« Né un mardi », Elnathan John : « L’autre visage du Nigéria »

« Né un mardi », Elnathan John : « L’autre visage du Nigéria »

 Elnathan John est depuis quelques mois sous les feux de la rampe. Cet écrivain nigérian n’était certainement le plus connu et le plus en vue sur la scène littéraire. Mais avec son roman « Né un mardi« , qui lui a valu le prestigieux Prix Les Afriques en 2019, le voilà désormais propulsé et reconnu comme une plume sûre avec laquelle l’on devra absolument compter désormais. Le roman « Né un mardi » de l’écrivain nigérian Elnathan John suscite moult impressions à la seule vue de son titre. Les interrogations qui, soudain jaillissent à l’esprit du lecteur sont les suivantes : qui serait né un mardi ? Quel symbolique revêt le fait de naitre ce jour ? Et quel impact sur le roman ? C’est avec autant d’interrogations que le lecteur se plonge pleinement dans ce livre d’une singularité captivante.

En ouvrant ce roman de Elnathan John , on a l’impression d’être dans une jungle où la force, la barbarie et l’incivisme des jeunes règnent comme maitres à Bayan Layi et plus loin à Sobon Gari. L’on assiste dès les premières pages à des scènes de rixes sanglantes dans lesquelles l’humaine condition semble réduite au néant. L’on entend comme dire : «  Bienvenue dans les travers profonds de la société nigériane contemporaine ».

Les interrogations du lecteur quant à l’effet suscité par le titre de l’œuvre dès l’entame commencent à trouver des semblants de réponses après une vingtaine de pages. On notera que le roman aurait pu être nommé Dantala si ce dernier n’avait pas été traduit en français. Né un mardi signifie donc Dantala dans une des langues locales du Nigéria.

Le roman s’enchaine dans un enchevêtrement saisissant tel un parcours initiatique du jeune personnage Dantala dont les découvertes on ne peut plus choquantes se succèdent non sans l’influencer et modifier ses agissements. Il s’agit entre autres de la sodomie et l’homosexualité qui le poussent à la masturbation derrière laquelle il semble se complaire et tirer entière satisfaction.

Elnathan John met dans ce livre une vraie richesse, entre les troubles de l’adolescence qu’il caresse avec sa plume, et la force d’une culture qu’il prend à bras le corps. Il nous révèle, à travers le regard naïf d’un jeune homme, les dessous de la corruption et les chemins enténébrés de l’extrémisme religieux dans cette région, où même la météo devient un chaos. C’est un livre dans lequel l’amitié inonde de clarté ces lignes noires où les émotions nous submergent vers toujours plus de tolérance.

Roman initiatique, « Né un mardi » est le récit sans concessions du quotidien de ce petit coin de monde. Loin des clichés, c’est avec un réalisme brut que Elnathan John décrit un Islam qui se fissure pour donner naissance à des sectes déterminées et violentes. Entre Sunnites, Chiites, intégristes, salafistes et modérés, la tension monte et bientôt, le jeune Dantala assiste, ébahi, à la violence qui se déchaine entre sa petite communauté et les autres factions musulmanes de sa ville.

On y découvre au final, un pays que l’on connait peu, le Nigeria. Mais attention, n’allez pas croire qu’il s’agit d’un roman tiers-mondiste ! Loin de là. L’excellente plume d’Elnathan John dépeint un pays avec ses réalités sociales, culturelles, religieuses et géopolitiques, roman qu’il faut lire avec une bonne dose tempérance.

Cyrille SOFEU

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