« Un peu de feu » de Kouassi Claude OBOE: Un appel à une prise de conscience de la fragilité de nos enfants

« Un peu de feu » de Kouassi Claude OBOE: Un appel à une prise de conscience de la fragilité de nos enfants

Aujourd’hui, Kouassi Claude OBOE est le porteur de cet appel avec son recueil de nouvelles intitulé Un peu de feu.  Comme le dit le titre de l’ouvrage, il  s’est chargé de mettre un peu de feu de par ses écrits dans l’univers livresque.

Introduction

« Puisque la création ne peut trouver son achèvement que dans la lecture, puisque l’artiste doit confier à un autre le soin d’accomplir ce qu’il a commencé, puisque c’est à la conscience du lecteur seulement qu’il peut se saisir comme essentiel à son œuvre, tout ouvrage littéraire est un appel » disait Jean-Paul Sartre dans son essai intitulé Qu’est-ce que la littérature ? Ces appels n’ont pas manqué de traverser les différentes époques dans l’histoire de la littérature, depuis l’antiquité jusqu’à la période contemporaine, avec plusieurs auteurs porteurs d’ouvrages littéraires de divers genres à savoir : le roman, l’essai, le théâtre, la poésie, la nouvelle  et bien d’autres. Aujourd’hui, Kouassi Claude OBOE est le porteur de cet appel avec son recueil de nouvelles intitulé Un peu de feu.  Comme le dit le titre de l’ouvrage, il  s’est chargé de mettre un peu de feu de par ses écrits dans l’univers livresque. Voilà donc le trésor inestimable, luminaire qui éblouit, heurte tout notre égoïsme et inhumanité, que nous offre Kouassi Claude OBOE. Pour cerner et comprendre au mieux ce dont traitent ces nouvelles, il serait bien de voir d’abord qui est Kouassi Claude OBOE.

Biobibliographie

Kouassi Claude OBOE est un jeune Béninois né à Comé dans le département du Mono. Il est titulaire d’une maîtrise en Lettres modernes à l’Université d’Abomey Calavi. Voulant au prime abord consacrer sa vie au service de l’Etre Suprême, il finit par abandonner cette voie. Autrement dit, il a abandonné sa première vocation pour intégrer finalement le secteur de l’enseignement au sein duquel il est professeur certifié de français dans les lycées et collèges du Bénin. Conjointement à cette profession, il est chroniqueur, conteur, nouvelliste, blogueur et membre fondateur du blog littéraire Biscottes littéraires. Il faut dire qu’en matière d’écriture, Kouassi Claude OBOE  n’en est pas à ses premiers jets.

En 2015, ii a publié son premier recueil de nouvelles  Pour une histoire de virgules & la femme minée. En outre, il a participé à quelques œuvres collectives. Il s’agit d’une part d’un ouvrage didactique intitulé Pour une maîtrise de l’épreuve de français au second cycle en 2014, et d’autre part d’un recueil de nouvelles : Savanesque et autres nouvelles en 2021. Cette fois-ci, il nous propose Un peu de feu, un recueil de nouvelles paru aux éditions Savanes du continent en Février 2023. Écrit sur 165 pages, ce livre est un condensé de neuf nouvelles  toutes aussi intéressantes les unes que les autres : « Amour à toute épreuve » ; « Dondon Klili » ; « La foire aux miracles » ; « Les petits démons de Robert » ; « Morsure profonde » ; « Face au destin » ; « Le Coffi de ma mère » ; « Nadine » et « Un peu de feu ».

Claude Kouassi OBOE nous fait sentir et ressentir des sensations fortes. Il fait resurgir des sentiments sincères. Il nous maltraite dans les différentes péripéties de la vie. Il a su choisir les mots qu’il faut. De simples mots, catalyseurs de l’insensibilité, pour nous tuer émotionnellement et nous ressusciter les larmes aux yeux.

Bref aperçu du recueil de nouvelles ‘‘ UN PEU DE FEU.’’

Comment comprendre qu’au nom d’une femme, l’on est prêt à tuer son enfant, son père, sa mère? 

Doit-on se mettre à dos toute la société et mourir à bout de souffle pour son vouloir intime et pour une femme?

N’y a-t-il pas dans l’acceptation et la compréhension des autres un pouvoir qui libère ?

Nos fréquentations influencent-elles nos valeurs et notre personnalité ? 

 Ne faut-il pas changer la donne, les règles du jeu même si c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle ?

Quelle responsabilité incombe aux parents en ce qui concerne leurs enfants ?

 Pour conquérir une femme et lui montrer qu’on est vraiment homme, faut-il nécessairement prendre Zoyɛyɛ et Sɔtchaɖoutcha?

 La femme ne doit-elle pas vraiment se battre autrement pour son homme que d’élire domicile chez le bokɔnon à la recherche d’une potion magique?

Être parent, est-ce obliger ses enfants à nourrir une haine viscérale contre sa personne ou bien  est-ce s’opiniâtrer à leur imposer ses propres choix  et à couper le souffle de leur passion, de leur devenir ?

Dans le cadre de l’étude de cette œuvre, nous allons nous intéresser à la nouvelle « Nadine » que nous présenterons sous les angles que voici:

  • Le harcèlement en milieu scolaire ;
  • L’irresponsabilité des parents et
  • L’irresponsabilité de l’administration.

Claude Kouassi OBOÉ nous plonge à travers cette nouvelle « Nadine » dans les méandres du harcèlement, ce fait récurrent dans nos sociétés et en particulier dans nos écoles. C’est, en effet, l’histoire de la petite et douce Nadine, camarade de classe et petite amie de Bossou. Ils préparaient ensemble  l’examen du BEPC. Nadine vivait avec ses parents et avait une existence paisible jusqu’à ce que monsieur Sakabo, son professeur des Sciences de la Vie et de la Terre, ne fasse de sa vie un enfer avec le soutien du Surveillant Général de l’établissement. S’étant entiché de son élève Nadine, Monsieur Sakabo voulut entretenir avec elle une relation amoureuse. Mais elle refusa. L’histoire s’ébruita et fut étouffée par l’administration du collège. La vie de Nadine n’était désormais que « lettres de menaces anonymes », « images montrant une fille morte », « malaise, peur », page 135. Cet enfer aurait sûrement pris fin si les parents de Nadine avaient prêté oreilles attentives aux complaintes de la fille. Une fin de non-recevoir catégorique lui fut adressée par son père lorsqu’elle demanda à changer d’établissement. « Plusieurs fois, elle revint à la charge, en vain. Elle se résigna à ne plus se plaindre des assauts répétés non seulement de monsieur Sakabo, mais aussi de certains autres professeurs qui l’humiliaient régulièrement en classe. Les jeunes de Hongodé, soudoyés par Sakabo, la harcelèrent aussi dans le quartier.  », page 136-137. Elle ne fit donc pas qu’une seule fois sa demande mais autant de fois qu’elle pouvait. La résignation ayant fait place à l’espoir, Nadine choisit la mesure radicale. Elle préféra « disparaître pour avoir la paix » plutôt que de continuer à subir la même situation. Un euphémisme par lequel elle faisait comprendre à ses camarades son désir qui transparaît plus clairement dans la lettre qui suit... Ce furent les derniers propos de Nadine. 

Commentaire

« Nadine » est certes une histoire imaginaire mais elle illustre parfaitement les réalités auxquelles sont confrontées plusieurs filles au sein de nos établissements et collèges.

Kouassi Claude OBOÉ nous fait voir graduellement le processus du harcèlement. « Le professeur des Sciences de la Vie et de la Terre avait voulu s’enticher de Nadine ». Toute la situation part de là. L’auteur nous fait voir que, dès l’instant où l’un de ses enseignants, dirigé par sa libido, décide de se faire une de ses élèves, celle-ci est prise dans une impasse. Les prédateurs passent par tous les moyens, particulièrement le chantage. Et cette fois-ci, c’était Nadine la victime. Une victime qui ne se plia pas aux désirs de son bourreau. Face à la demande de son professeur, elle « avait refusé et en avait parlé à sa meilleure amie qui prit le soin d’informer toute la classe indirectement ». Un refus qui, elle ne le savait pas, lui coûterait cher. En effet, celles qui osaient refuser en payaient le prix fort. Soit, elles abandonnaient les études, soit, elles finissaient comme Nadine. Ces enseignants-bourreaux déversaient leur colère et leur frustration sur la cible et parfois sur ceux qui faisaient partie de son entourage. Comme on peut le lire dans le livre, « Monsieur Sakabo, le professeur des Sciences de la vie et de la Terre de Nadine se fâcha (…) Il fit des interrogations difficiles ; la note était vingt ou zéro « . Aussi, « il pouvait parfois les soumettre à près de quatre interrogations avant la fin des deux heures de cours ». Autant de manifestations de sa colère qui avaient pour cible principale Nadine mais qui faisaient également des victimes collatérales. Il fomentait également des actes qui atteignaient directement la pauvre. « Nadine recevait constamment des lettres de menaces anonymes. Plusieurs fois, elle découvrit dans son casier et même dans ses affaires des images montrant une fille morte ». Nous pouvons convenir que ces actes visent à insérer la peur, le trouble dans l’esprit de la petite. Et cela a eu des conséquences sur sa vie, sur son développement physique, ses capacités mentales. Nadine « ne se sentait plus en sécurité », « Ses notes commencèrent à baisser de façon drastique, et ce, dans toutes les matières ». Ainsi, le rendement de Nadine en fut impacté. Le harcèlement est donc bien ce facteur qui oblige certains enfants à mépriser l’existence, leurs milieux de vie et surtout l’école. L’école qui n’est ni caserne ni prison, mais bien une seconde famille au sein de laquelle le maître ou le professeur tient le rôle du père et les apprenants celui d’enfants où ils doivent se sentir protégés, aimés devrait-elle devenir un lieu d’insécurité ?

Nadine, elle, à présent détestait aussi bien Monsieur Sakabo que ceux qui administraient l’établissement. « L’affaire parvint au surveillant général qui classa le dossier comme vide et se chargea d’infliger à toute la classe de rudes punitions collectives ». « Le directeur étouffa l’affaire »; « Néanmoins, (…), il promit de prendre des mesures idoines (…). En vain, les élèves attendirent les mesures ». Le surveillant et même le directeur par leurs actes ont fait montre d’une passivité monstrueuse voire d’une complicité criminelle avec Monsieur Sakabo. Cela traduit l’irresponsabilité administrative que nous évoquions un peu plus haut. Ces autorités d’écoles qui, pour maintenir une bonne renommée de leurs établissements, demeurent insensibles face à ces situations. Aucune mesure prise pour sanctionner le harceleur, aucune mesure prise pour protéger la victime. Juste un discours démagogique lorsque la situation semble empirer. Pire, « certains autres professeurs (…) humiliaient régulièrement Nadine en classe ». Une irresponsabilité qui les fait mettre sur le même banc que Monsieur Sakabo, tout comme les parents de Nadine.

Ces derniers n’ont pas su voir la souffrance, la dépression de leur enfant  quand bien même elle a fini par se confier à eux lorsqu’elle « n’en pouvait plus ». Certains parents, quand ils sont instruits et occupent un certain poste, ne pensent qu’à juste payer la scolarité de leur enfant et attendent que celui-ci aille en classe supérieure l’année suivante. Nadine, dans sa lettre, dénonce ce comportement : « Vous êtes plus préoccupés par le boulot que mes sollicitations de fille unique capricieuse. Maintenant que je ne serai plus là, occupez-vous de votre travail », p.138. Les parents oublient leur rôle d’éducateur, de protecteur, de conseiller. Aspirés par le travail, ils ne créent plus des occasions de discussions avec leur progéniture.

Si, aujourd’hui des efforts considérables sont faits dans le cadre de la lutte contre le harcèlement avec des mesures d’emprisonnement pour le harceleur et ses complices, il existe toujours de ces filles qui en sont victimes et préfèrent se taire. Il faut pouvoir mettre en place une politique d’écoute de ces filles-là. Et les parents doivent jouer leur rôle. Les articles 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme(DUDH) protègent l’enfant faisant des parents des responsables de sa protection en tant qu’être vulnérable. Par ailleurs, le code des personnes et de la famille du Bénin rend les parents responsables de leurs enfants tant qu’ils assurent l’autorité parentale sur ces derniers.

Et si nous parlons du harcèlement sexuel du professeur à l’encontre de l’élève, qu’en est-il donc de celui de l’élève à l’encontre du professeur ? Bref…

Conclusion

Kouassi Claude OBOÉ a conféré à la nouvelle « Nadine » ainsi qu’aux autres nouvelles une authenticité propre de par son style d’écriture. L’un des éléments essentiels caractéristiques de cette authenticité est l’onomastique ; la désignation des personnages et des différents lieux. Les noms confèrent aux personnages qui les portent leurs personnalités et sont essentiellement en  fongbé ou en mina. Vigblé, Ayélé, Nougblé, Makou, Zota, Takanon et autres pour les personnages ; Dassa-zoumè, Zangbé, Ahanoukopé, Waba etc. pour les lieux. Il réussit ainsi à nous plonger au sein des histoires par ces éléments de notre environnement et de nos cultures. Il suscite également en nous maintes émotions : la compassion, le rire, la tristesse.

Le mérite lui revient donc de nous donner à lire des textes qui s’inscrivent dans l’actualité de notre époque et qui soulèvent des problèmes auxquels il faille réfléchir et encore apporter des solutions mûrement pensées, adéquates et idoines.

Lire Un peu de feu, c’est participer à l’avancement du pays à travers ces résolutions que nous pourrions mettre sur pied. Faisons preuve d’activisme et luttons de toutes nos forces contre le harcèlement sexuel sous toutes ses formes!

Corneille / Hornelle / Stéphanie.

3 comments

Un tableau peint en noir. L’harcèlement en milieu scolaire. Un vice nuisible pour l’éducation de nos enfants. Par ailleurs, vous l’aviez su noter. Aujourd’hui, les parents sont tellement préoccupés par le boulot qu’aujourd’hui, ils ne trouvent plus un laps de temps pour causer avec leurs enfants. Je me suis surpris à moraliser un vieux monsieur. Lui demandant de consacrer au moins trente minutes de son temps chaque soir pour écouter ses enfants. 1an après, il m’a remercié.

Vous avez bien compris M. Dossou. C’est une situation d’insécurité terrible dans laquelle l’école est plongée, et par extension, les administrations publiques comme privées, même dans le show biz.

Comment puis-je me procurer du livre ? Qui contacter ?

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