« Ma version des faits » Carine Mambou

« Ma version des faits » Carine Mambou

« Ma version des faits » de Carine Mambou


L’auteure
Carine Mambou, auteure de Ma version des faits, est née le 7 décembre 1984. C’est une femme « combattante » selon le mot reconnu au Cameroun pour désigner l’esprit d’entrepreneuriat. De 2002 à 2017, elle a enrichi son Cv ; de présentatrice radio à Poala FM, elle finie en 2017 par la publication de ce livre que sommes en train de livrer la note de lecture. Sans toutefois anticiper, à lire ce livre, on l’impression au vu des métiers de l’auteure d’être en train de lire son histoire ; ces métiers sont ceux de l’héroïne en partie. Peut-être sommes-nous dans une œuvre autobiographique ! En tout cas, seule la suite nous le dira.
Etudes paratextuelles
D’entrée de jeu, on ne peut véritablement étudier une œuvre sans faire recours aux éléments para textuels. C’est pourquoi, notre premier arrêt portera sur la première de couverture. Sur cette couverture, l’image véritable est, en second plan. Il s’agit d’une image subdivisée en deux : au-dessus des maisons couvertes d’arbres à la lueur sombre laissant croire à la tombée du jour ou de la nuit avec et en arrière-plan une montagne avec un soleil traduisant la même impression. C’est dire à la lecture de cette image que l’intrigue se passera certainement dans un village. En dessous de ces maisons, le second pan de l’image est dominé par des taches de sang (on dirait en train de jaillir d’une artère). Ce sang invite à moult interprétations qui tireront leur sens dans l’association des différents éléments de la couverture. Ces images en filigrane sont recouvertes d’un voile transparent sur lequel sont inscrits le nom de l’auteur en noir laissant croire à une partie sombre de sa vie et du titre assez évocateur « Ma version des faits » ! Ce titre phrase laisse croire que nous serons dans un tribunal où chaque partie aura son mot à dire sur une question donnée. Le blanc dans lequel est écrit ce titre montre la vérité, la pureté et même la véracité du fait présenté. Cette œuvre aux allures policières de par sa couverture nous situe finalement dans l’« Histoire d’une vie » mentionnée en sous-titre. C’est dire que le lecteur ne doit pas s’ennuyer car certainement, l’histoire ira à la vitesse d’un tir de kalachnikov russe. En quatrième de couverture, un résumé de l’œuvre est fait ainsi qu’une brève présentation de l’auteure. C’est une femme d’une beauté singulière de par son sourire. C’est peut-être l’objet de « ses problèmes » si on l’assimile à la présentation du résumé qui est fait.
Structure de l’œuvre.
Cette œuvre de 122 pages est éditée chez Profonder en 2017. C’est une œuvre subdivisée en 10 chapitres : « Naissance », « Viol », « Etudes », « Sport », « Eglise », « Passion », « Entrepreneuriat », « Fiançailles », « Maternité » et « Ecriture ». Ces chapitres sont encadrés d’un « avertissement » pour permettant de mettre la barrière existante entre la fiction et la réalité. L’éditeur/ l’auteur tient à rappeler qu’il s’agit d’une fiction et que toute ressemblance ne serait que pure coïncidence. Par la suite, une dédicace à « toutes les familles qui ont connu un drame similaire… » et une préface de Victorine Mbong Shu qui reconnait que « L’écriture de ce livre était comme un voyage émotionnel avec Ngounou ». Dans la même, préface, elle situe le contexte de production de cet opus littéraire.
Vers une entrée dans l’œuvre.
Ma version des faits c’est l’histoire d’une vie assez triste de la petite, la jeune et enfin l’adulte Ngounou. Cette histoire pathétique ne laisse pas le lecteur indifférent. A l’âge de 10 ans en classe de CM1, « Elle a été victime d’un viol perpétré par trois personnes différentes, chacune à son tour » P. 13. Il ne s’agit pas d’un viol ordinaire, c’est-à-dire par des inconnus. Celui-ci est un forfait commis par des personnes insoupçonnées sensées être ses protecteurs. Les trois bourreaux de Ngounou étaient son oncle Deffo (25 ans) à qui sa maman la confiait « comme elle ne savait pas encore lire l’heure sur une montre » P.14, de même, Kuate (20 ans) son cousin et l’ami de son frère aîné et fils adoptif de la famille, Ayissi (17 ans). Ces trois lui ont volé sa virginité à l’âge de 10ans la laissant perplexe dans un traumatisme qui la suivra et déterminera le restant de sa vie sur tous les plans. Elle deviendra tour à tour repliée sur elle-même, délinquante, traumatisée, bref elle devint à la suite de ces viols, la métaphore du négatif. Or avant ces actes ignobles, elle est présentée par l’auteure comme une jeune fille « pleine de vie », « attentive, logique » bref, à l’ « esprit logique et cartésien ». La petit Ngounou gardera ce secret jusqu’à l’âge adulte car après son forfait, son oncle lui avait dit : « Ne t’en fais pas et surtout ne parle à personne sinon, comme je l’ai dit, tu mourras » P. 17. Il forma l’enfant au mensonge pour cacher ou encore dissimuler son mal en ces termes : « Si quelqu’un te demande pourquoi tes yeux sont rouges, dis-lui qu’un insecte y est entré ». P 17 c’est ainsi que la petite en grandissant va intégrer définitivement le mensonge dans son être. La petite Ngounou n’aura pas que ces obstacles à son épanouissement ! Tout le long de sa vie, est un périple singulier jonché de traumatismes divers. De son milieu sportif à l’école en passant par l’église et même son gynécologue une fois adulte pendant sa grossesse, elle ne manqua pas d’être la cible de pressions diverses. Mais final, elle fit la découverte d’une médication particulière, une sorte de catharsis : l’écriture pour panser ses plaies invisibles et mêmes visibles mais cachées.
Ma version des faits de Carine Mambou fait la critique d’une société malade qui a besoin d’un traitement urgent car le mal est profond. L’histoire de Ngounou est un prétexte pour interpeller toutes les âmes vivantes du monde. Sa première cible se trouve dans la critique des parents qui font de la quête du matériel leur condition d’existence en oubliant de prendre soin de la famille qui est la leur. La preuve, l’inattention de la mère a laissé perdurer le mal. Et pourtant, la fille a montré au travers de sa démarche qu’elle n’allait pas bien, mais la mère ne s’est pas intéressée parce que préoccupée par son travail. Carine Mambou interpelle ces parents à plus de vigilance « car certaines personnes n’arrivent pas à contrôler leur libido et détruisent la vie des jeunes enfants sous les yeux des parents sans que ceux-ci ne s’en aperçoivent ».
Sa deuxième interpellation se situe dans la critique de ces enseignants qui, au lieu de faire le travail pour lequel ils sont payés et s’arrêter là, détruisent la vie des jeunes filles dans une sorte de relation coupable où tous les signes montrent qu’il n’y a rien de sérieux qui puisse en découler. En effet, pendant ses études secondaires, Ngounou a eu le malheur d’attirer vers elle sans sa volonté au vu de ses performances scolaires, son enseignant de physique ; M. Beleck pourtant inspecteur et donc sensé être un modèle. A la vérité, M. Beleck était le père du jeune homme avec lequel elle avait une relation particulière de manière subtile. Mais ce monsieur ne s’empêcha pas de l’inviter dans son bureau et « lui tendit un ovule et lui demanda de l’infiltrer dans son vagin tout en lui expliquant que cet ovule est un puissant contraceptif qui soigne même temps les MST et le VIH SIDA ». P.41. Chose qu’elle refusa avec énergie et qui lui coûta deux années scolaires jusqu’au changement d’établissement. Et pourtant, elle est élève très brillante. L’auteure montre que tout a commencé par des petits noms et surtout la proximité créée par le « pédophile en puissance » du genre : « Chantou », « tu dois réussir à ton examen » P. 39, pourtant ce n’était qu’une stratégie.
Le troisième axe de combat de Carine Mambou est le milieu sportif. C’est un milieu infesté qui demande beaucoup d’attention et de prudence si l’on ne veut pas « perdre nord ». La preuve c’est dans ce milieu que Ngounou, fille calme à l’origine a pris des attitudes laissant à désirer. Il est vrai que c’est grâce au sport qu’elle a pu retrouver son équilibre car « Elle se sentait mieux grâce au sport et s’y mettait à fond ». P.47 aussi, « Ngounou commença, petit à petit à se retrouver dans cette posture de grande confiance en soi » P.49 . Mais seulement, ce milieu connait aussi ses réalités que Carine Mambou dénonce ici. « Au football, elle avait des coéquipières qui étaient elles aussi attirées par la gente féminine. Parfois elles se touchaient, s’appréciaient sans plus ». P. 53 c’est dire que Carine Mambou fait une critique au travers de l’exposition des faits, du « lesbiannisme » et des dérives rencontrées dans le milieu sportif.
Également, Ma version des faits remet en question certains hommes d’église. Cette œuvre permet de montrer que les hommes en soutane ne sont pas toujours ceux que l’on croit être. Carine au travers de son personnage Ngounou, nous montre que le vicaire puis, le curé de la paroisse qu’elle fréquentait ne sont pas resté attachés à leur vœu de chasteté lors de leur ordination. Ils ont essayé d’avoir une relation elle, profitant de la faiblesse manifestée lors de sa confession. Bien que cela n’ait pas marché, on peut imaginer qu’avec les autres c’est un fait car certainement elle n’est pas la première.
Dans cette œuvre aussi, elle aborde la question de l’immixtion des familles dans les relations amoureuses qui ne permet pas toujours de mener la relation à bon port. Elle ne fini pas sans convoquer le vœu pour toute femme de gouter aux délices de la maternité. Elle en souffre dans sa relation avec Nkeng car elle n’a pas fait d’enfant avec lui. Elle est traitée par la famille de ce dernier « d’arachide grillée » P.87 parce que selon eux, elle ne peut germer ; donc enfanter. Or c’est leur fils le problème car par la suite, après leur séparation aussitôt, elle fit une fille avec Fodouop.
Précisons qu’au-delà de ces thèmes elle aborde plusieurs autres que seule une lecture autre pourra déceler si l’on part du postulat d’une lecture plurielle de l’œuvre littéraire.
Parlant de la qualité, c’est une œuvre d’une simplicité qui fait que ce soit un livre facile à lire et par tout le monde. Ma version des faits mérite d’être étudiée et lue par toutes les familles car ce monde de plus en plus perd la raison en légiférant l’écart et en écartant la norme. Chacun, après de ce bijou intellectuel pourra à coup sûr prendre la mesure des choses en termes de précautions. Ma version des faits regroupe plusieurs caractéristiques permettant de la ranger dans ce qu’on appelle l’écriture féminine. Plusieurs éléments du féminisme y figurent notamment, le fait pour Ngounou de pratiquer au même titre que les garçons certains sports, le fait pour elle « lutter pour la première place en classe avec les garçons », le fait d’être une entrepreneure avérée, etc. Donc les féministes devraient s’y pencher pour une analyse plus poussée.

Quelques remarques
Nos impressions de lecture sont les suivantes :
C’est une bonne œuvre digne d’intérêt, mais qui gagnerait à améliorer certains aspects que nous énumérons ainsi qui suit :

Le suspens est très vite écarté, ce qui ne laisse pas en haleine le lecteur ;
On note très peu de dialogues, ce qui ne rend pas vivant le texte ;
A la vérité, nous n’avons pas véritablement perçu cette « version des faits » annoncée dans le titre car il n’y a pas eu opposition entre les points de vue ;
Rapprochant la vie de l’auteur en termes de CV et Ngounou, on pourrait classer cette œuvre dans le genre autobiographique. Seulement, toute l’histoire est racontée à la troisième personne avec parfois une focalisation externe et parfois zéro. Cette manière de faire rend difficile un classement objectif du genre de cette œuvre.

Voilà notre modeste contribution pour une amélioration à l’avenir.

Mohamed Dim

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