Nouwamè n’a pas eu la chance de fêter son 3è anniversaire de naissance en ayant sa mère à ses côtés. Très tôt orphelin de mère, il vivait avec son père dans une atmosphère relativement paisible. Mais sa vie chamboula lorsque ce dernier décida de se remarier. C’est ainsi qu’il accueillit avec pompe Goussi dont il fit sa deuxième épouse. Mais Goussi n’était pas une jeune fille. Elle avait déjà à son actif un somptueux record de trois enfants issus de trois différents pères.
Les premières années, la cohabitation fut anicroche. Les enfants jouaient ensemble, s’entendaient à merveille, à la grande joie de Bouléfounou. De son côté, Goussi était en proie à de multiples questionnements qui tournaient souvent autour de l‘héritage de Bouléfounou. Dans sa tête, le premier héritier était Nouwamè. En craignant que ce dernier e puisse, à la mort de Bouléfouou, ne prenne possession des biens de son père vu qu’elle n’avait donné de descendance, Goussi entreprit de rendre la vie dure à l’orphelin. Accablé de tous côtés, Nouwamè, n’en pouvant plus, fut obligé de quitter le domicile paternel un 24 décembre, furieux de se voir refuser les cadeaux de noël dot étaient pourtant gratifiés les trois enfants de Goussi.
Son père étant en voyage, il savait qu’il ne pouvait compter sur personne. C’est ainsi qu’il quitta la maison sans savoir où il allait. Il marchait, les yeux rouillés de larmes, l’âme en peine. Il faillit se faire ramasser par un zém très remonté, qui venait juste de se faire arnaquer par un client qui, arrivé à destination, a détalé sas payer. Le petit Nouwamè continuait de marcher. Le seul refrain qui sortait de sa bouche était « maman, où es-tu ? Viens me prendre pour aller là où tu es ». Déjà plus d’une heure qu’il marchait dans la rue. Malgré lui, il voyait des parents, avec leurs enfants, des bras chargés de cadeaux. Qu’il aurait voulu aussi en avoir. Il n’avait pas besoin de grand-chose : une petite voiture lui suffirait. Un peu partout, il étendait le son des pétards, voyait des lumières qui scintillent, des guirlandes et autres effigies pour la fête.
Quelques instants plus tard, il s’arrêta net. Il venait de constater que depuis le matin, il n’avait rien mangé. Devant lui, un enfant vient de jeter dans la poubelle un gâteau qu’on venait de lui payer sous prétexte qu’il n’était pas assez sucré. Nouwamè n’en demandait pas mieux. Il se précipita sur la poubelle tel un félin qui se jette sur sa proie. Il ne prit même pas la peine de le nettoyer et ses dents, le croqua à belles dents. Ayant trouvé un peu de répit, il continua lentement mais sûrement son périple. Vers 16h, fatigué, il s’assit sous l’un des arbres qui borde les artères de la ville et s’écroula. Combien de temps avait-il dormi ? Il ne put le savoir. Mais à son réveil, il vit que les gens allaient à la messe pour accueillir le petit Jésus qui allait naître de nouveau. Durant le temps de la messe, il tourna autour de l’église Mission des Pauvres sur Terre (MPT). A la fin du culte, les fidèles déposaient de l’argent dans la crèche conçue beaucoup plus pour l’argent que l’hommage à rendre au Fils de Dieu.
Nouwamè voyait ce que les gens déposaient : des pièces de monnaie, des billets de banque. Oh, qu’il aurait aimé avoir un seul billet ! Il pourrait payer aussi un jouet. Quand autour de la crèche, qui n’était pas du tout surveillée, le calme revint, il allait, comme s’il voulait aussi s’incliner tels les rois mages, devant Jésus. Une fois devant la crèche, il s’agenouilla et dit :
- Petit Jésus, moi je n’ai rien à t’offrir comme les autres. Tu as vu comment je me suis habillé, je n’ai même pas porté de chaussures. Je n’ai pas d’argent. Je ne peux donc rien te donner. Tout ce que je peux t’offrir, c’est ma faim. Oui, j’ai faim. Durant toute cette journée, je n’ai mangé qu’un petit gâteau jeté par un enfant dans une poubelle. Ce qu’on va faire, tu vas me donner 100f et j’irai manger d’abord. Quand je commencerai à voir clair, je reviendrai te poser mon problème réel et on ensemble, on verra.
Il y avait un homme de taille élancée au fond de l’église, qui nettoyait les sièges et avait tout vu et tout entendu. L’enfant prit 100f dans la crèche et sortit en courant. Une fois dehors, il alla à un endroit spécial, pas loin de l’église. Il avait repéré cet endroit au moment où il se promenait. C’était une dame qui vendait du atassi. Il en prit pour 100f, mangea, but de l’eau et revint encore à l’église. A sa vue, l’homme alla avertit le pasteur et tous deux vinrent se cacher derrière la crèche. Tout était presque vide et calme. Nouwamè se dirigea encore devant la crèche, et de nouveau, après s’être mis à genou, lança :
- Petit Jésus, me voilà de retour. Je te remercie d’ailleurs d’avoir réussi à calmer ma faim. Maintenant je te pose mon vrai problème. Tu viens de naître et tout le monde est content. Moi aussi j’ai le droit d’être content. Mais vois-tu, la plupart des enfants de mon âge ont des jouets, même ceux de ma belle-mère. J’ai besoin d’un jouet. Est-ce que toi tu peux me donner l’argent ? Tu ne réponds pas mais je vois l’argent devant moi. Si tu ne dis rien, je ramasse tout l’argent qui se trouve dans la crèche pour aller payer un jouet, des habits, et aussi pour payer une partie de mon droit d’écolage, car avant les congés, le directeur de notre école m’a renvoyé. Je ne sais même pas où je vais trouver l’argent pour payer la contribution et reprendre les cours. Je veux aussi aller à l’école et devenir demain un grand maître, comme mon maître en classe et apprendre à lire aux enfants. Si tu ne réagis pas maintenant, je vais prendre l’argent et je te laisse seul ici, ou tu m’envoies sur mon chemin quelqu’un qui pourra bien se comporter envers moi.
Ces derniers propos étaient sortis avec des larmes. Derrière la crèche, le pasteur et l’homme de taille élancée écoutaient cet enfant malheureux. Ne pouvant plus devant ce discours pathétique, le pasteur sortit. L’enfant eut peur et voulut s’enfuir, mais le pasteur lui dit :
- Petit, tu as trouvé grâce devant Dieu. C’est moi, celui que le petit Jésus t’a envoyé. Viens et suis-moi.
Sur ce, dans cette même nuit, le pasteur prit Nouwamè dans sa voiture et ils se dirigèrent vers le plus grand magasin de vente de jouets après qu’ils ont mangé et qu’il lui a donné le nom de son école.
Kouassi Claude OBOÉ
Merci pour ce moment de lecture.
Merci Efry de nous suivre quotidiennement
J’adore la touche locale de tes écrits à travers les noms des personnages. D’ailleurs, ces noms sont fort évocateurs et suffisent à eux seuls d’éclairer sur la trame de l’histoire. Un petit sourire s’est dessiné sur mon visage à la lecture du nom ‘Boulefounou’
Bref, l’histoire en elle-même est pathétique mais se termine sur une note d’espoir.
Salut l’artiste.
Merci beaucoup M. Albert. Nos enfants sont les meilleures choses que nous avons. Nous devons en prendre soin.