L’homme d’affaire (2/5)

L’homme d’affaire (2/5)

Richard n’en croyait pas ses yeux. Une grande société chinoise qui a fait des affaires un peu partout, du moins sur le papier!!! Une telle société qui s’intéresse à lui? Voilà un chou gras qui ne saurait offusquer personne. Sans consulter le Conseil d’Administration, Richard accepta et signa tous les papiers. Le représentant, avant de partir, alla encore vers le tableau, le fixa, l’ausculta puis ajouta :

– Finalement, je pense que n’importe qui aurait aimé avoir dans son bureau ce tableau. Tout est donc permis, conclut-il.

Richard ne comprit pas tout de suite cet intérêt soudain qu’eut le visiteur pour son tableau, il était trop préoccupé par l’affaire qu’il venait fraîchement de conclure. Il se dirigea au comptoir après le départ de Zolémin et demanda à sa secrétaire de faire sortir un vin de la cave qu’il a installée au service. Ils burent tous deux et fêtèrent cette sublimissime réussite. Le soir même, la fête se termina dans une chambre d’hôtel après un passage dans une boîte de nuit très prisée de Cotonou, où se rendent vieux et vieilles à la recherche d’une seconde jeunesse, des jeunes à la recherche d’une confirmation d’identité perdue, et quelques adolescents, que leurs corpos trahissent, à la recherche d’une maturité précoce.

Les jours qui ont suivi cet accord, Richard prit à bras le corps cette affaire, dépensa et se dépensa. Dans l’accord, il enverrait ce qui lui revenait et la société ferait le reste. Comment pouvait-il se douter un seul instant qu’il y avait anguille sous roche ? N’était-il pas écrit noir sur blanc que c’était un accord valable et qu’il pouvait l’exhiber partout où besoin sera ? Chaque fois qu’il envoyait l’argent, il recevait une confirmation de la part de la société et de la banque chinoise.

Mais coup de tonnerre. Trois mois plus tard, ayant envoyé la totalité de son argent, il constata en consultant le compte, que non seulement plus rien n’y était, mais encore et surtout, tous les numéros, les adresses mails et autres données s’étaient volatilisés purement et simplement comme s’ils n’avaient jamais existé. Après moult tentatives, Richard n’obtient rien. Rien. Il rechercha le salaud qui l’avait convaincu pour l’accuser. Mais plus il cherchait dans sa tête, plus il se rendait compte que c’était lui-même. Il ne réussit jamais à se le pardonner. Plus de 850.000.000 million de francs CFA envolés. Et sans trace. Tous les papiers et autres reçus tenus ne servaient plus, car impossible de les tracer. C’est juste que du papier. Pur papier, comme ceux qu’utilisent les bonnes dames aux abords des voies en vendant des beignets et autres ignames frites. Il aurait voulu les leur donner pour oublier cet épisode, mais il les gardait sans savoir au juste pourquoi.

Voilà près d’un an que Richard était en faillite avec son cabinet, ou presque. Il avait donc traité d’une affaire sérieuse –du moins, le croyait-il –  avec une société chinoise. Malheureusement, cette affaire ne fut pas concluante. Il avait été purement et simplement arnaqué puisqu’ayant donné sa part, le son soi-disant représentant du groupe chinois avait fui avec la totalité de la somme. Toutes les recherches avec le concours de la police pour le retrouver furent vaines.

Depuis, le poids était lourd. Les  conséquences très graves. Sa femme Akwavi, avec qui il était marié depuis plus de dix ans, ne faisait pas grand-chose comme travail. Elle fut secrétaire de direction dans une société, mais très vite, abandonna car ne supportant pas la pression. Son patron était trop gros et très vilain pour lui donner des ordres ; les employés n’étaient pas du tout aimables, et pire, les chefs de sécurité de la société n’étaient pas alphabètes. Elle ne peut donc supporter autant d’humiliation. Elle le fit savoir à son mari, qui, ne réussit point avec l’aide de ses amis, à la dissuader d’abandonner.

  • Le temps est dur pour trouver du travail, et un bon travail, lui dit son mari, excédé.
  • Ecoute chéri, je ne peux pas m’abaisser et regarder cet homme, qui est mon patron et qui n’a que le bac me donner des ordres.
  • Comment ?, lui dit Richard.
  • Oui, tu as bien écouté. Il n’est pas comme toi. Lui, il n’a même pas fait les études universitaires ; il n’a pas eu sa maîtrise ; il n’a pas poursuivi les études ; il n’a jamais été major de sa promotion, et, tu sais quoi encore?, il a une belle femme, trop belle pour elle. Elle habite une belle villa, roule dans une grande Mercédès Benz, va dans les salons de pédicure-manucure deux fois par semaine. Se faire chercher par lui, à circuler en sa compagnie bras dessus bras dessous, au vu et au su de tout le monde. Les femmes, je ne les comprends même pas. Comment une femme si belle et élégante comme Doriane, la femme de mon patron puisse s’attacher à un homme, de surcroît, un ivrogne comme cet ….
  • Arrête. C’est de ton patron tu me parles, et c’est un homme. Il n’a pas que le bac, c’est vrai. Il est vilain, c’est vrai. Tu as même oublié, il est aussi alcoolique. Mais dis-moi, en quoi tout cela te dérange ? Tu es là pour travailler, faire ce qu’il te demande et percevoir ton salaire à la fin du mois. Un salaire que tu ne mérites même pas, puisque tu es surpayée. Alors, ne viens pas te plaindre, à moins qu’il y ait quelque chose que je ne maîtrise pas ou que je ne sais pas.
  • Pardon ?
  • Oui, à t’entendre, on dirait que… tu es jalouse.
  • Moi, jalouse ? De qui ? Pourquoi ?
  • C’est ce que je voudrais bien que tu m’expliques, parce que je ne comprends pas ce dédain que tu as pour lui, à moins que cela ne soit de l’amour.

De l’amour ? Tu rigoles j’espère. Je suis contre ces hommes qui ne font pas assez d’études et qui gagnent suffisamment leur vie. C’est encourager la paresse scolaire et montrer à tout le monde qu’on peut ne pas évoluer à l’école, ou qu’on peut abandonner et devenir riche.

A suivre.

Claude K. OBOE.

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