« Le gang des haches »: Le miroir idéal de notre société actuelle

« Le gang des haches »: Le miroir idéal de notre société actuelle

On y va pas par quatre chemins pour décrire la scène d’un crime. Première grande maxime qu’on découvre quand on s’aventure entre ces lignes. L’ annonce du meurtre comme un éclair est vive et lumineuse. C’est tout un dispositif et un vocabulaire de circonstances que nous offrent ces nouvelles policières issues du “Projet Osmose” initié par Martial Tchègnon Kogon. Osmose est un projet d’écriture du polar au Bénin. “Le gang des haches”, titre curieux et violent, est un recueil de dix nouvelles policières de 235 pages publié aux Editions Savane du Continent en Avril 2023.

Lorsqu’on assassine quelqu’un, la course contre la montre démarre car il ne faudrait pas louper le moindre indice menant au coupable. Mais quand le macchabée est un homme blanc, les choses sont envisagées autrement. La nouvelle éponyme nous le démontre aisément dès les premières pages du récit. Le Sherlock Holmes de l’histoire, Segun Da Costa, ne lésine par sur les moyens pour découvrir l’assassin de Monsieur Fournier. Rushdane Chanou, l’auteur de cette nouvelle a fait durer le suspense tant attendu car la fin n’est souvent que le début dans un polar. Il y a souvent un regard qui voit tout, une oreille qui traine un peu trop et un témoin qui finit par parler. Puis des quartiers de Cotonou sont des Far West non déclarés où le sang gicle à souhait. La hache prend le pouvoir avec cette littérature dynamique, imaginative et insolite. Odjéré, semeur de terreur réussit à donner des sueurs froides au lecteur. Quand vient le tour de la nouvelle “Chemsex”, le cocktail devient explosif. Sophonie Kévin Tossou décrit dans sa nouvelle des jeunes qui « se cherchent » par des moyens peu orthodoxes.

Ce recueil de nouvelles est le miroir idéal de notre société actuelle. Le meurtrier n’est pas étranger à la victime et le nerf de la guerre demeure l’argent. Hasard ou présence fatale, la mort va de pair avec l’argent dans le déroulement de ces crimes. Kévin l’aura appris à ses dépens dans “Chemsex”. Sur des notes de musique où la danse n’est pas du tout au rendez-vous, Sessi Amoussou vient faire ”La dernière partition” (titre de sa nouvelle) dans le monde musical. En quittant les quartiers huppés de Cotonou pour Parakou, tout en traversant les plus mal famés, nous atterrissons dans une banque. Le corps inanimé, le cadavre d’un homme est retrouvé et présenté par Tiphaine Houndéton dans “Les billets de sang”. L’enquête mène à l’improbable. Qu’un fils éploré soit soupçonné mais que ce soit un autre fils, beau-fils précisément, qui règle lui-même ses comptes, c’est que la vie est faite par “Le Ying et le Yang”, ainsi que l’indique cette nouvelle d’Anderson Kpèhoumbè. Empreinte de psychologie, “Le Ying et le Yang”est une nouvelle où les réflexions et aspects cérébraux des personnages sont très poussés. Assez poussés pour montrer au lecteur tout ce que le dérèglement mental peut entraîner. L’univers des détectives qui ont pour mission de découvrir l’assassin de la jeune Éloïse est aussi passé au peigne fin. “Trop bonne pour vivre” montre avec nonchalance calculée tout en respectant le suspense due à la nouvelle une scène macabre de pendaison. Mahussi Capo-Chichi dépose nos yeux à Abomey-Calavi. Une femme de ménage très belle fait tourner la tête à tous les hommes de la maisonnée. La suite est glaçante d’effroi. Délagni Elvire Edoh donne pour titre à son œuvre narrative, “Strangulation”. Une victime toute désignée alors que l’assassin court toujours. Ce n’est que par témoignage que la vérité a été connue. Il y a en page 194, la phrase: « Plus ils ont l’air clean, plus ils ont de cadavres dans leurs placards« . Les placards dans la nouvelle “Les briseurs de destinée”de Mouhamadou Kpaka sont souillés par des pulsions ardentes de la chair. Un crime passionnel est vite arrivé dans ce cas précis. Sèdami Kpèssoton a carrément décidé de donner pour titre à sa nouvelle, “Des cadavres dans nos placards”. Un placard est un meuble utile dans une maison et quand il abrite des secrets inavoués, il prend tout son sens dans cette expression. Le meurtre de la femme du commissaire conduit inévitablement à l’urgence de résoudre l’affaire. Dernière nouvelle de cet éventail de scénarii dignes de films policiers: “Jusqu’à ce que la mort nous sépare” de Mellissa Badou. Titre énigmatique. Ce récit renforce l’exhortation selon laquelle ces jeunes plumes talentueuses doivent être lues. Elles nous ont offert le tableau qui fait notre admiration. Le polar a désormais un nom et c’est grâce à elles, ces plumes du polar.

Myrtille Akofa HAHO

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