« Les frasques d’Ebinto » : un déluge d’émotions fortes, un roman exceptionnel…

« Les frasques d’Ebinto » : un déluge d’émotions fortes, un roman exceptionnel…

Bonjour les amis. Nous sommes à l’avant-dernier acte des chroniques littéraires sur ce blog, pour le compte du mois de mars. Et avant de mettre un terme à cette aventure littéraire mensuelle, il me plait de partager avec vous les sentiments et les émotions que m’a procuré ce livre que vous connaissez certainement tous bien: « Les frasques d’Ebinto » (Hatier 1980, Collection Monde noir poche). Comme vous le savez, ce roman est écrit par Amadou Koné. Je puis vous assurer que ce livre est un chef-d’œuvre, un récit à la fois palpitant et fascinant, rédigé par un jeune de dix-huit ans. On pourra alors affirmer sans risquer de se tromper que  « Les frasques d’Ebinto » est  le roman qui a mis sur la scène de la littérature ivoirienne un jeune adolescent, rare talent doté d’une maturité linguistique et stylistique incontestable. Revenons au livre. De quoi parle-t-il, en réalité?

« Les frasques d’Ebinto », c’est l’histoire d’un jeune lycéen intelligent et brillant, Ebinto, issu d’une famille très pauvre, qui menait une vie simple, joyeuse. Conscient que son succès serait une récompense précieuse pour sa mère et ses sacrifices consentis, Ebinto Manzan travaillait tout comme si tout dépendait de lui. Mais Ebinto avait un défaut majeur: c’était un rêveur. Il manquait de réalisme et se berçait d’illusions. Il eut une idylle amoureuse avec sa meilleure amie Monique. 《Ce soir-là, j’ai trouvé mon amie belle et désirable. Oh, Monique, j’avais eu envie de toi. Nous avions vécu une nuit de bonheur profond.》Une nuit de bonheur profond qui deviendra une nuit de malheur éternel. Monique lui vouait un amour profond. Mais cet amour n’était pas réciproque car Ebinto, lui, était amoureux de Murielle, sa camarade de classe. Alors qu’il s’y attendait le moins, il doit prendre ses responsabilités lorsque sa compagne d’une nuit lui annonça qu’elle porte le fruit de leur idylle nocturne. Ebinto reçut un coup de massue sur la tête. Obligé par les circonstances, les menaces du père de Monique et de sa propre mère, il dût arrêter ses précieuses études pour se marier avec Monique : 《 Je n’en veux pas à ma mère mais j’en ai après ma femme. Elle a détruit mes rêves.》Ebinto devient un homme méprisable, un être aigri. Cruel et inhumain envers sa femme qui était devenue son souffre douleur, il la détestait de toute son âme : »Moi Ebinto, brillant élève de Bassam. Moi dont les professeurs parlaient, et à qui ils prévoyaient un avenir assuré, je n’en venais pas d’en être réduit à ce stade par un caprice du destin. Une nuit, une seule nuit, par le bonheur d’un jeune gens innocent, et toute une vie d’enfer. »

L’auteur le présente dans son récit comme un mari irresponsable, inconscient, un diable hautain. Diablotin et aveuglé, son pardon n’advint que tard, trop tard certainement…

Le tragique, la pitié, la méchanceté gratuite, le désir, la souffrance, la désillusion, la valeur du travail, et l’amour surtout sont au cœur de ce roman. Roman d’amour, d’adolescence, « Les frasques d’Ebinto » éveille l’esprit, entraîne des réflexions et donne le tournis. Roman fascinant, émouvant, qu’on l’admette ou non, « Les frasques d’Ebinto »  a indubitablement marqué et marquera la vie des adolescents et même des adultes. J’ai aimé  et j’aime toujours ce livre. Comment ne pas couler des larmes quand on voit au nom de l’amour toutes les souffrances endurées par  Monique? Quel crime a-t-elle commis ? Aimer Ebinto? De toute évidence, elle l’a aimé jusqu’à la mort Ebinto, son âme sœur. « Les frasques d’Ebinto » est un roman d’apprentissage, qui donne des leçons de morales. L’essentiel c’est d’aimer sans condition et sans faille. Mais l’amour seul ne suffit; il est nécessaire d’y ajouter aussi la raison : « Il m’apparut que très souvent, on ne découvre dans son cœur l’importance d’une personne que quand on l’a perdue.  Après Monique, il y avait ma mère, certes ; mes frères aussi. Mais  ma mère ne pouvait pas remplir le vide laissé par Monique. Personne n’était capable de combler ce vide. »  Ce roman m’a marqué et doit attirer notre attention sur le fait que nous devrions être prudents, conscients, responsables, matures dans tout ce que nous faisons. Un seul geste, un seul mot, « une seule nuit », une seule erreur  peut anéantir, bouleverser toute une vie. Il n’y a rien de plus tragique que la vie d’une personne ambitieuse et sérieuse subitement brisée par un caprice, une faiblesse. Tout écart dans le planning  de ses objectifs se paie automatiquement et conduit à des conséquences tragiques voire dramatiques. Quand on n’a pas d’argent, on ne parle pas de libido. Oui, il est vrai que c’est un besoin naturel mais ce besoin peut devenir une charge éternelle. Ce que nous retenons c’est que la sensibilité et les rêves construisent une prison dans laquelle nous perdons la raison et la direction et que le travail a un pouvoir libératoire. Mais malgré tout, il est bien de reconnaître l’importance de l’autre de peur de croupir dans des regrets qui peut-être ne finiront jamais: « L’enfer que j’ai vécu ne serait qu’un simple paradis si j’avais estimé Monique à sa juste valeur. »  « Les frasques d’Ebinto » sont un déluge d’émotions fortes, un roman exceptionnel…  Mais une question taraude l’esprit du lecteur: est-ce une œuvre autobiographique d’Amadou  Koné ?

Jospin YEDJENOU

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