« Le prix de la patience  » Kouassi Claude OBOE

« Le prix de la patience  » Kouassi Claude OBOE

Il y a de cela très longtemps, dans un royaume très lointain, vivait un grand roi. Il n’y en avait pas de pareil sur toute la terre. Il était aimé de tous, à cause non seulement de sa gentillesse, mais aussi de sa force à diriger et à protéger ses sujets. De toutes les guerres menées, il n’en avait perdu aucune. Son souci, c’est qu’il n’avait pas d’enfants malgré les onze femmes dont il disposait. Lors d’une conquête sur une île, il rencontra une belle femme aux yeux bleus. Elle avait une peau basanée, un visage d’ange. Le roi refusa de faire d’elle son esclave, mais décida de l’épouser. « Peut-être qu’elle me donnera des enfants », pensa-t-il. Âgée de dix-neuf ans, elle avait pour prénom Aïna, c’est-à-dire « La vie ». Elle était une Malgasy (Malgache).

Le roi la ramena au palais. Il n’en fallait pas moins pour réveiller la haine et la colère de ses onze premières femmes incapables de concevoir. Elles se mirent ensemble pour rendre la vie dure à la nouvelle venue. A la manœuvre, la reine-mère, Azeto, qui a un cœur noir plus que le charbon. Elle ne voyait pas de bons yeux Aïna, plus jeune et plus belle, celle qui avait les faveurs du roi. Et pendant trois ans, elle souffrit le calvaire, sans rien en souffler au roi. Elle non plus n’enfanta pas. Toutes les basses besognes de la maison lui furent attribuées. Elle les faisait quand même avec un plaisir qui énervait ses rivales. Un jour, accablé par la douleur, le regret et l’impuissance de n’avoir pas de descendants, le roi reçut la visite d’un homme étrange, qui était venu faire des achats dans le royaume. Il avait appris la malheureuse nouvelle du roi et était venu lui proposer son aide. A son arrivée au palais, on le conduisit devant le roi, qui contrairement à ses habitudes et au protocole fut le premier à s’adresser à l’étranger.

– Que me veux-tu, étranger ?

– Mon Seigneur et mon Roi, je suis un marchand et suis venu dans votre royaume pour des achats. J’ai vu la population affligée à cause de votre situation. Je suis donc venu vous proposer mes services et vous aider à avoir autant de descendants que vous vouliez.

– Je te remercie noble étranger. Mais je ne crois plus en rien de tout cela. Plusieurs de mes devins sont venus, ils ont essayé mais ont royalement échoué. Je ne vais plus perdre mon temps.

– Je vous comprends, mon Seigneur. Je prends l’engagement devant tout le monde que si j’échoue, vous pourrez me tuer si vous le voulez. Je n’ai rien à perdre.

 

Cet engagement soudain aiguisa la curiosité du roi. Il donna son accord, mais donna trois jours à l’étranger. Ce dernier partit, sans donner d’indications précises. Il alla dans son village et revint le troisième jour. Il eut un tête-à-tête avec le roi au cours duquel il lui remit onze noix de cola à distribuer à ses femmes, après que la reine-mère, Azeto, lui a dit qu’elles étaient onze épouses pour le roi. Elle avait délibérément exclu la dernière épouse, Aïna. Le roi appela les dix autres femmes, et leur annonça la nouvelle. Chacune d’elle devrait avaler la noix après l’avoir mâchée. Elles tirèrent au sort et chacune prit sa part. Aïna n’était pas appelée. Elle s’affairait pendant ce temps à la cuisine pour apprêter le dîner de toute la maisonnée. Elle savait néanmoins ce pour quoi l’étranger était venu, mais puisqu’on ne lui avait rien dit, elle n’avait rien demandé à qui que ce soit. Elle n’était pas du genre à fouiner son nez dans les affaires d’autrui. Son éducation ne le lui permettait pas. Parmi les noix, il y en avait de très jolies. Mais la reine-mère tira la plus vilaine des noix, amochée, d’où on pouvait apercevoir depuis l’intérieur, des asticots et autres moisissures.

 

Enervée, elle la jeta par la fenêtre une fois qu’elle était rentrée dans sa case, après avoir insulté et maudit tout le monde. La noix tomba dans la boue et un coq faillit la prendre. Aïna, qui suivait la scène de loin, passa par derrière la clôture, chassa le coq et prit la noix. Sans réfléchir, elle l’avala, après l’avoir essuyée. Trois mois plus tard, aucune des femmes du roi ne tomba toujours pas enceinte, mais chose curieuse, c’était Aïna seule qui voyait son ventre gracieusement pousser. Personne ne comprit ce changement, puisqu’elle n’avait pas été appelée pour avaler la noix. Une réunion d’urgence fut convoquée pour savoir. Toutes les femmes du roi affirmèrent avoir avalé la noix. On consulta l’oracle, et la réponse ne tarda point : « Une parmi les femmes du roi a jeté la noix qui portait la vie, et son nom n’est autre que Azeto ». Malgré ces propos, elle continuait à nier les faits. On fit venir la jeune enceinte et la question lui fut posée. C’est alors qu’elle ouvrit sa boîte à paroles. Elle parla longuement, exposa tous les problèmes auxquels elle était confrontée depuis son arrivée dans cette cour royale de la part de la reine-mère. Elle conclut en affirmant que la noix qu’elle avait avalée était celle de Azeto qui l’avait jetée à cause des asticots qu’elle contenait. Le roi se fâcha à cause du double mensonge de la reine-mère, d’une part pour n’avoir pas respecté ce que le roi avait dit d’avaler les noix et d’autre part, pour n’avoir pas reconnu avoir jeté sa noix. Elle fut décapitée sur la place publique, devant tout le peuple admiratif et content pour Aïna.

Quelques mois plus tard, Aïna, la malgasy accoucha. Elle mit au monde quatre enfants d’un seul coup. Elle devint la reine-mère, détrônant légitimement et légalement Azeto et obtint, ainsi que prescrit, que toutes les autres femmes du roi lui soient soumises. Le roi lui confia les clés de son royaume en attendant que ses enfants ne grandissent et ne soient en âge de diriger.

Moralité de l’histoire : Dans la vie, il faut être patient et laisser la nature se charger de ses adversaires.

 

Kouassi Claude OBOE

 

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