« L’homme doit se soumettre pour s’émanciper » Khouma

« L’homme doit se soumettre pour s’émanciper » Khouma

 » Je suis quand même un fervent défenseur de la femme car je trouve que cette être est dévalorisée, marginalisée et reléguée au second plan. Ma littérature est féminine, j’écris pour la femme. Je la défends contre le côté bestial de l’humain et l’injustice sociale », Khouma.

BL : Bonjour monsieur Khouma. Ravis de vous recevoir sur notre blog. Pouvez-vous présenter, s’il vous plaît ?

Khouma : Bonjour, ravi d’être reçu et merci de m’avoir accordé cette tribune. Pour répondre à votre question, je ne saurais quoi dire car je me suis toujours méfié de cet exercice de présentation. Il est un peu dangereux de parler de soi, vous en conviendrez. N’empêche, pour me présenter, je dirais que je suis un étudiant en L3 au Maroc et jeune apprenti écrivain sénégalais. Je crois que ça suffira (rire).

BL : Quel est votre rapport avec l’écriture ?

Khouma : C’est un rapport de servitude, l’écriture me mène par le bout du nez. J’écris depuis que j’ai su écrire et la passion m’est venue naturellement. Des fois, quand je relis mes premiers écrits, je ne peux pas m’empêcher de rigoler en raison de l’incohérence et de l’impertinence dont je faisais preuve.

BL : Vous venez de publier Phoenix. Comment vous est venue l’idée de ce roman ?

Khouma : L’idée m’est venue d’une manière que je ne saurais expliquer, les premiers mots ont été comme une révélation en moi. Et c’est après que ces premiers mots ont commencé à germer en moi, que l’idée principale, la trame de fond, m’est apparue à la suite de la lecture d’un roman à savoir Les impatientes  de Djaïli Amadou Amal. J’ai entamé l’écriture avant même d’avoir le thème principal.

BL : Vous avez certainement un amour particulier pour cet oiseau dont le nom a servi de titre pour votre roman. Que cachez-vous derrière cette métaphore ? 

Khouma : En effet, j’ai un amour particulier avec cet oiseau en raison de ce qu’il représente. C’est un oiseau légendaire, doué d’une grande longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s’être consumé dans les flammes. Il symbolise ainsi les cycles de mort et de résurrection. Sur ce, je cache derrière cette métaphore l’idée de renaissance, de résurrection et de réinvention et de réincarnation de la société, de la femme… de l’humain de manière générale.

BL : Le thème de la femme est bien présent dans votre livre.  Ne seriez-vous pas  féministe ?

Khouma : (Rire) J’ai dû répondre à cette question je ne sais combien de fois, mais elle est légitime quand même vu les thèmes abordés dans le livre. Pour revenir à la question, NON, je ne suis pas féministe. Le concept même de féminisme me pose problème même si je suis parfaitement en phase avec certaines de leurs revendications. Je suis quand même un fervent défenseur de la femme car je trouve que cette être est dévalorisée, marginalisée et reléguée au second plan. Ma littérature est féminine, j’écris pour la femme. Je la défends contre le côté bestial de l’humain et l’injustice sociale.

BL : Vous abordez aussi les réalités du viol et de l’excision, pratiques qui subsistent malgré les lois votées pour en punir les auteurs. Que voulez-vous exprimer au-delà de la  dénonciation ?

Khouma : D’abord, ce sont des pratiques moralement répréhensibles, religieusement condamnées (sauf l’excision qui est subordonnée à des conditions), pénalement réprimées. Ce sont toutes les deux des atteintes à la dignité et à l’intégrité du corps de la femme. Au-delà de cette dénonciation, j’essaie de montrer comment l’homme peut être cruel, bestial, figé dans des traditions caduques et consommateur aveugle. L’idée de renaissance qu’exprime le titre revient ici : la société et l’homme doivent se réincarner et renaître de leurs cendres !

BL : On ne saurait fermer ce livre sans penser aux enfants taalibe. De quoi s’agit-il en réalité et pourquoi cette situation perdure-t-elle?

Khouma  : La question des enfants de la rue est une réalité amère dans nos sociétés. Ils errent dans les rues en quête de pitances, sans rempart, cibles faciles, portant des haillons, pieds nus et à la merci des dangers et des tentations. Cette situation perdure à cause d’un manque de politiques structurelles et organisationnelles des écoles coraniques, les moderniser et mettre au même pied d’égalité les deux enseignements : moderne et coranique.

BL : Veuillez nous parler du processus ayant conduit à la publication de votre livre… Vos joies, vos peines, vos regrets…

Khouma : Le processus était rigoureux. Après avoir fini l’écriture, je l’ai soumis à des professeurs, des grand-frères de plumes et des amis pour recueillir leurs avis et leurs impressions. C’était pour avoir un regard extérieur. Cela a permis d’avoir un aperçu des failles et des insuffisances pour ainsi opérer une réécriture corrective et perfectionniste. Puis quand il est venu l’heure de le soumettre à une maison d’édition, le grand obstacle financier s’est posé. J’ai interpellé trois maisons d’édition dont l’Harmattan, qui ont toutes répondu favorablement d’ailleurs, mais ce sont les frais d’édition qui posaient problème. C’est deux mois après la fin de la rédaction que j’ai pu trouver une maison d’édition, en l’occurrence Artige, correspondant un peu à aux moyens du bord.

BL : Etre jeune écrivain dans le Sénégal de Senghor et de Cheikh Ana Diop, à quoi ceci engage-t-il concrètement ?

Khouma : C’est une très grande responsabilité, le Sénégal est un pays de de livre et d’écriture. y être écrivain, c’est être héritier de ces grandes figures africaines et ça oblige à être à la hauteur. C’est une pression énorme concrètement, et ça fait flipper (rire).

BL : C’est quoi pour vous un écrivain engagé ?

Khouma : Etre écrivain engagé, c’est être le sabre et le boulier de son peuple. Dans les lignes de l’écrivain engagé, tout le monde doit pouvoir s’y retrouver.

BL : Que pensez-vous de la  place de la femme dans la société actuelle ? Sommes-nous loin des clichés?

Khouma : La femme est loin d’avoir la place qui lui revient de droit dans la société. Le rôle de ménagère qui lui est cantonnée est un blasphème, elle a des capacités hors normes qui peuvent servir lors du cocon familial. Nos sociétés sont quelque peu phallocratiques, patriarcales voire même misogynes ; c’est la triste vérité. On dit que l’avenir appartient aux jeunes, mais moi je dirais que le salut de nos pays est entre les mains des femmes.

BL : La religion et ses travers, on peut le soupçonner dans votre livre. L’homme doit-il être soumis aux prescriptions religieuses ou s’en passer? Mais alors, comment peut-il être fidèle au Créateur s’il ne passe par la case religion?

Khouma : Soit les textes religieux sont mal compris, soit les hommes en font une interprétation biaisée. L’homme a besoin de la religion pour se découvrir et s’accomplir, ses prescriptions définissent les limites et éclairent la vue. Etre fidèle au créateur, c’est vivre la religion. L’homme doit se soumettre pour s’émanciper, ça peut paraître paradoxal mais faut le vivre pour le comprendre.

BL : Qu’est-ce que votre littérature apporte concrètement au débat de l’homme aux prises avec la société qu’il entend servir mais qui en retour semble l’asservir ?

Khouma : Ma littérature tient à mettre la société face à ses maux et imperfections, libérer l’homme des chaînes et des griffes cette société liberticide. Cette dernière a des normes, certes, mais celles-ci ne sont pas impératives. Je m’efforce de faire comprendre à l’homme que son émancipation prime sur les règles de la société, je ne prêche pas l’anarchie mais l’affirmation de soi. Vous avez raison d’affirmer la société l’asservit, c’est très vrai. L’homme est comme un lion en cage, pour reprendre le titre du roman de Ndeye Marie Aïda Nieguenne, dans la société.

BL : Qu’est-ce qui manque, selon vous, aux lois en vigueur, pour que les travers dénoncés dans votre livre soient corrigés ?

Khouma : Ce qui manque, ou ce qui rend les choses compliquées plutôt, c’est la nature humaine. Il faut arriver à la dompter, ce qui est un sacré pari!

BL : La politique du livre et de l’édition au Sénégal. Parlons-en.

Khouma : Très difficile, se faire publier au Sénégal est un parcours de combattant. Bon nombre de jeunes écrivains abandonnent faute de moyens de se faire publier, l’aspect financier freine les élans. Le ministère de la culture et la direction des livres ont du pain sur la palanche sur côté.

BL : Comment peut-on se procurer votre livre ?

Khouma : Il est disponible sur commande.

BL : Quels sont vos projets  en littérature ?

Khouma :Je me réserve d’autres productions à l’avenir inchallah, j’ai déjà un recueil de poèmes à mon actif et autre roman qui est en gestation. J’écrirai peut-être, qui sait, des essaies, nouvelles ou même ferais du théâtre ; l’envie ne manque. Ma vie, c’est écrire !

BL : votre mot de fin

Khouma : Merci à vous pour l’invitation. Je tiens aussi à remercier mes lecteurs pour l’intérêt et l’accueil chaleureux réservé à mon livre, je ne m’y attendais pas vraiment. Je leur donne rendez-vous bientôt pour le prochain roman…

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