J’omets souvent de citer Maryse Condé lorsque je parle de mes écrivains favoris. Pourtant, à une certaine époque, j’avais lu presque tous ses livres. C’est elle qui m’a fait découvrir la culture antillaise tout en m’instruisant sur des parts insoupçonnées de l’Afrique. Elle a fait se rejoindre dans mon cœur ces deux terres qui me sont chères. J’aime beaucoup ses ouvrages, délicieux mélanges de fiction et de réalité.

Pendant un moment, la diversité que je voulais à mes lectures m’a poussée vers d’autres horizons littéraires et je me suis détournée du roman. Mais depuis quelque temps, je suis retournée à mes premières amours. Dans ma quête d’aération de l’esprit, je me suis emparée de « Victoire, les saveurs et les mots. »

Maryse Condé y parle de sa grand-mère maternelle. Elle y dépeint une femme au destin fort ingrat dans une société dominée par les hommes. Classique ! L’histoire somme toute, pourrait être banale. Des millions de personnes ont hélas eu une vie extrêmement difficile. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Victoire est une brave femme, an fanm doubout ! Mais ce qui me fascine réellement dans ce livre, c’est l’habileté avec laquelle Maryse Condé établit un parallèle entre la cuisine et l’écriture. De cette grand-mère qu’elle n’a pourtant pas connue, elle se réclame. Pour elle, cuisiner et écrire sont deux arts semblables. Dans l’un comme dans l’autre, il faut puiser au fond de soi sa créativité pour satisfaire convives et lecteurs.

Le plat est un chef-d’œuvre qu’on s’empresse de déguster sans égard pour le temps qu’a requis sa préparation. La rédaction d’un livre peut prendre de longs mois, que le lecteur réduit à quelques jours.

Le cordon-bleu et le bon écrivain sont tous deux des amphitryons qui régalent, l’un les papilles, l’autre l’esprit.

L’analyse de Maryse Condé me ravit car j’ai souvent comparé mes lectures à des plats que je savoure. « , les saveurs et les mots », en est un !

Son français châtié repousse le joug de la médiocrité que veulent nous imposer les nouveaux « grammairiens » au prétexte de faciliter l’apprentissage de la langue. Heureusement, avec Maryse Condé, la langue de Molière, de Senghor et de *Diome a encore de beaux jours devant elle.

Comme toujours avec elle, je me laisse entraîner dans la culture antillaise, picorant au passage plusieurs expressions enrichissant ainsi mon parler kréyol.  Plongeant dans le passé de ce vaillant peuple aux blessures toujours vives, je revisite l’histoire de l’humanité.

Comme on fait d’une pierre deux coups, si vous aimez, d’un livre tirer détente et culture, alors je vous conseille vivement « Victoire, les saveurs et les mots. »

 

Annie-Josiane SESSOU

* Fatou Diome, écrivaine française