« (…) je me suis lancé dans le monde éditorial pour apporter ma contribution à la littérature. »

« (…) je me suis lancé dans le monde éditorial pour apporter ma contribution à la littérature. »

BL : Bonjour Monsieur Ghislain. C’est un réel plaisir pour nous de vous recevoir sur notre blog. Vous êtes Béninois, éditeur et amoureux des lettres. Que pouvons-nous savoir davantage sur vous pour être sûr de mieux vous connaître.

GA : Bonjour à vous et à tous les internautes fidèles lecteurs de ce blog. Je suis Ghislain AHOUANSE, co-fondateur et responsable éditorial des Editions Légende. Socio-anthropologue de formation, je suis avant tout un assoiffé de la connaissance, ce qui me condamne à la lecture.

 


BL : Quand on est observateur de la vie littéraire, on a certainement son mot à dire sur l’état de santé du secteur du livre au Bénin, comparé à ce qui se passe ailleurs.
GA : Je crois que le secteur du livre au Bénin a de beaux jours devant lui. Quand on regarde les différentes publications de ces cinq dernières années, on se rend compte que le nombre d’auteurs a explosé. De nouvelles maisons d’éditions émergent également. Une preuve que notre littérature fait peau neuve.
BL : Vous êtes éditeur. Et c’est justement sous cette casquette que nous vous recevons. Comment cette vocation est-elle née ?
GA : Pour être honnête, je ne peux dire que je suis éditeur par vocation. Par amour, peut-être ! Mais une chose est sûre, je me suis lancé dans le monde éditorial pour apporter ma contribution à la littérature. Les critiques verbales sont bonnes. Mais se mettre à l’œuvre pour apporter sa pierre à la construction de l’édifice, c’est encore mieux.
BL : Quelle est la vocation fondamentale que vous assignez aux Editions Légende ?
GA : Puisque le monde et ses cultures sont en perpétuelle mutation, nous nous sommes assigné aux Editions Légende la vocation de constituer un patrimoine artistique et culturel riche à léguer aux générations futures. C’est pour cela que nous publions toutes les littératures du monde qui entrent dans la droite ligne de la promotion des droits de l’Homme et de l’éducation, des humanités et de la protection de l’environnement. Ainsi, nous pourrions atteindre notre but qui se résume à notre devise : le panthéon des cultures !
BL : Quel est le bilan à mi-parcours que vous pourriez faire après ces quelques années dans le monde de l’édition ?
GA : Bientôt deux ans que nous existons. Nous avons publié sept ouvrages de sept auteurs différents. Le bilan est plutôt satisfaisant.
BL : La culture de la lecture disparaît peu à peu avec pour corolaires la baisse drastique du niveau en français. Que faire pour que cette habitude en voie de disparition telle une espèce rare puisse faire son comeback, et, en tant qu’un féru des Belles-lettres, que faites-vous déjà sur le terrain pour que le tir soit un tant soit peu corrigé ?
GA : Personnellement, je ne pense pas que la culture de la lecture disparaît. Je crois au contraire qu’avec la poussée démographique, le nombre de lecteurs a considérablement augmenté. Et pareil pour le nombre de « non-lecteurs ». S’il y a aujourd’hui plus d’écrivains qu’il y a 10 ans, c’est sans doute parce qu’il y a plus de lecteurs. Il suffit de faire un tour dans les centres de documentation tels que les Bibliothèques du réseau du CAEB ou celles de l’Association Bénin Excellence, de jeter un coup d’œil à leurs registres, leurs archives. Les scores sont incroyables.
Mais « tant qu’il reste à faire, rien n’est encore fait ». Et donc pour conquérir le cœur du reste qui ne lit pas encore, il faut multiplier des initiatives de promotion de livres : rapprocher le livre de la cible. Je salue ceux qui font déjà un effort considérable dans ce domaine : PromoLitt dans tout le Bénin, Beninlivres à Porto-Novo, Baudelaire Avenon à Lokossa, etc. Personnellement, aux Editions Légende, nous essayons d’accompagner des initiatives littéraires en faisant participer nos auteurs à des rencontres littéraires.
BL : Qu’est-ce qui selon vous manque à l’actuelle génération d’écrivains d’être autant percutante que celle des Paul Hazoumé, Jean Pliya, Olympe Bhêli-Quenum ?
GA : Pour moi, il y a de très bons auteurs dont les œuvres sont aussi percutantes que celles des aînés dont vous avez cité les noms. Mais la plupart de ceux-ci ne sont pas connus du grand public. Il faut lire « Le Colonel Zibotey » de Houénou Kowanou ou « Blues de boue » de Grégoire Folly pour comprendre qu’il y a de très bons auteurs avec des plumes magiques.

BL : L’une des remarques les plus récurrentes que l’on fait de nos jours aux livres édités sous nos cieux, c’est malheureusement l’aspect des livres que certaines maisons d’édition mettent sur le marché. Vous convenez avec nous qu’il existe sur le marché beaucoup de livres sont mal présentés, aussi bien dans la forme que dans le fond. Voici d’ailleurs ce qu’en dit Daté-Barnabé Akayi : « Quand ils ont la bonne volonté de prendre en charge entièrement le livre, lorsqu’ils (les éditeurs) l’envoient à  l’imprimerie, le livre ne revient pas toujours en de bonne qualité : c’est comme si nos imprimeurs (ou leurs machines) ont une dent pourrie contre l’esthétique du produit physique qu’est le livre. Eh bien, le livre  n’est pas, sur le marché, attirant ! » Que pensez-vous, en tant qu’éditeur, de cette remarque ?

GA : Je pense que cette remarque traduit la réalité de ce que nous vivons ici au Bénin. L’éditeur n’est pas un imprimeur. Et l’imprimeur n’est pas un éditeur. Mais ils font tous partie de la chaîne du livre. Il suffit que l’un d’entre eux passe à côté pour que le produit final qu’est le livre soit de mauvaise qualité physique. Quand l’éditeur envoie sa maquette et que l’imprimeur rogne la marge qu’il ne devrait pas toucher, le livre ne ressemble plus à ce qu’il devrait être.

BL : Toute la faute revient-elle vraiment à l’imprimeur ? Ce dernier est-il aussi comptable des montages affreux, des couvertures où l’on lit difficilement le titre du livre ou le nom de l’auteur et des tonnes de fautes que l’on rencontre dans certains livres ?

GA : Non, l’imprimeur n’est pas toujours le seul fautif. D’ailleurs, l’imprimeur n’est pas le responsable de ses propres erreurs. C’est à l’éditeur qu’on fait tout le procès puisqu’il coordonne toutes les activités entrant dans le compte de l’édition du livre. Les montages mal faits et les couvertures moins agréables sont, par exemple l’œuvre, de l’infographiste et du graphiste. Mais ceux-ci travaillent sous la supervision de l’éditeur. Pour ce qui est des fautes, l’éditeur est toujours responsable, car, la correction du manuscrit est dans son cahier de charge.

BL : Nous allons rebondir sur la question: Entre l’auteur et l’éditeur, qui est vraiment comptable des fautes qui subsistent dans le livre publié étant attendu que le travail de l’auteur finit dès qu’il a soumis son manuscrit et qu’il l’a retravaillé sur instruction de l’éditeur qui, de concert avec son équipe, doit épurer le manuscrit et publier un texte propre?

GA : L’éditeur et l’auteur sont tous deux coupables. Si l’éditeur est le principal coupable, l’auteur est son complice. Car, il a donné son « Bon A Tirer » sans s’assurer que l’éditeur a fait le nécessaire pour éliminer les fautes.

BL : Est-ce méchant de dire que le livre au Bénin est à l’image des maisons d’édition qui ne prennent pas toujours le temps d’accompagner l’écrivain afin qu’il réécrive son manuscrit, ou qui publient le manuscrit dès que l’auteur paie la facture à lui adressée par l’éditeur ?

GA : Il faut travailler avec mon équipe pour comprendre qu’il n’y a pas de manuscrit abouti a priori. Le comité de lecture des Editions Légende exige la plupart du temps de l’auteur qu’il réécrive certaines parties de son texte. D’ailleurs, nous n’acceptons véritablement aucun manuscrit avant de nous assurer que l’auteur a fait ce qu’il faut pour porter le titre d’écrivain.

BL : Pensez-vous que les éditeurs béninois aident vraiment les auteurs en ce qui concerne la promotion et la visibilité ?

GA : Bien sûr que oui. Les Editions Beninlivres par exemple font assez de communication autour des œuvres qu’elles publient. De notre côté, nous essayons également de faire passer nos auteurs sur des plateaux de télévision, sur des chaînes radio, des blogs et même dans des centres de documentation.

BL : Comment pensez-vous donner au livre sa place dans l’univers qui est le nôtre aujourd’hui?

GA : Je dirai, d’abord, en rendant disponibles ici au Bénin les livres des auteurs béninois. Puisque pour donner une place au livre, il faudrait d’abord que le livre soit disponible et accessible. Ensuite, accompagner le livre et son auteur afin de toucher la cible. Et les promoteurs littéraires, le lectorat feront le reste.

BL : Éditeur, vous avez certainement votre mot à dire sur les différents contrats d’édition…

GA : Tous les types de contrat existent ici au Bénin. Contrairement à ce que certaines personnes peuvent croire, il y a des éditeurs béninois qui font des publications à compte d’éditeur. Nous avons plus de titres à compte d’éditeur que de titres à compte d’auteur dans nous notre catalogue. Et même pour ceux qui sont à compte d’auteur, ce sont les auteurs qui choisissent cette option.

BL : Que pensez-vous essentiellement de l’autoédition?

GA : Tous les auteurs méritent d’être lus. Je ne peux donc condamner un auteur qui s’autoédite après plusieurs tentatives chez des éditeurs qui estiment que le manuscrit n’entre pas dans leurs lignes éditoriales.

BL : La littérature jeunesse peine à s’imposer sur le marché local. Cette assertion est-celle juste ? Si oui, qu’est-ce qui l’explique selon vous?

GA : Non, je ne pense pas que la littérature jeunesse peine à s’imposer sur le marché local. Je le dis parce que j’ai publié des titres de jeunesse qui n’ont rencontré aucune difficulté sur le marché.

BL : A quoi un auteur doit-il s’attendre lorsqu’il soumet son manuscrit aux Editions Légende ?

GA : A toutes les éventualités. Un refus comme une acceptation. Mais dans l’un ou l’autre des cas, notre comité lui adresse des critiques constructives afin de lui permettre d’améliorer la qualité de son manuscrit.

BL : Quels sont vos projets à court et moyen termes?

GA : A court terme, nous voudrions organiser une résidence d’écriture pour accompagner quelques auteurs à travailler sur leurs projets d’écriture. A long terme, nous créerons un prix littéraire pour récompenser la création des auteurs.

BL : Votre mot de la fin

GA : Je tiens à remercier toute l’équipe de Biscottes Littéraires pour ce qu’elle fait pour la promotion de la littérature. Je remercie également toute l’équipe des Editions Légende.

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