Alphonse est écrivain béninois. Dans cette interview, il nous parle de son dernier livre: « L’ombre du zombie »
BL : Quelle a été votre principale source d’inspiration pour écrire votre roman: “L’ombre du zombie”?
AM : La découverte de « Western Tchoukoutou » m’a inspiré l’écriture de mon roman. J’avoue que mes lectures restent mes véritables prétextes de plongées intérieures. Elles m’aident à mûrir tout projet d’écriture que j’ambitionne. La somme de mes expériences de lecture m’aide à donner une meilleure consistance et orientation à mes idées, à avancer avec beaucoup de sérénité quand, après avoir longtemps défini les contours du projet, je passe à la phase décisive de transcription.
BL : Comment décririez-vous le message ou la morale que vous souhaitez transmettre à travers votre œuvre ?
AM : Je prends juste le soin d’offrir au lecteur des pistes vers ce qu’il pourrait lui-même définir comme message ou morale véhiculés par ma création.
BL : Pouvez-vous partager une anecdote intéressante sur le processus d’écriture de ce livre ?
AM : La petite anecdote qui me vient tout de suite est celle qui a donné naissance à mon premier roman « L’Ombre du Zombie ». J’évoque ce titre et me revient toute la gymnastique qui a favorisé sa réalisation. Tout est parti d’une nouvelle que j’ai fait lire à AHOUANSE Ghislain. Cette nouvelle, je l’avais écrite dans les circonstances d’un prix littéraire. Il l’a lue et a immédiatement cru en son esprit et en sa qualité. Ghislain m’a alors demandé d’en écrire un texte plus élaboré. Ce qui, par la suite, a donné naissance à une œuvre romanesque aboutie. L’entreprise a été très éprouvante mais, j’ai bénéficié de l’assistance de cet ami avec qui j’ai partagé de très beaux moments d’écriture en présentiel.
BL : Quels défis avez-vous rencontrés pendant la création de ce livre et comment les avez-vous surmontés ?
AM : L’exécution du projet dans le temps et toute la pression que j’ai dû gérer pour son aboutissement. Je ne savais pas comment partir d’une nouvelle pour un résultat de roman. La tâche me paraissait difficile. Il m’a fallu trouver des greffes à intégrer à la trame de départ, de nouveaux personnages que je devais bien camper dans le grand ensemble. Tout cela était impossible pour moi jusqu’au moment où j’ai écrit les premières nouvelles lignes.
BL : Y a-t-il des personnages ou des situations qui sont basés sur des expériences personnelles ?
AM : Avant de commencer l’écriture de mon roman, j’ai demandé à une connaissance de me donner des noms de bandits de grands chemins ayant existé au Bénin. Elle a tout de suite dire Noubi-Yôyô et m’a un peu raconté son histoire. Cette personne mal famée m’a aussitôt séduit. C’est comme ça que j’ai eu mon premier personnage. J’ai tâché d’être plus proche de la réalité tout en proposant une œuvre de pure fiction. En aucun moment, des expériences personnelles n’ont influencé l’énergie de mon projet.
BL : Comment choisissez-vous les noms de vos personnages et l’intrigue de vos histoires ?
AM : Souvent, je pose des questions à tes proches ou propose des noms de personnages qui portent en eux l’aura de mes textes.
BL : Quel aspect de votre livre vous semble le plus important pour les lecteurs de comprendre ?
AM : La langue d’écriture reste pour moi l’aspect le plus important dans la compréhension d’une œuvre littéraire. C’est d’ailleurs le détail sur lequel je suis plus regardant quand je lis ou écris.
BL : Comment votre propre vie ou vos convictions personnelles ont-elles influencé le développement de l’histoire ?
AM : J’écris régulièrement de la fiction avec l’appréhension que j’ai de certains sujets délicats tels la sexualité, la mort, le mystérieux, le fantastique, la douleur, l’amertume, le vide… pour ne citer que ces thèmes. Je m’évertue à écrire des textes intimistes en misant quelques fois mes convictions. Je fonctionne ainsi dans l’espoir que la vision de mon lecteur s’intègre à la mienne.
BL : Qu’espérez-vous que les lecteurs retiennent de manière durable après avoir lu votre ouvrage ?
AM : S’il arrivait qu’un potentiel lecteur ne trouve rien de convaincant à garder de tout ce qu’il lirait de moi, je souhaiterais ou prierais carrément qu’il retienne au moins mon nom, ou le titre de mon livre, ou le nom d’un personnage, un mot, ou une phrase, ou encore le nom de ma maison d’édition. Qu’il se souvienne aussi de sa première de couverture dans les rayons d’une librairie ou une bibliothèque.
BL : Votre mot de la fin
AM : L’écriture est passion et liberté, la littérature le chant d’expérimentation et d’expression d’une liberté qui s’ouvre à l’universelle tout en luttant à garder son intimité. C’est là une lutte intérieure féroce à laquelle l’auteur ne peut malheuresement ou heureusement échapper. C’est la somme de toutes ces luttes et déchirements intérieurs qui fait un livre. Que le lecteur l’aime ou le rejette, il en a le droit. Rien ne l’oblige à l’aimer. Puisque, à la fin, ce qui subiste, ce n’est ni le leteur ni l’auteur, mais le livre qui passe d’une ère à une autre. L’auteur n’a donc pas à s’offusquer qu’on n’aime pas son livre. Il continue son chemin et dans le silence et in cognito, il soigne ses blessures intérieures qu’il se réjouit à agraver par d’autres productions. Tant qu’il portera des blessures saignantes au plus profond de son âme, l’auteur peut être sûr de bien se porter. C’est au-dedans de l’auteur que tout se joue. C’est là qu’il faut le rejoindre. Si on réussit cet exercice, on commence par devenir lecteur.
Interview réalisée par Salim-Ghislain Cya pour Biscottes littéraires