André-Marie GBENOU : « Il faut écrire pour qu’il y ait de la lecture. »

André-Marie GBENOU : « Il faut écrire pour qu’il y ait de la lecture. »

« Je suis l’un des auteurs aimant le plus la femme. J’adore la femme et mes lecteurs (…) peuvent en témoigner…  » André-Marie GBENOU

BL : Bonjour André-Marie GBENOU. Merci de nous accorder cette interview. Veuillez vous présenter.

AMG : Bonjour Biscottes littéraires. Je vous remercie de l’honneur que vous me faites en me recevant dans vos lignes. Les yeux et les écrits sont braqués sur moi : je me sens bien important. Rires ! Je suis ravi et je saisis d’ailleurs l’occasion pour vous dire mes belles appréciations sur votre blog. Je le trouve non seulement intéressant mais aussi très utile pour la promotion de la littérature. Je vous encourage et vous félicite.

Je suis André-Marie GBENOU, romancier et nouvelliste Béninois, auteur de deux romans  Achou, l’amour empoisonné  et La fiancée endiablée, respectivement publiés en 2017 et en 2019.Quand je mets mon manteau d’écrivain de côté, je suis juriste internationaliste et des droits de l’homme.

BL : D’où vient votre amour pour la littérature et comment est-il né ?

AMG : Mon amour pour la littérature est né de la lecture d’œuvres d’auteurs africains et aussi du désir de vouloir faire comme eux. J’ai toujours été sidéré de la beauté artistique qui sourdait de leurs réalisations et mon envie d’être comme eux venait et revenait de plus belle. Alors, quand j’étais en 5è, j’avais tenu un petit journal dans lequel je notais mon quotidien. J’ai fini par le perdre quelques années plus tard. En première année d’études universitaires, j’avais également tenu un autre journal, cette fois-ci, plus grand et son écriture s’était étalée sur trois (3 années). Pour moi, c’était une marche pour devenir un auteur comme ceux qui m’ont toujours sidéré et je n’avais pas tort.

BL : Quand avez-vous décidé d’empoigner la plume et de vous engager sur cette contraignante et délicate voie de l’écriture ?

AMG : Je me suis officiellement lancé dans cette entreprise précisément en 2015, année à laquelle j’ai entamé l’écriture de mon œuvre ACHOU l’amour empoisonné. J’écrivais quelques lignes de littérature que j’ébruitais sur Facebook, en mode épisodes. Ma plume était appréciée de beaucoup.  J’avais un grand nombre de lecteurs.  Savoir que ce que je faisais était aimé me donnait plus de force. Les encouragements des uns à multiplier les épisodes et ceux des autres à écrire un bouquin, me convainquaient de ce que j’étais sur la bonne voie. J’ai alors sursis à l’écriture et au partage sur Facebook et me suis engagé à écrire une œuvre Achou, l’amour empoisonné.

BL : Écrire, qu’est-ce que cela représente pour vous ?

AMG : Ecrire, pour moi, c’est parler de soi à l’autre, parler du monde aux autres et parler des autres au monde. Si la lecture, comme j’ai l’habitude de le dire, est l’avion de ceux qui voyagent sans se déplacer, l’écriture en est le carburant. Il faut donc écrire pour qu’il y ait de la lecture. Par les écrits, on véhicule des messages, des vécus, des idées, des événements historiques, des conseils et j’ai toujours souhaité être parmi ces personnes qui véhiculent ainsi de messages utiles au monde, qui influencent par leurs écrits. Les écrits constituent un canal de partage et d’échanges entre les lecteurs et l’auteur, quelles que soient les situations géographiques. Ils restent pour moi l’un des moyens de perpétuation d’événements, d’histoires, d’émotions, de vies.

BL : Quels objectifs personnels vous prescrivez-vous en tant qu’homme de lettres ?

AMG : Les objectifs personnels que je nourris rejoignent ceux que je nourris également pour l’ensemble des auteurs Béninois dont la plume ne doit laisser personne indifférent. En tant qu’homme des lettres et en tant que Béninois, je veux que nos écrits (écrits d’auteurs Béninois) soient un peu plus lus et aient de la résonance partout dans le monde. Si la plupart des auteurs Béninois qui ont vraiment fait parler d’eux au monde entier sont plus ceux qui ont été primés Grand Prix littéraire d’Afrique noire, je veux, moi, que ce ne soit pas l’unique voie d’acquisition de la notoriété littéraire internationale de la verve béninoise. C’est pour cela qu’il faut encourager les événements littéraires, les blogs littéraires, les concours, etc. Ils constituent, sans nul doute, l’un des moyens de faire découvrir les auteurs. Mes objectifs broyés donnent cet objectif : faire parler du Bénin partout à travers la littérature.

BL : Quelle appréciation avez-vous de la littérature béninoise contemporaine ?

AMG : Je vois de très belles choses pour notre littérature. L’avènement des TICS jouent un grand rôle dans la promotion de la littérature béninoise contemporaine. La prolifération des événements littéraires, l’implication brillante du ministère de la culture dans ceux-ci, l’engagement des blogueurs littéraires permettent de mener le flambeau de la littérature béninoise haute. Tout ceci soutenu, bien entendu, par le travail bien appréciable et apprécié des chaînes de distribution livresque, sans oublier l’avènement de la librairie mobile, BOOKCONEKT, concourt à dire que notre littérature se porte bien et d’ailleurs va très bien de l’avant contrairement aux années d’avant. Il faut le dire, grâce au travail des uns et des autres sans oublier la qualité des œuvres elles-mêmes, le Bénin parvient tout de même, quoiqu’on dise à se faire davantage une place dans l’environnement littéraire international. On n’a plus besoin d’être Grand prix littéraire d’Afrique noire avant d’être connu par le public béninois et celui international. Les coudes serrés, nous faisons parler de notre littérature au-delà de frontières et c’est une très belle chose. Je félicite les divers acteurs de la chaîne littéraire béninoise pour les quotidiens efforts pour la brillance du cinquième art béninois et encourage à tenir bon.

BL : Comme beaucoup d’écrivains aujourd’hui vous avez opté pour une maison d’édition étrangère, française en l’occurrence. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

AMG : J’aurais pu être édité au Bénin mais mon départ pour la France a impacté sur mon choix pour l’édition dans ce pays. Vu que j’y réside, j’ai trouvé qu’il serait mieux d’y être édité. Cela me facilite plus les choses. Avoir mon éditeur sur le même territoire que moi me facilite les échanges et aussi accélère la distribution personnelle de mes livres. A partir de la France, je me suis dit – et je l’ai déjà pratiqué- que ce sera plus facile pour moi-même d’envoyer mes livres dans un pays particulier en cas de demande ou d’intérêt. Il me suffit juste de commander chez l’éditeur et de l’envoyer dans le pays en question. Alors que si c’était au Bénin, là où je ne réside pas actuellement, ce sera un peu plus compliqué. En résumé donc, la situation géographique a beaucoup joué. Je vais cependant me faire prochainement éditer au Bénin. C’est mon souhait et je le ferai.

BL : Néophyte dans l’arène littéraire béninoise, vous avez pourtant écrit deux romans déjà. Parlez-nous de vos sources d’inspiration.

AMG : Oui effectivement j’ai à mon actif deux romans et naturellement, comme tout auteur, j’ai des sources d’inspirations. Je les classe en deux volets : les auteurs de référence (sources humaines ou personnelles) et les sources immatérielles.

Les auteurs qui m’inspirent le plus sont ceux d’Afrique noire francophone qui ont pu, depuis les indépendances, grâce à leurs plumes, nourrir le monde littéraire noir dans ses dimensions sociologiques, culturelles et bien aussi politiques.  L’auteur qui m’a le plus marqué et qui m’a d’ailleurs le plus donné envie d’écrire, à vouloir être aussi saisissant comme lui, c’est Olympe Bhêly-Quenum. C’est l’un de mes romanciers préférés.

Pour ce qui est des sources immatérielles, je m’inspire parfois de faits réels, des observations du monde autour de moi. Achou l’amour empoisonné en est la parfaite illustration.  Mais souvent, ce sont des fabulations inspirées de nulle part et de personne, lesquelles fabulations parviennent tout de même à avoir une connotation réelle sérieuse. La Fiancée endiablée en constitue un exemple. C’est de la pure fabulation qui n’a reposé, du moins ne s’est inspirée de rien. Cependant, quand on le lit, ça rejoint sans nul doute des faits réels. Alors comprenez donc que l’inspiration peut provenir de mon environnement, de mon entourage comme ça peut provenir de mon intérieur, de ma propre imagination.

BL : Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire vos deux romans et quel(s) message(s) avez-vous voulu y véhiculer ?

AMG : Effectivement, il faut quelque chose pour motiver l’écriture d’un roman. Achou l’amour empoisonné, je l’ai écrit pour faire un clin d’œil au Bénin, du moins à toute l’Afrique et même au-delà pour attirer l’attention sur le phénomène très connu mais souvent ignoré qu’est le Mamiwata. C’était d’une part ma manière de rappeler son existence et d’autre part avec l’exemple d’Alain, c’était un moyen d’inviter les personnes proches et amoureuses de ces femmes possédées de ne pas baisser les bras. Oui, j’insiste justement parce que loin de ce que peuvent penser d’aucuns, cet esprit existe et a propension à vouloir condamner les femmes qu’il hante à rester sans compagnons, sans maris. Des témoignages vous le diront mieux que moi. Certaines femmes vous diront que lorsqu’elles étaient hantées par Mamiwata, il leur était quelque peu dur de gérer l’amour d’autant plus que le diable cherche à les en empêcher. Plusieurs d’entre elles ont vu leurs hommes partir à cause des souffrances spirituelles que cette hantise leur infligeait. Aimer, c’est aussi se battre pour l’autre et c’est l’un des messages auxquels j’invite.

Pour ce qui est de La fiancée endiablée, j’ai voulu, pendant cette ère de montée des abandons d’enfant, dénoncer ce phénomène et mettre l’accent sur ce que cela peut causer non seulement à l’être abandonné mais aussi pour la famille qui abandonne et sans oublier la société à qui appartient tout être humain.

BL : Amour, vengeance, trahison, meurtre, ce sont entre autres les thèmes qui sèment vos deux romans. Pourquoi ce choix?

AMG : L’amour parce qu’il est au centre de tout ; Dieu est amour. Quelles que soient les circonstances de la vie, la question de l’amour se pose toujours. Il est au centre de tout. La vengeance, le meurtre, la trahison sont des choses dont on se rend auteur lorsqu’on n’a pas l’amour en soi ou lorsqu’on l’utilise mal. On est incompris de soi-même ou encore quelque chose n’a pas marché. Quand ça arrive, c’est qu’il y a un problème. Il faut questionner alors les causes profondes et lointaines. J’aimerais bien décortiquer chaque de ces thèmes si vous le permettez. Pourquoi choisir chacun de ces thèmes ? La vengeance pour dire que tout le monde ne pardonne pas. La preuve est que Laurinda, malgré l’affabilité que lui a exprimée sa mère aux derniers instants ne lui a guère pardonné sa grosse erreur du passé. Elle s’est alors mise dans une posture de vengeance. Pour dire quoi, pour dire que lorsqu’on abandonne un enfant et que celui-ci grandit devient jeune ou adulte, il y a deux cas : soit il est pardonnant, soit il se venge. Le pardon et la vengeance sont diamétralement opposés.

La trahison existe dans nos rapports quotidiens. Elle existe entre amis, entre membres de la famille, entre collègues, tutti quanti. Tout au long de l’œuvre La fiancée endiablée, il en est question. Encore une fois, il s’agit d’un appel à l’endroit des uns et des autres à garder à l’esprit que c’est un mauvais vice qui appelle plusieurs autres bien plus graves voire fatals.

Le meurtre pour dire où on peut en arriver à commettre l’irréparable lorsqu’on est pas sur la bonne voie, ce qui engendré par l’amoncèlement de plusieurs autres vices non guéris.

En définitive, le choix de ces termes est tributaire non seulement des messages que j’ai entendu véhiculer mais aussi pour donner une originalité à l’œuvre.

BL : Parlez-nous de la genèse de Achou l’amour empoisonné.

AMG : Déjà, il faut noter que Achou l’amour empoisonné parle du phénomène Mamiwata. J’ai choisi d’écrire une œuvre littéraire sur le sujet parce  qu’ayant noté que le mal touchait plusieurs femmes. Cette idée venait à point nommé puisque pendant la période où je réfléchissais sur quel sujet écrire, une amie avait été secouée par l’esprit des eaux. C’était une amie très proche. De même, une autre non pas aussi proche que la première qui se confiait à moi me disait qu’elle était aussi agitée par ledit esprit. Je me suis alors dit qu’il serait très bien d’écrire sur ce phénomène. Vu que j’aime m’intéresser à tout ce qui est bizarre et un peu tourné vers le surnaturel, alors je me suis dit avoir trouvé ce que je cherchais.

BL : Vous affectionnez les personnages féminins. Dans chacun de vos romans vous avez tenu à bâtir l’intrigue autour de la femme. Pourquoi ce choix?

AMG : Rires ! C’est simplement parce qu’à chaque fois, l’histoire fait que l’intrigue tourne autour des femmes.  Pour Achou, l’amour empoisonné, il s’agit d’une femme hantée, Achou. L’action s’est donc concentrée sur elle et c’est tout à fait normal, du moins évident d’autant plus que, à ce que je sache l’esprit des eaux ne touche que des femmes. Il était donc de bon aloi que ce soit sur une femme que les écrits s’accentuent.

Pareillement, la fiancée endiablée se centre sur une femme, Laurinda. Ce choix de la femme est tributaire du fait que j’adore la femme et il ne faut pas voir d’un mauvais œil les rôles que j’attribue à cette gente dans mes écrits. Je l’ai déjà dit, j’adore la femme et j’adore la mettre en avant.

BL : Puisqu’on parle de la femme, quel avis avez-vous de la place qui lui est accordée dans nos sociétés et des mouvements féministes ?

AMG : Merci pour la question que je trouve venant à point nommé surtout en ces temps où il y a un grand réveil du mouvement féministe en Afrique. Je saisis l’occasion d’ailleurs pour dire à celles et ceux qui ne comprennent souvent pas les mouvements féministes à garder à l’esprit, d’entrée, qu’il ne s’agit pas de combats contre les hommes. Pourquoi cette précision, parce que plus d’un confondent ce combat noble de revendication des droits de la femme au même titre que l’homme à une violente bataille contre les hommes. Non, ce n’en est pas le cas.

Alors pour revenir à la question même, il ne faut pas le cacher et d’ailleurs si secret il y a, c’en est que de polichinelle, la femme dans nos sociétés africaines continue d’être placée derrière l’homme quoique le vent de l’égalité souffle. Cette égalité qu’on prône n’est pas encore perçue comme cela devrait être. D’où l’importance d’en parler souvent. Il s’agit d’un sujet que je trouve normal mais qui n’est souvent pas apprécié de plus d’un.  Pourtant, la place que la femme réclame dans la société est si simple à comprendre. L’égalité homme-femme est un principe pourtant très basique mais difficile d’admettre par les uns et les autres. Le combat pour l’égalité entre l’homme et la femme dans nos sociétés devrait être celui de toute personne. Il ne devrait pas être le fait de personnes dites féministes. Tout le monde devrait l’être en réalité. Le problème est que nous ne sommes malheureusement pas sur la même longueur d’ondes. Là où l’inquiétude réside aussi est que plusieurs femmes s’alignent derrière, non pas pour faire avancer les revendications et doléances, lesquelles pourtant vont en leur faveur, mais s’activent à refuser cette égalité et à contrer les actions et revendications féministes. A moins que je me trompe, certaines et même certains hommes s’appuient sur la bible pour refuser l’admission de ce principe au nom de la fameuse autorité ou supérieure de l’homme. Or, dans la bible il est question d’autorité de l’homme et de soumission de la femme dans le foyer. Et même cette autorité ne veut pas dire que la femme doit être reléguée au second plan. Non. Il n’en est nullement question.

Pour moi, la place de la femme dans la société doit être la même que celle que l’homme occupe. A mon entendement, il ne devrait même pas y avoir de débat autour.

BL : Quelque chose attire l’attention dans vos romans à savoir le côté sombre de vos héroïnes. Vous leur mettez volontiers des costumes ternes et répugnants. Cela ne traduit-il pas une certaine misogynie ?

AMG : Votre question me fait penser à une expérience que j’ai eue il y a quelques années avec une écrivaine française, membre du jury d’un concours auquel je prenais part. Alors que j’avais soumis une nouvelle de quelques petites page un peu à la ‘’fiancée endiablée’’ pour le concours, une nouvelle qui mettait en avant une femme dont le rôle est de faire de faux coups un peu comme Laurinda dans La fiancée endiablée, l’écrivaine me disait que j’avais attribué un rôle bien sombre à une femme et que je devrais être l’un des misogynes du jour. Pour elle, c’est à un homme que je devais attribuer ce rôle. Sa remarque que je trouve bien maladroite m’avait bien pétrifié. D’où sort-elle cela ? Depuis quand un auteur doit justifier pourquoi il a accordé un rôle à une fille plutôt qu’à un homme sachant qu’il y a un fil, une intrigue bien ficelée derrière? C’est du passé mais je tiens à rassurer que je suis l’un des auteurs aimant le plus la femme. J’adore la femme et mes lecteurs aussi bien des réseaux sociaux que de mes bouquins peuvent en faire le témoignage.

Les personnages féminins que je choisis jouent un rôle précis et brillant dans le déroulé des actions. ACHOU par exemple ne pouvait nullement être un homme puisque le récit que je fais passer repose sur le phénomène Mamiwata qui touche des femmes. Si ACHOU ne pouvait en aucun cas être un homme. De même pour Laurinda dans La fiancée endiablée, il faut voir, premièrement, l’histoire qui est derrière et non la noirceur qui caractérise le personnage. Le choix est porté sur un personnage féminin pour montrer aussi qu’avec la femme, au même titre que l’homme, on peut faire de grandes choses. Quand vous lisez le livre, vous verrez que la capacité, du moins le rôle que certains auteurs d’œuvres de suspense accordent aux hommes pour la plupart du temps est ce que j’ai aussi entendu attribuer à la femme. Loin de moi l’idée de la diaboliser, c’est quand même merveilleux, magnifique qu’une femme puisse nourrir à elle toute seule un plan de haute taille, déjà à le concevoir, à le diriger et à le réussir. Je trouve ça fascinant. Quoiqu’il s’agisse d’une fiction, je voudrais  qu’on transpose ça à la réalité et qu’on se dise que tout ce que l’homme peut faire, la femme aussi le peut, pourvu qu’elle en a la volonté.  C’est aussi l’occasion pour moi de dire aux uns et aux autres, à travers l’exemple de Laurinda, de ne pas sous-estimer la femme. Oui, je le précise justement parce que d’aucuns ont tendance à la femme comme un être très inférieur, un être incapable de réfléchir comme l’homme. Grosse erreur !

BL : Dans la Fiancée endiablée on a affaire à Laurinda, abandonnée par les siens. Ayant grandi, elle a voulu se venger. Doit-on y lire un appel à ne pas abandonner les enfants ?

AMG : Oui mais avant il s’agit d’un appel à accepter son destin et de se battre pour le lendemain. Il ne sert à rien d’abandonner un être à cause de la précarité dans laquelle on est. Pour dire autrement, la situation dans laquelle nous vivons ne doit pas nous amener à abandonner notre enfant. Cela est fréquent dans nos sociétés qu’une mère abandonne son nouveau-né. Les cas sont légion. L’abandon d’un enfant qui se retrouve tout seul et livré à lui-même concourt à la destruction de la société. L’exemple de Laurinda dans le roman La fiancée endiablée l’exprime fort bien. Elle a été abandonnée par sa mère dès sa naissance. Elle a grandi et est devenue délinquante. La suite, on la connaît, c’est qu’elle a été emprisonnée pour ses délits. Elle n’a reçu aucune bonne éducation. Même sortie de prison, l’environnement ne l’a guère favorisée. Voyez-vous jusqu’où peut aller l’absence d’éducation ? L’abandon d’enfant ?

De l’autre côté, on a sa sœur jumelle Laura  qui a été élevée, a grandi au sein de sa famille qui est devenue aisée plus tard. Elle a fait des études contrairement à Laurinda, et est tombée sur un bon monsieur. Que se passe-t-il après, Laurinda vient se venger pour toute la honte et de toute l’humiliation qu’elle a subies. Bien vrai, ce n’était pas le meilleur moyen mais qu’elle éducation a-t-elle reçu pour savoir qu’elle agissait mal, du moins qu’elle agissait mal et qu’elle devrait arrêter? La précarité à cause de laquelle sa mère l’avait abandonnée, ne s’est-elle pas muée en aisance plus tard ? Le destin n’a-t-il pas parlé ?  C’est pour dire que la famille était destinée à être friquée et que l’abandon de Laurinda n’était qu’un choix qu’on pourrait inviter. C’est pour lancer un appel. N’abandonnons pas nos enfants, quelle que soit la raison qui pourrait sembler nous en convaincre.

BL : Comment s’est fait le choix de vos personnages ?

AMG : Le choix des personnages, s’il ne s’est fait pas au hasard, il ne s’est pas non plus fait de grands soins ou de casse-tête. Tout est venu naturellement avec l’intrigue pensée et les scènes imaginées. C’est comme un jeu. Quand on connaît les règles, on commence et le reste se joue tout naturellement.

BL : Comment appréciez-vous le peu d’engouement suscité par le livre de nos jours ?

AMG : Il faut dire que dans notre société africaine, les gens aiment lire quand c’est bien écrit et beau mais il s’est toujours posé le problème de moyens et de motivation pour certains.

Vous l’auriez certainement remarqué, quand vous discutez avec certaines personnes sur le sujet de la lecture, elles vous diront qu’à part les œuvres au programme dans les collèges et lycées, elles n’ont plus lu d’autres œuvres littéraires. Je les classe en deux groupes : le groupe de ceux qui n’aiment carrément pas lire, oui parce que c’est aussi une question d’intérêt, et le groupe de ceux qui aiment lire mais n’en ont pas les moyens. Bien vrai, on dit que quand l’on veut, l’on peut mais la situation à la fois financière et/ou géographique de beaucoup ne leur permet pas d’acheter un livre pour le plaisir (quoique cela enrichisse aussi intellectuellement, psychologique et bien aussi spirituellement), livre qui ne soit pas au programme d’études et qui ne revête donc pas le caractère obligatoire de la lecture. Beaucoup n’ont pas la capacité financière d’acheter un roman à 5.000 FCFA. L’étudiant d’Abomey-Calavi qui n’a peut-être pas grand-chose à la fin du mois aura un peu de difficulté à s’acheter un livre ne serait-ce que par mois. Tout est compté. Ou encore le salarié Lambda qui veut bien lire une œuvre et trouve difficile de sortir le billet vert pour se le procurer parce que cela chamboulera son planning financier même si c’était planifié de s’acheter un livre. D’où avoir aussi la  motivation. J’ai prévu acheter un livre et au moment opportun, je me dis que ça chamboulera mon programme. Il faut alors une réelle motivation pour que je le fasse et c’est ce que beaucoup n’arrivent pas à avoir.   Les exemples sont divers.

J’allais aussi parler de la situation géographique. Il arrive qu’un lecteur potentiel soit intéressé par un livre mais vu qu’il n’est pas dans le même pays que le pays de vente du livre, il devra supporter les frais d’envoi qui s’élèvent peut-être cher. La personne finit par abandonner.

Le peu d’engouement est également, je l’ai déjà souligné, le fait d’un manque d’intérêt. La lecture d’un livre est un loisir comme tout autre. Il y en qui vont s’y intéresser comme il y a qui ne s’y intéresseront pas. Pour ce groupe, il faut de la vraie et bonne motivation pour les amener à (re)prendre goût à la lecture et cela passe entre autres par les recommandations d’œuvres saisissantes, l’invitation à lire des critiques littéraires, et bien d’autres choses. J’ai déjà eu à amener des réticents du livre à finir par l’aimer.

BL : Les réseaux sociaux sont aujourd’hui à tort ou à raison pointés du doigt comme cause du manque d’amour pour la littérature. Quel avis avez-vous du sujet ?

AMG : C’est bien de se questionner sur ce sujet qui ne doit laisser aucun auteur indifférent. Je pense que les réseaux sociaux jouent à la fois un mauvais rôle et un bon rôle. Un mauvais rôle justement parce que d’aucuns y consacrent tellement leurs temps qu’ils en deviennent leur loisir. Entre-temps, quand on parlait de loisirs, on faisait allusion au sport, du cinéma, de la lecture, etc. mais de nos jours, sans qu’on le dise à voix haute, ils constituent le passe-temps de plus d’un. Ils occupent tellement les gens qu’ils n’ont pas le temps pour autre chose.  Les réseaux sociaux pour dire en termes plus clairs ont pris la place de pas mal de loisirs et c’est à déplorer. Celui qui aimait lire préfère maintenant surfer pour se distraire plutôt que de voyager dans des livres.

Le bon côté de la chose est que les réseaux sociaux contribuent aussi à avoir l’envie pour la lecture. Je veux dire par là qu’il arrive qu’en surfant, des internautes tombent sur des livres qui retiennent leur attention, qu’ils commandent et qu’ils lisent. Cela n’arrive pas qu’à moi, j’en suis sûr. Je dirai in fine qu’il appartiendra à chacun de déterminer dans quelle dimension il utilise les réseaux sociaux. Les utiliser pour découvrir, quand on le peut, des nouveautés littéraires est aussi bien.

BL : Croyez-vous qu’ils soient aujourd’hui un canal fiable de promotion de la littérature ?

AMG : Bien sûr ! Les réseaux sociaux constituent un canal fiable pour la promotion de la littérature et d’ailleurs, je ne pèche pas en disant qu’ils constituent l’un des moyens les plus prisés pour la promouvoir. Que ce soit l’auteur ou le critique littéraire ou encore le libraire, chacun s’en sert pour promouvoir le livre et c’est heureux.

BL : Parlez-nous de vos projets littéraires.

AMG : Tout ce qui est bien et bon vient et viendra. Le temps nous informe et nous informera toujours. Rires !

BL : Votre portrait chinois à présent :

Un héros ou une héroïne : Dieu, le héros des héros (il faut que je sois un peu reconnaissant envers le Créateur. Rires !)

Un personnage historique : Thomas Sankara, l’une des figures emblématiques de l’Afrique nouvelle, modèle de l’Africain conscient.

Un auteur préféré : Olympe Bhêly-Quenum

Un animal : Le chat. J’aime beaucoup les chats

Un plat : Amiwô

Une qualité : Je suis adorablement et magnifiquement aimant.

Un défaut : Je suis tatillon. Peut-être est-ce une qualité !

BL : Merci M.GBENOU de vous être prêté à nos questions. Votre mot de la fin.

AMG : Je vous remercie infiniment, encore une fois, de m’avoir invité. C’est un plaisir pour moi d’être dans vos angles. Je vous félicite du brillant travail que vous abattez pour le rayonnement de lalittérature béninoise et africaine. Recevez au nom de mes lecteurs et aussi de vos lecteurs ( dont je parle partie) et en mon nom personnel le bravo et les encouragements.

A vous tous,  lecteurs des présentes lignes, je vous invite à la lecture car « La lecture est l’avion de ceux qui voyagent sans se déplacer », ai-je dit aux premières pages de mon premier roman.

Biscottes littéraires, l’occasion faisant le larron, permettez-moi de profiter de vos angles pour faire de la pub à ma manière. Rires ! Je voudrais simplement dire que mes livres sont disponibles sur Amazon, Fnac, Chapite.com. Au Bénin, vous pouvez les avoir chez Bookconekt. Je suis joignable sur Facebook . Ma page officielle  d’auteur est André-Marie Gbénou auteur. Vous pouvez m’y (re) joindre. Merci de l’attention. Merci Biscottes littéraires et que meilleur soient vos jours !

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