Bonjour les amis. Voici l’intégralité de la nouvelle « 250 » de FABRONI BILL YOCLOUNON. Bonne lecture à vous…
Cotonou. Six heures. La lueur matinale quoique hésitante, discutait déjà les derniers coins à l’obscurité de la nuit précédente.
Cette aube-là, la brise matutinale n’avait pas réussi à brasser la température interne dans la chambrette du jeune homme. « “Chaudification“ naturelle » depuis la nuit. Avec les 39°C en aoutage à Cotonou et environs, eh bien, c’est la preuve qu’il fait bon vivre dans les mégalopoles. Regard brusque jeté à l’horloge, bondissement-ressort du lit, entrée flip dans la salle de bain, toilette de soldat faite à la hâte.
Une fois que la serviette ait absorbé la dernière pépite d’eau sur son corps, le jeune homme se vêtit avec une prestance professionnelle. Débardeur enfoncé dans le sous-pantalon. Ceinture passée dans chacune les courroies du pantalon qu’il enfila en laissant la braguette ouverte. Il faut attendre que la belle chemise blanche-neige repassée et tri-passée la veille, fût enfoncée dans le pantalon noir pour tirer l’étirette vers le haut. Après quoi, le jeune homme pouvait se mettre devant la glace pour redresser sa chemise afin que sa pique soit sèche. La jeunesse aime les piques sèches parce que tout est sur mesure – tout est sur centimètre et non mètre.
La cravate noire courte, droite et menue en largeur était bien nouée et un peu moins serrée que la laisse autour du cou d’un mouton. Paires noires, pantalon couleur deuil, ceinture couleur ténébreuse, un coloris vestimentaire remarquable et attrayant. Un coup de peigne vint organiser la tignasse qui donnait une impression de broussaille après la douche. Le jeune homme appuya la pression d’un flacon de fragrance pour humecter le coin situé au bas de chaque pavillon. Il en fit de même au creux des veines des poignets ainsi qu’au creux de la jointure où s’accidentaient la fin de l’avant-bras et le début du bras. Il alla chercher son sac semblable à celui des avocats ou ambassadeurs. Il profita pour serrer sa montre-bracelet autour du poignet gauche.
Démarche alerte, un rythme galant, il faisait grande attention pour que le front de ses souliers brillants – on dirait qu’il les a plongés dans le cirage – ne cogne aucun caillou ou tout autre objet poussiéreux qui puisse rendre sombre et mélancolique l’étincellement desdits souliers. Avec toute cette élégance, ce jeune homme mérite bien un nom. Un si jeune homme instruit, disqualifié de la ligue des diplômés chômeurs, une incarnation de la déontologie vestimentaire, ces titres se résument bien dans un seul : « Akɔwé ». Le sieur Akɔwé ! Cela le fait bien ! Personne n’y perdra son fongbé : sieur Akɔwé, Monsieur Akɔwé ou frère Akɔwé, peu importe. Le plus notable et agissant est qu’on y retrouve “ Akɔwé “. Akɔwé a pu sortir sa tête du vase du chômage, a pu briguer un poste dans l’administration publique saturée comme la sauce « mãn tin djan ».
06heures 45 minutes de l’aube. L’Alba astrale purifiait le ciel de ses crasses nocturnes. Les vrombissements de moteurs remplaçaient les rares chants de coqs urbains. Les oiseaux n’avaient plus le temps aux gazouillements. Etant en milieu urbain, ils se devaient d’aller à la quête de leur pitance qui se faisait rare dans ce milieu : ils ne cessaient donc de voler…
Akɔwéétait au bord de la voie. Debout sur les caniveaux servant de venelle aux eaux de ruissellement sur le goudron, il ressemblait à un apprenti du Taekwondo voulant saluer son adversaire avant combat. Jambes légèrement écartées en forme de V formant un angle obtus au niveau de son entrejambe, angle pareil à celui de la lettre « V » ; mains en forme de « x » derrière avec une main gardant le sac. Position Akɔwé à la Vx., celle de CR7 prêt à tirer les coups francs.
Bruissement de moteurs de tout genre, vitesse-éclair des véhicules qui passaient et laissaient entendre un flip poussant le piéton à regarder l’arrière du véhicule ; klaxons questionneurs des zémidjans qui s’enquéraient de ce que le client voulait solliciter leur service. Les taxis étaient aussi dans la danse, ne laissant personne indifférent par leurs carrosseries républicaines (vert-jaune-rouge).Il ne fallut que quelques secondes pour découvrir ce qu’attendait Akɔwé. Un bus blanc dont les pneus mangeaient l’asphalte du macadam. Son conducteur jouait avec le klaxon qui ne pouvait que retenir l’attention des piétons et même des passagers routiers.Un jeune homme debout dans le bus – à côté d’une portière arrière-chauffeur, avec la tête hors vitre et la main faisant de grands gestes chantait :
- Tokpa ! Tokpa ! Tokpa ! Tokpa !
Akɔwé était bien habitué de ce refrain qui ne le gêna guère et ne fit qu’accroître sa joie. Ayant entendu le refrain, il se mit à balancer son bras droit vers la direction du bus qui n’était qu’à mille décimètres de lui. Ce geste stoppeur ou alerteur n’échappa guère au racoleur qui ne cessait de chanter à son patron chauffeur :
- Arrêt, arrêt…
Sans se soucier de mettre le clignotant, ce patron chauffeur ralentit sèchement dans un crissement des ferrailles rouillées et serra le côté droit sur l’indignation des conducteurs de moto qui, étant derrière le bus et étant surpris par ce brusque ralentissement lâchaient le guidon droit de leur moto, et assénaient des coups à la carrosserie en honorant le chauffeur des injures inspirées :
- « Le cul de ta maman »
- « Le rectum de ton papa »
- « Espèce de chauffard, où as-tu appris à rouler ? »
- « Qui t’a donné ton permis ? Je devrais te le déchirer et t’offrir une autre séance d’auto-école. Indonjon… »
- « Akobanon ! Tu roules pour les enfers, n’est-ce pas ? Tu n’auras la peau de personne. Sorcier moderne ! »
- « Chauffard, cafard, saoulard ! Ce beau matin et le voilà déjà saoulé. Chers passagers, vous devriez sortir de ce bus, véritable canal et transition vers la mort. Le gouvernement, en plus de gendarmer les conducteurs sans casque et sans plaque d’immatriculation, devrait aussi se pencher sur votre cas, chauffards!.
Quel salamalec matinal !
- Eya Eya ! Rentre dans la chambre ! Rentre dans la chambre pour qu’on démarre, tonna le racoleur.
Le jeune racoleur lui trouva une place dans la troisième rangée à côté d’une dame géante dotée d’une marmaille bien fournie de trois enfants qui la gênaient. Le chauffeur avait digéré sa dose matinale d’injures.Il redémarra son bus à la carrosserie blanche trahie à quelques endroits soudés récemment. Les rétroviseurs étaient fissurés et dessinaient une toile d’araignée. Le pare-brise du devant également. Certaines vitres latérales n’existaient carrément plus. Cela réjouissait quelques clients qui bénéficiaient d’une ventilation constante. Les pneus étaient devenus lisses avec le temps comme le dos d’un nouveau-né et ils présentaient des difformités qui portaient à croire qu’ils ne tarderaient pas à s’éclater.Cinq minutes sont passées après le redémarrage du bus de Cocotomey. Le racoleur chantait toujours son refrain dans la même position :
- Tokpa, Tokpa ! Tokpa, Tokpa !…Son patron l’accompagnait avec l’instrumental klaxon pi pi pi pi.
Akɔwé n’était pas dans une position confortable. Sa chemise risquait des taches. Le chauffeur ne s’en souciait guère. Cure-dent à la bouche, yeux non débarrassés des crasses nocturnes, chemise mal boutonnée laissant à découvert sa poitrine à la pilosité mal taillée, cheveux en bataille, nez en l’air, il conduisait sans trouble. Le bras gauche déposé sur le bord de sa vitre latérale gauche, la main droite tournant le volant, il crachait par la vitre la salive bouchée de détritus du cure-dent sur le macadam. Akɔwé n’étant qu’un locataire occasionnel de ce bus, ne pouvait broncher.
Les tierces évoluaient au fur et à mesure que les pneus tournaient. Le racoleur n’avait perdu aucun grain de son zèle :
- Tokpa, Tokpa ! Tokpa, Tokpa !…
La circulation grossissait. Le soleil trônait dans le ciel. La température s’élevait. Dans le bus, il restait six places à combler. Le bus évoluait toujours sur l’axe inter-état Togo-Bénin en direction de Cotonou. Quelques tours de pneus après le Carrefour dédié au porc : « Aglouza-carrefour », le racoleur fit à son patron :
- Arrêt ! Arrêt !
Stationnement subit sans clignotant ; « stationnement interdit » violé. Sans que le chauffeur ait complètement freiné, l’apprenti sauta du bus dans un dynamisme hors-pair. Il ne craignit aucun danger. Il se dirigea vers sa cliente – c’était une dame – la déchargea de son panier rempli de marchandises.
- Combien dois-je payer pour mon bagage ? s’enquit-elle.
- 200 francs, belle-mère !
- Deux… combien ? Son visage changea de tenue et se vêtit d’une surprise courroucée. Elle se décontracta en lui ajoutant : j’ai gagné à la loterie on t’a dit ? Si tu ne veux pas prendre 100 francs, merci de me recharger de mon bagage.
L’apprenti cherchait à insister pour qu’elle lui augmente quelques centimes.
- Eh belle-mère ! Toi aussi ! S’il te plaît, ton gendre ne doit-il pas manger ? Cessons palabres là et augmente 50 francs. Il n’attendit pas la réplique, s’étant déjà précipité de grimper avec singerie le bus. Il se retrouva en haut et demanda à la dame de lui porter vers son bagage. Celle-ci éleva le panier et le lui remit :
- Je crois avoir été assez claire avec toi hein. Je débourse 100 francs et pas plus pour ce panier qui ne pèse même pas.
Alors qu’ils concluaient leur deal, les autres passagers s’indignaient depuis de la lenteur du racoleur. Son patron en profitait pour faire la cour à d’autres potentiels clients de l’autre côté de la voie.
- Belle-mère, tu es vraiment dure et tu serres beaucoup ta main ! Entre quand même. Après tout, j’aurai ta fille en mariage, lui servit-il d’une hilarité mimée avec sérieux.
- Gourmand de gendre ! Tu penses que je laisserai ma fille, si j’en avais, à un pingre comme toi ?
Malle arrière ouverte, première place occupée sur la dernière banquette. Le moteur vrombit plus fortement et s’en fut. L’apprenti courut comme un fou pour rattraper le bus en y sautant avec succès. C’était son job. Akɔwé jeta une œillade à sa montre : 07heures 15minutes. Il priait pour que le bus soit vite au complet afin qu’il n’y ait plus d’arrêt.
- Tokpa, Tokpa ! Tokpa, Tokpa !
Le bus s’approchait du prochain carrefour où il y avait toujours de clients le matin. Les conducteurs de bus se bagarraient en vitesse comme en Formule 1 pour être les premiers à aller sur ledit carrefour nommé « carrefour Lobozounkpa ». Le chauffeur et son apprenti virent une replète cliente avec assez de bagages de l’autre côté de la voie.
- Vite, traverse et va la chercher !
L’apprenti n’attendit pas le ralentissement des engins. Il tenait son bras gauche en l’air comme Béhanzin à la place Goho vers la direction des conducteurs, puis il se faufilait comme un cobaye chassé, entre les motos obligées de freiner avec des bruits de freins non graissés et avec des insultes à son endroit :
- Quel diable te pourchasse, jeune délinquant ?
- A cause de combien, tu exposes ta vie au danger ?
- Laissez-le ! Je vais l’écraser sans m’arrêter…
Le bus accueillit la nouvelle passagère d’un bonjour qu’elle servit en premier.
Akɔwé, perturbé jusqu’aux viscères par la traîne du voyage, se cachait sous un silence de jeune homme civilisé. Il consulta sa montre : 07h25minutes. Il priait tous les dieux pour que le chauffeur démarre. Ses prières furent exaucées. Le bus dans sa course venait de dépasser le carrefour du CEG Godomey.
- Tokpa pressé, Topka pressé ! Un personne, un personne, un personne ! Topka pressé, un personne…
La circulation étant fluide, la vitesse du bus s’accrut. Le vent soulevait les grains de sable tapis sur le goudron noir qui allaient se réfugier dans les coins d’yeux de quelques clients. Akɔwé dut baisser sa tête pour éviter cette poussière. A l’intérieur, ça s’échangeait. Ces bouches féminines se plaignaient de leurs maris, des enfants et du président têtu.
- Topka pressé, un personne…
Le bus venait de descendre de l’échangeur alors qu’il sonnait 7h40minutes. La circulation se densifia. Deux rangées de véhicules, toute taille confondue, roulaient à une vitesse lente comme la colère du bon Dieu. Une véritable queue leu leu ; 1mètre/minute, vitesse maximale. A côté d’Akɔwé, les murmures d’indignation fusaient :
- Eh mauvais sang ! C’est quoi ce go slow à cette heure-ci ?
- Je dois être au service avant huit heures sinon mon salaire va en connaître une blessure.
- Quel enfer ! Et c’est comme ça tous les matins !
Ces indignations rejoignirent le cœur du jeune homme qui se souvint aussi qu’il devait voir le véhicule de son patron arriver et non le voir garé. Sinon son mince salaire serait ébréché comme un pain décoré par le museau d’une souris. Il plongea son regard dans la circulation entre-temps arrêtée pour ne plus y penser. Les véhicules évoluaient à tâtons. L’atmosphère devenait ambiante. Les fumées disparaissaient dans les narines des passagers. Les bruits des moteurs s’imposaient aux tympans. Les aisselles dessinaient un cercle sudoripare sur les chemises et camisoles. Des parfums virils et de moindre gabarit s’en exhalaient. Les nez étaient pincés et des quintes de toux libérées. Le front d’Akɔwé éjectait des gouttelettes. Une chaleur s’empara de tout le bus. Le chauffeur descendit le col de sa chemise laissant nettement voir son cou et ses épaules. Tout le monde s’éventait. Les mains s’agitaient : tout pour avoir un filet d’air.
Akɔwé desserra légèrement sa cravate et se saisit du bout inférieur pour un mouvement d’éventail. Le rang n’avançait pas. L’odeur des fumées se triturait avec celle des fragrances : mixture. Le chauffeur mit en marche la radio dont les grincements subits firent bondir les clients. Le poste récepteur captait difficilement les ondes de la radio nationale. Pourtant, il était décidé à capter une fréquence. Enfin il s’arrêta sur une station-église. C’était des versets bibliques à n’en point finir. Et le voyage des versets bibliques ne s’arrêtait pas. Les clients prirent avec un peu de foi leur patience pour assister en live à cette évangélisation chaude. Ces vociférations radiophoniques piquaient le jeune homme qui pensait déjà à la mine de son patron s’il lui arrivait le malheur d’être en retard. Plus il y pensait, davantage il s’énervait. Mieux il s’énervait, plus la chaleur lui faisait ressentir des picotements sur le corps. Il remarqua que sa chemise se mouillait dans le dos. Akɔwé en voulait à tout le monde en même temps et jetait un regard enflammé sur la nuque du chauffeur. Celui-ci se gratta la nuque comme s’il s’en était rendu compte. Cinq minutes plus tard, le bus fit son au revoir carrefour Bénin-Marché puis se retrouva par grâce au prochain carrefour. Le jeune homme poussa un soupir dans son cœur. Sa destination était à un kilomètre. Arrivé au deuxième carrefour après le stade dédié à l’amitié du Général Kékéréké, les hommes armés en uniforme s’étaient juste armés de leur sifflet et de leur matraque pour servir de feux tricolores.Le coup de sifflet et la matraque en l’air signifiait le rouge d’arrêt. Le vert s’inventait juste après selon l’inspiration de chaque homme armé.
- Allè tellain salle d’ l’ami tué ! (Arrêt terrain, stade de l’Amitié) clama une bonne dame en arrière. Cette exclamation valut à la nuque d’Akɔwé une pluie diluvienne de salives. Il se retourna prestement pour analyser la bouche d’où lui venait cette fraîcheur. Il donnerait cinquante années de vie à cette bouche ridée. Dès qu’il dévisagea la quinquagénaire aux rides, il s’empressa de détourner son visage. Le bus s’arrêta. L’apprenti chauffeur aida la dame à descendre avec ses bagages. Une place de moins.
- Tokpa pressé, un dernier personne ! Tokpa, Topka !
Cet appel exaspéra les passagers. Les huées simultanées fusèrent :
- Quoi, tu n’es pas rassasié, toi ? Avec tout ce temps qu’on a déjà perdu, tu te permets encore le très vilain luxe de vouloir faire entrer un autre passager ?
- Tokpa pressé, un personne ! Tokpa rapide !
Akɔwé se moquait, il était proche. Le carrefour Toyota lui souriait de loin. Il resserra sa cravate et vérifia ses documents dans son sac. En tant que secrétaire, il devrait rappeler à son patron les imminents rendez-vous de la semaine.
- Carrefour Toyota, fit-il d’une voix de secrétaire.
- Arrêt carrefour Toyota répéta le racoleur à son patron qui pour une fois mit son clignotant en marche. Les pneus ralentirent leur course et Akɔwé sortit un billet de 500 francs de sa poche. Avant de se retrouver hors du bus, l’un des enfants de la dame mastodonte lui tapota le dos avec un cri amusé de gamin :
- Hé ! Fooofo, Fooofo ! (Grand-frère). Puis il se mit à sourire de ses quatre dents deux à deux superposées. Akɔwé prit ce sourire comme un souhait de bonne journée et remit une pièce de 100francs à l’enfant. La mère de celui-ci s’empressa de le remercier :
- Merci tonton. Dieu te le rendra ! Tu auras beaucoup d’enfants !
Akɔwé sourit et répondit “Amen“ avec réserve puisque lui ne voulait pas avoir beaucoup d’enfants. Il remit le billet de 500 francs au racoleur et attendait sa monnaie, debout avec son sac. L’apprenti lui tendit une pièce de 200francs et une de 50 francs. Il empocha ses 250 francs et attendit que le bus s’en allât avant de traverser pour se retrouver dans la ruelle de son service. Son cœur battait au rythme de l’empressement de ses pas. Sa cravate dansait au rythme du vent. Ses yeux cherchaient de loin un véhicule, un tricycle bleu de marque “Kawasaki“ pour être plus précis. Le véhicule de son patron était déjà garé.Un liquide incolore embua ses yeux et assombrit sa vision. Il consulta sa montre. Il voyait à peu près 7h57, 58 ou 59minutes. Il se dirigea sans trop de fermeté vers l’entreprise, une entrée-coucher bien meublée. Une fois à l’entré, il vit rapidement son patron en train d’emballer quelques colis. Akɔwé fit semblant de regarder sa montre et leva sa tête vers le fronton de la porte pour lire ce qu’il a toujours lu :
“Ets Zéro Chômage et Cie“, société de distribution de « Atchonmon » (petits cailloux) de tout genre.
Akɔwé entra :
- Bonjour Monsieur le directeur. Je m’excuse pour le léger retard. Un souci d’embouteillage dans les rues cotonoises. Aujourd’hui nous avons à libérer 50 bouteilles de petits cailloux au supermarché “Ifèlayo“, 30 bouteilles de coco râpé à MadameEl Hadja puis 20 bouteilles d’acajou à la boutique de votre belle-sœur. Je voudrais aussi vous rappeler que votre rencontre avec l’équipe de préparation du Atchonmonest prévue pour tout à l’heure à 10heures.
- A 10heures vous dites ? Hein Mr Akɔwé ? 10heures du matin ou du soir ?
- Du matin Mr le directeur, lâcha prestement Akɔwé qui faisait déjà semblant d’opérer une vérification avec la souris sur l’ordinateur bureau, véritable moulin rescapé de la Deuxième Guerre Mondiale. La machine s’éteignit sans crier avertissement.
- Désemparé, il reprit en jetant un regard benoît à son patron :
- 10heures du matin Mr le Directeur.
- 10heures du matin et vous, en tant que secrétaire, vous vous permettez d’accuser d’un retard que vous avez pesé et trouvé de léger. Houm ! Quel genre de secrétaire êtes-vous finalement ? Ah ces jeunes diplômés de l’Approche Par Compétence ! Vous n’approchez même pas encore le chemin qui mène vers la compétence. Et dire que je vous paye 25 bons mille de francs CFA par mois. Ah non ! Je vais désormais sévir. Votre salaire connaîtra non seulement un léger retard mais aussi une légère égratignure.
- Patron ! Monsieur le directeur !
Il n’eut pas le temps de s’expliquer. Son patron était déjà occupé par ses nombreux appels téléphoniques. Le jeune homme s’accusa :
- J’aurais dû prendre mon taxi-moto « kloboto » et je serais à l’heure depuis.
Pourquoi cette plainte ? Akɔwé n’avait pourtant payé que 250 francs.
Fabroni Bill YOCLOUNON