« Vert aphrodisiaque » Essie Noé

« Vert aphrodisiaque » Essie Noé

Vert aphrodisiaque de Essie Noé: Dire le plaisir du désir féminin à haute voix.

C’est une poésie jubilation de l’éros. Les fantasmes s’impriment sur les pages, en mêlant songes et désirs, avec la compétence ponctuelle d’un enchantement des amours du corps féminin duquel « Alone with feelings/tu retires la queue entre les jambes »(p. 6-p.30).

L’impact du corps de la femme devient donc explosif. De fait, le plaisir du corps féminin s’effeuille, à la manière d’une « fleur bleue »(p.4), page après page, « herbe mouillée « (p.34) après « herbe mouillée »(p.34), pour dévoiler le plus grand plaisir de l’organe qui « pénètre comme il se doit » un « je » féminin exaltant et exalté dans une jouissance rimant en « Oh,sere mwen/Santi ko-aw tout pre mwen/E de zye-w adan tan mwen »(p.4)/《 Oh, serre-moi / Sentir ton corps tout près de moi / Et tes yeux dans les miens》. C’est une célébration de la chair, l’ascèse par sensation de la joie que l’on éprouve durant l’acte sexuel. En d’autres termes, Essie dépeint les gestes et les « comportements, mais aussi sensation, images, désirs, passions » à la Foucault qui fondent un acte sexuel.

C’est une écriture poétique qui dépasse le genre sentimental et dans laquelle le génie féminin excelle. En effet, elle postule la déconstruction de l’ironie de l’écrit masculin , et permet ainsi au corps féminin de se dénuder progressivement, d’une manière ostentatoire. Ce qui ne fait plus du corps féminin un simple constituant du processus de la construction historique, cultuelle, culturelle et tout le tremblement d’un sociotope donné à la Timba Bema ( Les seins de l’amante, 2018). Plus amplement, le corps « de la belle dame »(p.12) ne se décline plus comme une commodité de satisfaction du désir sexuel des « légers va-et-vient/du membre de l’amant »(p.13) se définissant suivant le mode du cogito cartésien « je jouis, donc je suis » (Gueboguo), mais un symbole de la relation avec l’Autre et avec le monde: un fort besoin d’intimité, de désir et de rêverie, pour vivre et exister. Le corps féminin n’est donc plus un objet qui obéit au dévoilement imposé et voulu par « un homme libre de son État »(p.26), mais un sujet recherchant un bonheur intérieur qui se célèbre, sens enchantés, en toute spontanéité, sans hypocrisie avec le mâle.

Dans l’opuscule de Essie, « la grotte humide »(p.13) de « la femme invisible »(p.10)est dévoilée dans toute sa splendeur, au rythme du « membre [qui] l’enfonce pour apaiser son tourment »(p.13). D’un même pas, ses secrets, ses mille et un parcours, à la rencontre de l' »homme de peu de foi »(p.38), se narrent et se montrent librement, sans brouillage référentiel ni malice stylistique. Et ce faisant, l’acte sexuel, loin de tout regard freudien, est représenté dans toutes ses différentes variations de la « brouette thaïlandaise » aux « rousseurs amères de l’amour » en passant par « le noir du malheur »(p.9). De ce point de vue, l’organe de l’homme, qui ne lâche pas le « sein qu’il suce et malaxe »(p.12),dans ce processus érotique, n’est plus posé comme une finalité totale, une fin en soi, pour « une donzelle »(p.16), mais comme une sorte d’Azur à partager, à explorer.

On voit ainsi s’accomplir la prophétie Rimbaldienne sur l’indisponibilité et l’instabilité du rôle de la femme dans les sociétés modernes, et auxquelles Breton( Lettres voyantes,1925) suggère des répliques directes. On est d’emblée dans une écriture qui épouse l’intuition et la sensibilité des auteures telles que Lily Agnouret et Louise Labé. Des littéraires féminins dont les écrits se sortent de la gauloiserie pour s’offrir au sentiment d’une harmonie autonome permettant à la femme de narrer et d’analyser sa féminité en rompant entièrement avec toute forme de paternalisme intransigeant.

Tout compte fait, cet opus est la « preuve que [la femme n’a] pas encore perdu le Nord/[et qu’elle est] esclave de l’amour »(p. 26). Plus virilement, Vert aphrodisiaque se pose comme un langage féminin dont la compétence est l’expression de l’éros. La plume érotique de l’agent-écrivant togolaise Essie Noe, n’est donc pas un marqueur de « La guerre des sexes »(p.7). Elle est plutôt un motif qui clame et réclame essentiellement l’amour sans recourir à l’absurde et peu féconde bataille des genres. Ce, contrairement aux écrits érotiques masculins qui ont des éléments de misogynie en général.

Dans cet écrit sexualisé, il est question d’une prise de la parole par Essie pour traduire l’humanisme de l’éros et réinventer l’individu-femme. Femme qui dit sa sexualité, raconte ses acrobaties pendant ses actes sexuels, non pas pour exprimer sa condition de sujet minoré ou formuler une revendication déplacée dans une société où elle est la seule à pouvoir décider de la place qu’elle voudrait occuper, mais pour accrocher le jeu jouissif des organes et des scènes qu’elle dépeint sur un fond poétique.

En somme, le penser et le dire féminin s’expriment donc dans une forme poétique. La femme en lutte, et en quête d’affirmation de l’autonomie de sa sexualité, choisit l’écriture pour faire entendre la voix du désir de son plaisir. Sa voix comme voix de la jouissance et voix du corps, voix du partage et voix du sexe dévoilant la posture phallique qui dialogue avec la sensualité féminine au-delà du dire caché des pulsions sexuelles: « Vive la fiction »(p.11).

Nkul Beti, Esprit…

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