X Y (1/5)

X Y (1/5)

L’alphabet français contient vingt-six lettres. Monsieur Yindéssou et Madame Xavière se disputent juste pour deux d’entre elles.Aussi vrai que leur nom commence par Y et X, le couple se lorgne depuis des jours pour une question de X et Y. Ce matin, leur garçon ainé a surpris leur discussion pas très amicale ni consensuelle. Il rapporte ici les paroles et les actes :

M.Y : Tu sais chérie, des fois je regrette amèrement de t’avoir choisie comme élue de mon cœur à mes élections sentimentales. Je donnerais tout pour repousser le temps de quinze ans en arrière. Comme cela, j’aurais pris au sérieux la campagne sentimento-électorale de tes rivales de l’opposition à cette époque. Je regrette de t’avoir élue te permettant un K.O qui vaut aujourd’hui un chaos dans ma vie.

Mme X :Je suis habituée à tes blagues aux couleurs injurieuses. On appelle ça des railleries et des taquineries. A force de me les faire entendre chaque fois que je ne te donne pas ce que tu rampes pour demander, je me suis trouvée vaccinée et donc je préviens déjà mes sauts d’humeur.

M.Y :Et qu’est-ce que je demande en rampant déjà si ce n’est pas que tu quittes ma maison avec tes enfants afin que j’aille refaire ma destinée que tu as conjuguée à l’imparfait et au passé compliqué ? Tu veux que je rampe encore pour te demander cela maintenant ?

Mme X :Ce que tu viens de dire, on appelle ça de l’ironie. Je suis vaccinée aussi contre tes ironies et ta mère m’a toujours dit que tu excelles en cela. Si tu penses vraiment que je suis ton actuel rabat-joie, pourquoi n’attends-tu pas ce soir pour me le redire quand tu auras ce que tu demandes en rampant ? Quand tu seras en train de gémir de plaisir comme un gamin à qui l’on fait des papouilles ? Je crois que tu aurais le mérite d’attendre ce soir pour me qualifier. Tu es plus lucide la nuit après nos habituels voyages.

M.Y :Ce que tu dis, on appelle ça du détournement d’attention et de l’amadouement. Je suis assez averti et laisse-moi te dire que tu ne me feras pas dérouter aujourd’hui. Je suis fatigué de cette vie de couple que tu me fais mener depuis quinze ans. Je ne me sens plus homme, tu m’as usé et je me sens abêti. Dis-moi simplement que tu m’as faire boire un philtre. Sinon que je ne trouve rien en toi de spécial qui puisse me maintenir en couple avec toi.

Mme X :Je ne suis pas étonnée. Tu m’as toujours chanté les mêmes airs. Mais il est temps que je te chante les miens. S’il y a quelqu’un qui ait jeté un sort d’amour à l’autre, je crois dur comme fer que c’est toi. Sinon comment un homme du 21èmesiècle peut-il expliquer que moi, une femme intellectuelle, une diplômée de deux licences et d’un master de la période révolutionnaire, une fonctionnaire d’Etat sous le règne du gouvernement des compétences, comment expliquer qu’une telle femme élite, puisse se retrouver sous le toit trop modeste d’un meunier comme toi ? Dis-moi ! Tu es meunier d’enfance, je suis intellectuelle d’enfance, tu es meunier de jeunesse, je suis diplômée de jeunesse, tu es meunier de l’âge adulte et je suis fonctionnaire de l’âge adulte. Qui peut jeter un sortilège à quelqu’un pour obtenir son amour ?

à suivre…

 

 Fabrony Bill YOCLOUNON

10 comments

Vraiment drôle! Ce cynisme railleur dont excelle X et Y sont d’une même sauce et ne demande qu’appreciation. J’attends la suite avec impatience.

Drôle en effet, cher Edison Adjovi. Le ridicule, dit Bernanos, est toujours très proche du sublime

Belle plume avec des phrases poignantes mais surtout angoissantes.Cette trame est loin de son epilogue qui serait la mort suicidaire et tragique de l’un ou de l’autre car dépassé par les violences ou discriminations il se donnera la mort.La femme,malgré les caprices et les mots de violences démésurées aime toujours son homme et pas prête à se divorcer.L’homme,animé d’une violence dont la source est encore inconnue,haït sa femme et regrette les quinze ans de leur mariage.Cher frère,pésons de notre poids pour enfin dire Stop aux violences faites aux femmes.Fab ton écriture est comparable à celle de Florent Couao-Zotti qui termine ses livres par la mort tragique de son/ses personnage(s)principaux.

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