« Mon journal décalé », Camelle ADONON

« Mon journal décalé », Camelle ADONON

  Mon journal décalé

Cher journal, ce soir comme de coutume, il est temps de faire le bilan de ma journée. Je ne sais pas si je dois être fière d’elle ou pas. Tout ce dont je suis certaine, c’est que j’ai passé une journée hors du commun, une journée mouvementée, un mélange du haut et du bas.

Il sonnait 7h36 minutes avant que mon alarme ne sonne pour me sortir de mon doux sommeil. Paresseuse que je suis, je pensais bêtement que mon alarme était à sa première sonnerie, celle de 5h36. Je prolongeai donc mon sommeil jusqu’à 8h15. Quand je me réveillai enfin, je constatai avec grande désolation et stupéfaction que pour la première fois de ma vie estudiantine j’allais être en retard à mon cours de la matinée.

C’est autour de 9h05 que je me suis arrêtée à l’arrêt de bus pour attendre le bus universitaire pour son dernier voyage de la matinée. J’ai dû attendre plus d’une heure avant qu’il ne se pointe déjà rempli. On me chargea au bord de l’engin déjà plein d’étudiants. La chaleur qui y régnait était comme un petit enfer, un stage auquel nous participons pour mieux vivre l’enfer sûrement.

Et comme un malheur n’arrivait jamais seul, les anglais ont choisi ce jour pour débarquer.

Je suivais mon cours avec grand intérêt et très concentrée, je ne sentais pas mon entrejambes coulé de ce liquide rouge. Ce n’est qu’à la fin du cours, quand je me suis levée que mon petit ami qui était juste derrière moi me le fit remarquer.

C’était la première fois de ma vie que je me retrouvais dans une situation pareille. Quelle honte !

– Catherine, tu as quoi ce matin au juste ?  D’abord tu viens en retard et maintenant ça, me lança Georges en pleine figure.

J’étais énervée, je ne savais pas pourquoi.  Il me remit ses pauvres 400f qui lui étaient destinés pour les deux jours de cours qui restaient pour que je puisse prendre un zem et rentrer chez moi.

D’ici là, tout me semblait normal, des choses qui peuvent arriver à tout le monde. En une seule demie de journée, j’étais en retard et je venais de tacher ma jupe au milieu de tout ce monde.

J’étais une avocate reconnue dans tout le continent et beaucoup me craignaient.  Je venais de prendre une vacance avec mon mari pour les îles Hawaï où nous avions auparavant fêter nos deux ans de mariages Georges et moi. Il me massait le dos sous un soleil doux à la plage quand mon gestionnaire de compte m’appela pour m’informer d’un virement de quatre cent millions de francs sur mon compte en Banque quand soudain je reçus une claque sur ma joue. Je voulais au début gronder Georges pour sa maladresse mais quand j’ouvris les yeux, j’étais toujours dans ma chambre sans plafond, sur ma natte et devant moi ma grand-mère qui me regardait comme si j’avais commis le crime du siècle.

Étudiante en deuxième année de droit, je vis avec ma grand-mère, dans un quartier de la ville économique du Bénin. Comme beaucoup de femmes de son âge,  ma grand-mère aimait le commerce,  mais après plusieurs échecs dans la vente de divers, elle se ravisa à la vente de haricot, de riz, de pâte de maïs et se faisait un nom dans le quartier.

Les apprentis maçons et les conducteurs de taxi moto adoraient ses mets si bien préparés. Son lieu de vente devient très vite un endroit de rassemblement, surtout à midi.

Moi Catherine, la Cathy de mon Georges et le « Thé chaud » de mes courtisans,  je me voyais trop intellectuelle,  trop instruite pour aider ma pauvre mémé pour la vente quand j’avais un peu de temps libre. Je ne passais par son lieu de vente que pour bourrer mon ventre. J’aimais particulièrement son haricot et j’étais souvent la première à goûter ce repas après cuisson.

Pour la première fois, mémé venait de me réveiller sous ce soleil ardent pour que j’aide l’une de ses domestiques à vendre puisqu’elle était fatiguée vu qu’il y avait de l’affluence. Elle me promit cinq francs si je restais jusqu’au soir. Je trouvais cela arrangeant puisque j’allais pouvoir détourner un peu d’argent et nourrir mon Georges pour trois jours au moins.

Et c’est de là que tout bascula.

Cher journal, je ne sais pas si c’est dû à mes hormones ou à cette chaleur qui régnait sous le hangar ou le fait que c’était la domestique qui prenait les sous ou même le fait que l’homme qui se trouvait devant moi était si vilain que j’avais du mal à le supporter.  Excusez-moi si un jour vous tombez sur mon journal, ne me jugez pas pour le fait que j’ai traité une créature de Dieu de vilaine. Mais l’homme en habit jaune que je viens de mouiller de la tête aux pieds avec de la sauce de palme n’avait rien de beau à regarder.

Il était venu après quatre clients et se montrait très impatient. J’ai ravalé ma colère dû à son langage vulgaire et malpolie pour l’implorer de nous laisser le temps de servir ceux qui le précédaient. Mais comme il avait une tête plus grosse que son corps, il ne voulait pas se calmer. C’était un type que Dieu avait privé de taille et l’avait gratifié d’une énorme tête et un ventre assez gros pour ce corps chétif.  Et avec cette chaleur qui régnait, je ne sais pas s’il vient d’une autre planète ou pas,  mais il avait un par-dessus sur lui, avec des gants aux mains et chaussettes aux pieds.

À le voir, il ressemblait à un accoutrement de je ne sais quoi et comme s’il allait au bal. Et pour couronner le tout, il avait une peau assez sombre, on ne le voyait que grâce à ses dents jaunies.

Et un phénomène pareil avait osé me traiter de tarée.  Je ne pouvais tolérer le fait que la faim qui était en lui le poussât à hausser le ton et à insulter l’intellectuelle que je suis.

Et sans réfléchir, je le lavai avec la sauce que je venais de lui servir. Mémé me renvoya de son soi-disant restaurant, de peur que je ne chasse tous ses clients. Je n’avais pas eu les cinq cents francs et maintenant que je me suis retrouvée seule dans mon lit et après un examen de conscience, je trouve que j’ai mal agi et que je ne suis au-dessus de personne.  J’aurais dû contrôler mes émotions malgré les insultes du bout d’homme.

Cher journal, voici ma journée décalée d’aujourd’hui.  Je te promets que je ne me laisserai plus guider par mes hormones. Bonne nuit et à demain pour d’autres aventures.

Camelle ADONON, Étudiante en 3è année de Droit Privé.

 

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