute de mon inconscient.

BL : Comment les gens vous perçoivent désormais après la sortie de vos écrits ? La sortie de ces deux romans a-t-elle changé quelque chose en vous dans votre quotidien ? Qu’est-ce que cela fait d’être écrivaine au Togo ?

GF : Je ne saurai dire comment les gens me perçoivent depuis la publication de mes livres. Peut-être sont-ils admiratifs ou curieux ? Je ne sais vraiment pas.

Dans mon quotidien, avoir publié des livres n’a pas changé grand-chose, si ce n’est le fait de travailler beaucoup plus afin de faire mieux qu’avant. Je peux juste ajouter qu’avoir publié me pousse à participer un peu plus à la vie littéraire de mon pays, à être plus présente lors des manifestations littéraires.

Etre écrivaine au Togo n’a rien d’extraordinaire, du moins c’est mon point de vue.

 

 

BL : Les belles-mères en Afrique parfois sont « trop envahissantes », selon les femmes au foyer. Que répondez-vous à ces femmes ?

GF : (rire) Envahissantes, ça dépend du point de vue de chaque femme. Je crois que toutes les femmes au foyer, ayant des enfants sont appelées à être belle-mère à leur tour un jour. De ce fait, et les belles-mères et les belles-filles doivent faire des concessions pour un meilleur vivre ensemble.

BL : Pensez-vous réellement que Sika a eu tort de pardonner à son homme et de reprendre la vie avec lui, quand on voit la fin de votre livre ? 

GF : Non pas du tout. Elle n’a pas eu tort de pardonner à Marc. Je l’ai souligné dans le livre, l’amour, le vrai, doit être capable de pardonner. Mais pardonner, à mon avis, ne veut pas dire se faire rabaisser chaque fois, se faire humilier ou vivre un enfer. L’héroïne l’a compris à la fin et elle s’est faite violence pour mettre fin à cette relation.

GF : Amour, haine, mensonge, infidélité, regret, pardon, déception, sont le lot quotidien de vos personnages. Etes-vous d’accord que l’on ne saurait vivre sans cette thématique ?

GF : Oui je suis d’accord, même si le mensonge, l’infidélité et autres ne sont pas souhaitables, on ne saurait vivre sans cette thématique. C’est ce qui met un peu de piment et de sel dans nos vies. Que serait la vie sans l’amour, le regret et le pardon?

BL : Quelle rançon faut-il payer pour mériter le bonheur ? 

GF : Payer une rançon pour mériter le bonheur ? Je ne pense pas. Le bonheur doit être gratuit et accessible à tous. Et je me dis que le bonheur reste personnel. Personne ne peut faire le bonheur de l’autre. Nous sommes les seuls artisans de notre propre bonheur. La rançon à payer serait peut-être d’être capable de créer son propre bonheur.

 

 

BL : « Le juste prix » est destiné en réalité pour qui au juste dans le roman ?

GF : Dans ce roman, je crois que plusieurs personnages ont payé le juste prix où ont été rémunérés à leur juste prix. L’héroïne Sika, pour avoir aimé sans condition, a trouvé le bonheur à la fin du roman. Lucie, l’élément perturbateur en a eu pour son compte. Pareil pour Marc l’infidèle et indécis époux. Les parents de Meredith ont été rétribués à leur juste valeur, l’un pour avoir abandonné son enfant à la naissance et l’autre pour lui avoir menti toute sa vie. Sans oublier la belle-mère aigrie et Malick , amoureux en secret et très patient.

BL : Malgré les efforts considérables que poussent les femmes aujourd’hui en Afrique avec cette émancipation, on constate que les hommes se cachent sous la tradition africaine et ne veulent pas « céder » un peu la place à la femme. Qu’en pensez-vous ? La femme doit-elle faire plus qu’elle n’en fait ?

GF : Les traditions en Afrique ont la peau dure. Sans compter les religions qui enferment encore plus les femmes dans leur rôle de soumission vis-à-vis des hommes. Durant les dernières décennies, la société a consenti beaucoup d’effort à l’égard des femmes mais je crois qu’elles sont condamnées à rester dans leur rôle de femme. Même si elles font plus d’effort, les traditions et les religions sont là pour les juger et les rappeler à l’ordre. Rassurez-vous, je ne suis pas féministe. C’est un constat que j’ai fait et je trouve cette situation injuste.

BL : Entre la femme au foyer et celle dite moderne, où vous situez-vous ?

GF : Je suis une femme moderne au foyer. (rire). J’ai une vie de famille, un mari et des enfants. J’ai une vie professionnelle. En marge de tout ça, je trouve du temps pour mes deux passions que sont la lecture et l’écriture.

BL : Que pensez-vous de la littérature togolaise ?

GF : La littérature togolaise est à un tournant décisif de son histoire, à mon avis. Nous avons aujourd’hui les aînés qui sont toujours très actifs et une pléthore de nouveaux talents dans tous les genres littéraires. Nous disposons aussi de plusieurs maisons d’éditions qui sont au service des auteurs. Ces nouveaux talents ne demandent qu’à être promus. Toutefois, nous devons travailler encore plus et mettre l’accent sur la qualité de nos productions.

 

BL : Que représente l’écriture pour vous ?

GF : L’écriture pour moi est le meilleur moyen d’expression. En dehors du message que j’essaie de faire passer dans mes ouvrages l’écriture me permet de m’évader dans mon monde imaginaire, de manipuler mes personnages comme je le souhaite et de faire rêver ainsi mes lecteurs. Demandez-moi de parler, je ne dirai pas grand-chose mais donner une feuille et un stylo que je m’exprimerai en long et en large.

BL : Être écrivain ou romancière, est-il un métier ou une passion pour vous ?

GF : C’est une passion. Et je crois que ça restera d’abord et avant tout une passion.

BL : Quel est votre genre littéraire préféré en lecture comme en écriture ?

GF : Mon genre littéraire préféré en lecture comme en écriture est le roman, le récit. C’est mon préféré. Cependant ça ne m’empêche pas par moment d’explorer les autres genres comme la poésie ou le théâtre.

 

BL : Comment arrivez-vous à gérer votre travail, vie de couple et l’écriture ?

GF : J’avoue que c’est avec beaucoup de diplomatie que je gère ma vie professionnelle, ma vie de couple et ma passion qu’est l’écriture. Il faut savoir faire la part des choses pour trouver le juste équilibre. Ce n’est pas évident et facile tous les jours mais je m’en sors. Ma passion est très souvent reléguée au dernier plan. L’essentiel c’est d’arriver à trouver le juste milieu.

BL : Avez-vous des projets à court terme, moyen ou long terme ?

GF : Rien que des projets d’écriture et de publications de romans

BL : Votre mot de fin.

GF : Je vous remercie pour cette interview et vous souhaite une très bonne continuation dans vos entreprises. Merci également à tous les lecteurs de Biscottes littéraires.

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