« Une vie double », Mahuna Fidèle Anato

« Une vie double », Mahuna Fidèle Anato

Introduction

« Le jour où l’Eternel se permettra de somnoler, la femme prendra le volant du monde. » C’est par ces mots fous, non, forts, qu’il me plaît, fidèles abonnés de Biscottes Littéraires, d’introduire cette présentation. Mais rassurez-vous, je ne ferai pas le procès de la gent féminine. Avec vous, je voudrais, d’entrée signer un pacte : celui de vous imaginer dans la peau, dans la vie d’une autre personne. En lisant le livre que je vous présente aujourd’hui, je me suis plusieurs fois remémoré  cette maxime inscrite au fronton du temple de Delphes et que Socrate s’est appropriée : « Gnothi seauton  » « Connais-toi toi-même. ». Urgence de savoir qui l’on est en réalité quand la vie vous fait vivre, malgré vous et à vos dépens, une vie double. Et voilà, le mot est lâché. Une vie double est une pièce de théâtre de cinquante pages écrite par Mahuna Fidèle Anato. Cette pièce est  parue aux Editions TΔKΔ en 2017. Dans son ouvrage, le dramaturge Mahuna Fidèle Anato aborde la question de la paternité, pas comme l’a fait Abdel Hakim A. LALEYE dans son roman « Mon père, Mon choix » en peignant un père modèle. Mais il situe la paternité au coeur même des défis qui sont ceux de la famille aujourd’hui. On le sait, la famille a toujours été  le socle de toute société. Mais, certaines situations comme celle de la paternité des enfants que dénonce l’auteur, fragilisent et même brisent ce fondement qu’est la famille. Notre présentation ira du résumé à l’examen de certains personnages pour finir sur la figure du père dans la construction de l’enfant. Mais avant, quelques considération s’imposent.

 

1-Préliminaires 

Une analyse sur toutes les facettes de cette pièce, nous amène à remarquer que l’auteur est très attaché à la tradition à laquelle il veut redonner son véritable visage que la modernisation corrompt. C’est pour cette raison qu’il déroule son histoire dans un village mais lui donne un coté de modernisme. De plus l’heure dix huit heures deux minutes a, pour l’auteur, une grande importance, car c’est à cette heure que Gbèho apprend la nouvelle  au sujet de son vrai père, et c’est à cette même heure le lendemain qu’il se réveille de son sommeil. Par le chiffre 18, l’auteur nous montre d’une part le caractère sacré de l’annonce des nouvelles en milieu traditionnel qui se fait dans la soirée aux environs de dix-huit heures. Ensuite, il invite les parents, dans sa postface, à annoncer toutes nouvelles qui bouleverseraient la vie de leurs enfants au plus tard à l’âge de dix huit ans, âge de maturité. Le chiffre 2 représente la double vie de Gbèho, sa seconde vie. Aussi, il montre qu’en un laps de 24 heure que toute une vie peut changer et prendre un autre tournant, une nouvelle forme et c’est cela que traduit le titre de cette pièce intitulé : Une Vie Double.

2- Résumé de l’œuvre 

Comme mentionné dans la postface, « ce travail tire sa sève de la pièce initialement titrée « Ma deuxième vie et au-delà » de Mahuna Fidèle Anato alias le baobab devenu Une vie double à la première édition ». L’histoire débute un soir, à dix-huit heures deux minutes et s’achève le lendemain à cette même heure. Gbèho, jeune homme brave, comme l’indique son nom, apprend un soir que celui qu’il prenait pour père, Daito, ne l’était pas en réalité. Quel choc affectif et psychologique ! Il chercha toutefois à rencontrer son vrai père et ce, par le biais de sa mère Nannan. Mais Gankpo, son vrai père, pour « l’épargner des scènes macabres de ce bas monde » le plongea dans un profond sommeil puis n’hésita pas, par vengeance, à mettre fin à la vie du présumé père  de Gbèho. Voyant sa vengeance assouvie, il écourta aussi les jours de Nannan sa complice, mère de Gbèho. L’auteur de par cette histoire dénonce le phénomène de la paternité qui s’observe de plus en plus dans nos sociétés et en fait des victimes. Il mène aussi une analyse et  une réflexion sur l’image  que prend de nos jours la famille qui, selon lui, est et demeure une institution sociale de base.

3- Les personnages

Cinq personnages sont mis pleinement en actions dans cette pièce théâtrale. Il s’agit de : Ayinonkpévi, Gbèho, Nannan, Daito et Gankpo.

  • Ayinonkpévi: Gênée pas sa conscience et voyant sa fin dernière approcher, elle révéla à Gbèho que Daito n’est pas son vrai père. Elle mourut le soir de sa révélation à Gbèho.
  • Gbèho: Jeune homme de trente et huit ans, étudiant en agriculture tropicale, il apprend par Ayinonkpévi que Daito qu’il croyait être son père ne l’était pas. Turlupiné pas la nouvelle, il informa sa mère et après insistance, celle-ci, lui dira la vérité et l’amènera chez Gankpo son vrai père.
  • Nannan: mère de Gbèho, elle avouera à ce dernier la vérité sur son père mais sera assassinée par Gankpo à la fin de l’histoire.
  • Daito: Il est l’homme trompé par Nannan. C’est lui que Gbèho a toujours considéré comme son père. Il sera aussi assassiné par Gankpo à la fin de l’histoire.
  • Gankpo: Il est le vrai père que découvre Gbèho après la révélation faite par Ayinonkpévi. Son orgueil et sa rancune pour Daito l’ont conduit à faire des avances à Nannan femme de Daito ce qui conduisit à la naissance de Gbèho. Il assassina Daito quand celui-ci apprit que Gbèho n’était pas son fils.

4- La figure du père dans la construction de l’enfant

Comme je vous le disais dans l’introduction, imaginez-vous dans la peau ou dans la vie d’un autre. Le jour où le masque tombe et que le vernis s’écaille, tout s’effondre. L’enfant a besoin de ses deux parents pour évoluer correctement. La figure paternelle est nécessaire pour discipliner mais aussi éduquer convenablement l’enfant. Les familles monoparentales ne sont pas la panacée pour bâtir une personnalité équilibrée pour l’enfant. Ici, la responsabilité des géniteurs est interpellée. Quand on a fini de jouir d’une femme qu’on engrosse par la suite, il n’est pas normal de prendre la poudre d’escampette, obligeant ainsi la pauvre femme, sans ressource et soutien, à attribuer à un autre cette grossesse. Au-delà de l’injustice que constitue un tel acte, Mahuna Fidèle Anato invite à y voir un crime, une structure de vices, une chaîne de désordres moral et affectif. Le message est lancé surtout à la jeunesse. En ce siècle de libertinage et de permissivité, il est important de revenir aux fondamentaux de la vie. Et si l’auteur situe son intrigue au village, c’est pour insister sur le danger que court la société si la tradition, le dernier bastion, est atteinte. Il est clair que pour une éducation équilibrée, il faut la présence du père de famille. Il faut qu’il soit là pour réguler les comportements de l’enfant. Mais quand c’est à 18 ans qu’on lui annonce que son vrai père est différent de celui qu’il a vu jusque-là, toute sa vie se brise, tout est à recommencer. Mais ce n’est pas évident que l’enfant transcende la situation, l’assume et colmate les brèches.

Conclusion

Après la lecture de cette pièce, je me suis laissé séduire par la qualité de la plume de Mahuna Fidèle Anato, ce comédien Béninois qui, lors d’une interview disait ceci :  »

Aujourd’hui le théâtre est entrain de tanquer à l’étape où le théâtre populaire est reconnu comme tout le théâtre. Mais nous on va travailler à ce que le théâtre qui nous ressemble et qui est tout a fait professionnel aussi bien que, les autres formes du théâtre soient aussi valorisés. Il faut réellement que le théâtre béninois puisse faire connaître le Bénin à l’étranger. Aujourd’hui moi, je n’ai pas de concurrence, parce que j’ai reçu une formation, donc j’ai un feu de bois, alors que beaucoup dans le domaine aujourd’hui ont un feu de paille. Avec le peu de savoir faire qu’ils ont, certain sur le terrain font déjà un travail remarquable, mais se serait encore plus fort et plus joli, si les gens reçoivent déjà des formations en écriture de scénario, mise en scène et autres. Pour cela, il est, tant que la Charte culturelle soit adoptée et que véritablement les gouvernants fassent quelque chose dans ce sens.« [1]

Cela dit tout de l’étendue du talent de l’auteur. J’ai été surtout sidéré par l’imagination qu’il a eu, de faire dérouler l’histoire dans un village, opposant ainsi le modernisme, qui nous fait perdre nos racines culturelles, à la tradition qui doit en partie reprendre sa place et inspirer le modernisme. En fermant le livre, j’ouvre une parenthèse :  Si c’était moi Gbèho, qu’aurais-je fait? Je vous laisse répondre, puisque la question s’adresse à vous aussi. Mais avant, n’oubliez pas de lire le livre (juste 50 pages).

KASSA Phares Giscard

 

[1] http://euloge-olou.blogspot.com/2011/04/entretien-avec-le-baobab-fidele-anato.html

 

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