Il était une fois un grand et puissant roi du nom de ADANDÉ, un redoutable guerrier, un conquérant craint par-delà les terres de son royaume. Sa science de la guerre et son habileté au combat étaient sans égal. A la tête de son armée, il avait défait tant de rois, réduit en esclavage des peuples entiers dont les plus belles femmes venaient fleurir son arène.
Une fois passée l’ivresse de chaque bataille remportée, sa soif de gloire et de sang ne s’en trouvaient que décuplés. Mais voilà : il y avait de moins en moins de royaumes et d’empires qui n’avaient déjà connu la fureur de ses cavaliers. Comme il fallait à ADANDÉ trouver à tout prix de nouvelles terres pour y mener bataille, il fit venir le plus ancien des sages de son royaume. Ce dernier ayant voyagé à travers le monde, traversé monts et vallées, ADANDÉ était certain qu’il saurait lui suggérer une nouvelle contrée à conquérir. Mais à la question, le sage se contenta de répondre :
Mon roi, vous aurez beau conquérir la Terre entière, il y a une minuscule parcelle, plus près de vous que vous ne le pensiez. Tant que vous ne l’aurez dominée, jamais votre soif ne sera assouvie. ».
ADANDÉ peu satisfait des propos de son conseiller était quand même conforté dans l’idée que de nouvelles conquêtes étaient envisageables. Il emmena son armée au-delà du désert, et y fit la guerre avec des peuples qu’il n’avait jamais croisés de toute sa vie.
ADANDÉ sortit victorieux de cette longue et meurtrière campagne militaire mais de retour à son palais, le feu qu’il croyait s’apaiser était toujours aussi ardent. Il fit à nouveau appelerle vieux sage qui se contenta de lui répéter encore :
Mon roi, il y a une minuscule terre qui tant que vous ne l’aurez dominée, vous aurez beau conquis la Terre entière, jamais votre soif ne sera assouvie.
Toujours aussi insatisfait des propos du sage, ADANDÉ érigea cette fois comme cible les civilisations de l’autre côté de l’océan. A bord de centaines de bateaux, il partit par-delà les mers, dicter sa loi aux habitants de vastes prairies dont les richesses étaient sans pareil.
Il fut accueilli triomphalement à son retour mais la fierté inhérente à cette victoire avait déjà tôt fait de s’évaporer. Sans même aller à son palais, la demeure du vieux sage fut la première concession dont il fut l’hôte. A son questionnement, le vieil homme n’eut pour seule parole que de lui répéter son habituelle phrase. Le vieillard termina à peine, quand pris d’une colère noire, ADANDÉ se jeta sur lui et de toutes ses forces le secoua. Vu l’âge avancé du vieillard, ce dernier succomba à la bousculade.
Son titre de roi fit que ADANDÉ n’eût de compte à rendre à personne, mais au fond de lui, il ne pouvait se pardonner d’avoir mis à mort son meilleur conseiller. Pris de remords, il se refugia dans sa chambre d’où il ne sortait plus. Il ne recevait plus de visite et ne gérait donc plus les affaires du royaume. Les rebellions se multiplièrent à travers les provinces. Ses généraux inquiets du sort du royaume et de la perte de leurs privilèges, le destituèrent, et le jetèrent en prison. Son frère, TCHATCHA, fut intronisé à sa place. Ce dernier, dès sa prise de pouvoir, fit mis à mort les généraux et les membres de la famille royale les plus influents afin de pouvoir gouverner sans partage. Il installa alors un règne de terreur et multiplia les conquêtes.
ADANDÉ du fond de sa cellule eut le temps de découvrir les conditions de vie misérables des nombreux prisonniers de ses conquêtes. Il put voir le quotidien difficile et précaire de ses anciens sujets. Les moments de solitude auxquels il fut contraint, furent pour lui des instants de réflexion et surtout de silence où peu à peu, sa rancœur, sa soif de vengeance et de prestige laissèrent progressivement place à des sentiments de compassion. Désormais, son cœur était rempli de bienveillances. Il comprit alors que nul bonheur n’est accessible en premier qu’à celui qui se l’est créé. Il put découvrir cette minuscule terre dont lui avait parlé le vieillard jusqu’à son dernier souffle.
Malgré sa déchéance, il s’attira la sympathie des geôliers avec qui il partageait son quotidien qui l’informaient de la tyrannie de son frère et ceux-ci répandaient sa profonde transformation à l’extérieur.
Lui, qui avait jadis conquis par le sang, commençait à conquérir progressivement les cœurs. Sa réputation, non plus de guerrier mais d’homme de paix et de sagesse s’étendait peu à peu à tout le royaume et aux confins les plus lointains.
Voyant grandir sa renommée, TCHATCHA, le considérait désormais comme une menace pour son trône. Il décida alors de lui ôter la vie. Mais les généraux fatigués de la tyrannie de TCHATCHA, lui fit à son tour un coup d’état et intronisèrent à nouveau ADANDÉ.
Ce dernier comme première décision ordonna d’épargner la vie de son frère et de l’isoler simplement dans l’une des concessions du palais. Il libéra tous les prisonniers de guerre, donna l’autonomie aux provinces et envoya des messages de paix et d’amitié à tous les royaumes environnants. ADANDÉ fit de son royaume jusqu’au dernier jour de son règne, une terre de paix et son nom résonna à jamais comme un symbole de sagesse et de tolérance.
Gildas Théodore ZINKPE