Il y a de cela très longtemps dans un village, très reculé, un jeune garçon, du nom de Minmassi, benjamin de sa famille. Il possédait un talent rare et unique : il pouvait, tous les trois ans, ressusciter les morts grâce au pouvoir des plantes. Tous les trois ans donc, c’était son année de grâce. Avec un rituel précis précédemment accompli, il pouvait aussi mourir et revenir à la vie. Ce don, au même moment où il faisait la fierté de la famille, faisait des jaloux et des aigris dans le rang des villageois.
Malheureusement, chaque jour que Dieu faisait, Minmassi devenait de plus en plus insolent et irrévérencieux, surtout envers les anciens. Il les narguait comme bon lui semblait et les défiait même. La tournure que prenaient les comportements du jeune prodige ne plaisait pas à son père, mais ce dernier était incapable de raisonner son fils, de peur de se voir refuser toute collaboration, considération et soutien. C’est en effet, grâce à ce pouvoir que la famille mangeait.
Chaque fois qu’il y a avait un décès qui survenait dans l’année de grâce, Minmassi; il réussissait à le ressusciter contre une forte somme d’argent.
Ce matin-là, le jeune alla défier Kakanakou, un vieux rabougri, puissant féticheur, qui ne voyait d’ailleurs pas d’un bon œil les agissements du petit prétentieux. Si lui, Kakanakou, n’avait pas le pouvoir de ressusciter des gens, il connaissait néanmoins une pratique ancestrale qui empêchait les morts de revenir de l’au-delà. Minmassi connaissait aussi cette pratique, et savait que le vieux la connaissait autant que lui.
Sur la place publique, le jeune homme lança au vieux un défi devant toute une assistance médusée, qui n’était pas d’ailleurs acquise à sa cause, car jugeant irrespectueux le comportement de ce petit. Ainsi se pavanait Minmassi « Nous connaissons bien ce que vaut ce vieux féticheur qui est devant vous, et vous connaissez aussi de quoi je suis capable. Devant vous, pour que tout le monde, surtout les anciens et les vieux de ce village reconnaissent enfin ma supériorité et se prosternent devant moi, je demande à Kakanakou de me tuer. Moi je vais revenir à la vie, et après, on chassera du village ce vieux et les autres vont se mettre à genoux devant moi ». Malgré les protestations de son père, le jeune alla jusqu’au bout dans son défi. « On ne se vante pas devant les anciens », disent certains, « on ne défie pas l’ordre établi », clamaient les autres. Un mois fut donné à chacun pour se préparer.
Jamais dans le village, de mémoire d’hommes, il n’y avait eu un si grand remue-ménage ; jamais non plus, attente ne fut longue. D’un côté, ceux qui criaient au sacrilège, et de l’autre, ces jeunes qui pensaient que le monde leur appartient et que désormais, c’était leur tour de prendre certaines décisions, puisque le monde évolue et que les choses devraient changer. Pendant ce temps, le vieux Kakanakou avait disparu du village. Personne ne savait où il était parti. Mais qu’importe! On faisait confiance au jeune Minmassi, car plusieurs fois déjà, il avait réussi à revenir du séjour des morts. Toutes les conditions étaient donc remplies pour une énième résurrection. Il fit soigneusement son rituel, en ajoutant celle qui permettait de ressusciter n’importe quel mort, recette qu’il savait le vieux connaissait aussi. Tous les voyants étaient donc au vert le jour tant attendu. Sur la place publique, il y avait beaucoup plus de monde que d’habitude, et pour cause : le grand événement. Tout le monde prit place. Un coup d’œil vers le firmament, et on pouvait se rendre compte que le soleil était au zénith, signe que midi sonnait. Aucun oiseau ne passait. Il y faisait une chaleur atroce. Face à face, on pouvait voir Kakanakou et Minmassi. On fit boire au jeune le poison préparé par le vieux. Il passa de vie à trépas. Tout le monde attendait. En réalité, après la mort, il faut cinq minutes seulement pour que la personne ressuscite. Déjà trente minutes, et devant tout un village ahuri, gît le corps de Minmassi, inerte. On attendait toujours. Deux heures passées. Rien. Cinq heures, toujours rien. Les premières ombres du soir commencèrent à chasser les lumières du jour pour laisser place à une obscurité opaque et sans précédente. Des cris de détresse, de douleur se faisaient entendre. Minmassi ne bougeait pas.
L’autorité des anciens ne sape pas. Sachant bien que le jeune savait que le vieux avait un secret qu’il connaissait, et sachant qu’il allait bien se préparer sur ce terrain, Kakanakou n’avait rien fait pendant ce mois de préparation que d’aller dormir. Il n’avait donc rien fait sinon que rester à attendre le jour fixé. Le jeune Minmassi, trop prétentieux, était allé faire les cérémonies qui permettaient de ressusciter les morts provoquées par le vieux Kakanakou. Malheureusement, ce dernier n’avait pas provoqué sa mort, et comme les cérémonies ordinaires n’avaient pas été faites, Minmassi ne put se ressusciter. Le vieux l’avait dribblé. On ne défie pas un ancien sous prétexte qu’on détient des secrets qu’il ne connaît pas. Minmassi vient de l’apprendre à ses dépens, car un vieux reste toujours un vieux, et sa ruse n’est pas égalable. Tard dans la nuit, le corps de Minmassi fut enterré devant de ses parents atterrés et inconsolables. C’est depuis ce jour, qu’il fut impossible désormais aux hommes de ressusciter leur semblable.
Claude Kouassi OBOE
Conte bien écrit et plaisant à la lecture.
merci beaucoup pour la leçon.
Vivent Biscottes Littéraires.
Merci de l’avoir lu et aimé, Amoni
Merci beaucoup pour la lecture
Très agréable texte, registre plaisant, style simple, refermant de leçons!
Merci, frère Cyprien Dakodoui, d’être des nôtres.
Tout est dit à travers le choix des noms: Minmassi : impolitesse, irrévérence. kakanakou : Seule la en jugera. le jeune devait y penser. Merci Claude pour ce beau conte
Belle leçon de vie! Merci. Quelle que soit l’érudition des jeunes, la sagesse des anciens sera toujours plus grande et plus forte.
Vrai, frère Judicaël Comlan Vinakpo. Il faut juste que la jeunesse fasse preuve de respect envers les aînés