Le prix de la foutaise, Kouassi Claude OBOE

Le prix de la foutaise, Kouassi Claude OBOE

Mon conte vole, vole, survole monts et vallées et tombe dans un royaume. C’était au temps où les hommes et les animaux parlaient encore. Il y avait un roi très méchant qui était craint de ses sujets. Tous ceux qui ont osé le contredire ont été purement et simplement décapités. Il avait une fille qui était en âge de se marier. Malgré tous les prétendants venus demander la main de la princesse, le roi n’exauça aucun d’eux, même pas Noukoudjin, un jeune homme que la princesse avait choisi. Le langage du roi était : ma fille n’est pas épousable. Des années passaient et la fille devenait chaque jour un peu plus vieille. Elle avait vingt-deux ans. Mais un beau jour, le roi convoqua tous les habitants de son royaume et promit de donner la main de sa fille à celui qui, à travers un grand exploit réussira à l’émerveiller.

Tous les prétendants se mirent au travail. Des heures passèrent, des jours passèrent. Deux semaines après l’annonce, les candidats, au nombre de quatre, vinrent présenter au roi devant tout le monde le fruit de leur travail en l’espace de deux minutes. Le premier devant tout le peuple et devant le roi, un cinquantenaire expliqua comment il a réussi à tuer un serpent avec à main nue. On l’applaudit. Le second, un octogénaire, dans une démonstration spectaculaire, montra les blessures qui sont restées sur son corps parce qu’il s’était battu avec un grand léopard en ayant en main seulement un couteau gros comme son pouce. Des applaudissements fusèrent encore. Le troisième, un septuagénaire apprit à tout le monde qu’il était resté durant tout ce temps sans dormir. Dans le public, chacun commenta les actions des uns et des autres des prétendants. Le roi, imperturbable dans son boubou doré, analysait les témoignages de ses probables gendres. Vint le tour du dernier, Noukoudjin, un jeune homme d’à peine trente ans. Il se mit devant tout le monde. Durant les deux minutes, il ne dit rien. Il regardait tout le monde et tout le monde le regardait. Et c’est au bout de ses deux minutes qu’il dit : « moi, durant ces deux semaines, je n’ai rien fait. J’ai passé mon temps à faire ce que je sais faire le mieux : être moi-même. Si le roi veut la paix dans ce royaume, il doit laisser la princesse elle-même choisir son mari. Si je suis devant vous aujourd’hui, c’est pour vous dire que je ne suis pas d’accord avec la décision du roi et je n’ai pas peur qu’après avoir parlé, il me tue. Je serai mort au moins par amour ».

Le roi s’emporta, rentra dans son palais, réfléchit et vint quelques minutes plus tard pour donner son verdict. Tout le monde savait que Noukoudjin ne verra point la nuit le soir-là, car de mémoire d’hommes, toutes les personnes qui avaient défié le roi avaient été tuées. Le roi jugea crédibles les propos du jeune homme et balaya du revers de la main les témoignages des trois premiers prétendants car c’était sans preuve. Il expliqua qu’il avait besoin dans son royaume de jeunes valeureux et qui peuvent oser. Il savait ce qui l’attendait en défiant le roi, et pourtant, il a osé.

Le roi donna sa fille en mariage à Noukoudjin. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

Kouassi Claude OBOE

3 comments

La foutaise, l’aise du fou? Dites-nous, cher Claude, comment s’étaient sentis les deux trois premiers prétendants qui, à mon avis, ont été les plus valeureux.

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