Bonjour les amis. Que lisez-vous ce Lundi? Et si on passait les vacances à se détendre en compagnie des livres et des histoires qu’ils renferment? Adébayo Cyriaque ADJAHO

nous en donne l’exemple. Ensemble, découvrons ce chef-d’oeuvre de Sedjro Giovanni HOUANSSOU, prix RFI Théâtre 2018.

 

La Rue Bleue ! 95 pages qui m’ont l’air de 95 pas voire 95 kilomètres pour un voyage épique, déroutant et hilarant au cœur d’un bas-quartier des plus sombres en apparence. Ici, dans la Rue Bleue, des baptêmes se font au rythme du lever du jour. Pourvu que le soleil se lève, un hors-la-loi s’immortalise malgré lui. C’est l’apanage des miliciens du quartier qui ne font pas de quartier aux voleurs. Koïgo n’en n’aura pas assez de mettre en garde Roland, son client d’une nuit aux pneus crevés : <<Regarde petit. La ruelle juste derrière s’appelle Castino. Celle en trois s’appelle Révérend. Chacune des rues environnantes porte le nom d’un voleur(…) Il n’y a rien à faire, la milice n’aime pas les voleurs. >> Page 62. La première note de cette pièce de théâtre est celle d’une rencontre du hasard. Un hasard fait de peur et de crainte pour Roland l’intello en qui, le bas-quartier voit déjà une ombre. Un politicien. Auteur de tous les malheurs de ces âmes souffrantes et désireuses de conserver leurs habitats, Roland est le prototype parfait de l’intello bardé de diplôme et d’argent à qui il suffit de passer un ou deux coups de fil pour raser un quartier blindé d’histoires les unes aussi truculentes que les autres. Développement urbain et préjugés animent donc les débats entre Koïgo et Roland. Koïgo est vulcanisateur et sait planifier le hasard. Celui-là même qui crève les pneus entre 00h et 6 h pour ensuite faire la conversation au client malheureux pendant que l’apprenti tente de colmater les brèches. Koïgo, le chef vulcanisateur, n’en a pas assez de discuter de l’assainissement et des conditions de vie misérables des habitants du quartier. Il ne tarie jamais d’anecdotes et d’images vampiriques pouvant flanquer une de ces peurs bleues à son interlocuteur. La peur, fut-elle bleue ou pas n’est pas ce qui manque tout au long de ce voyage sombre au cours duquel Roland préfère ne pas trop tailler bavette.

La Rue Bleue, un projet d’urbanisation du gouvernement, sera le point d’achoppement entre les deux hommes. Roland entretemps silencieux et pressé de reprendre sa route ressent l’obligation de défendre son point de vue. Mais la milice approche. Ils se réfugient chez Rama, la Belle. Une vieille aveugle et rongée par la mort de ses deux enfants tués par le train. Psychanalysé par Rama et Koïgo, Roland se retrouve à nouveau pris dans un piège qui lui semblait sans fin. Rama tente de le défendre alors que Koïgo, suspicieux, l’enfonce et menace de la livrer aux miliciens. Le dialogue est passionné, hilarant et déroutant. Suivre le raisonnement de Koïgo requiert à la fois attention et profondeur d’esprit. Quant à Rama, elle est l’emblème de la femme victime mais qui refuse malgré que la société l’aveugle, de se résigner. Mais ce qui frappe et fouette l’esprit du lecteur que je suis chez ces deux personnages, c’est le calme dont ils font montre face au chaos. L’importance du sujet et tout le sérieux qu’il renferme n’ébranle en rien leur humour. Un humour noir qui se développe au contact de la brutalité et de la violence des images décrites par Koïgo. Olé ! Olé! Olé!….ces cris de jeunes gens à la poursuite d’un voleur d’une nuit sont sources de tourments pour l’intello. Normal. Il craint pour sa vie. Mais encore plus pour celle de l’infortuné qui brave la foule pour échapper à la vindicte populaire. Vindicte populaire ou vindicte politique ? Roland choisira malgré lui la réponse qui s’impose. La milice est maintenant à ses trousses. Lui, le politicien ou le magicien du développement urbain. Son secret gardé jusque- là ne tiendra plus longtemps dans sa poitrine. La psychanalyse de Koïgo a échoué mais la pression de la foule à sa recherche le fera parler. Au fil des échanges les positions changent brusquement. Koïgo en vient à prendre la défense de son client par pitié, alors que Rama ayant découvert sa vraie identité est prête à le livrer à la milice. Roland décide stoïquement de prendre la porte comme le lui indiqua Rama. Il rejoint la milice remontée à bloc dans un face-à-face tendu. Quel sera le sort de Roland? Qu’adviendra t-il de ce quartier en proie à tous les vices que Koïgo a si gentiment décrit à son client ? L’on ne saurait répondre à ces questions s’il n’advient une lecture passionnée et attentionnée de cette pièce de théâtre parue aux Éditions du Flamboyant. Elle est de Sedjro Giovanni HOUANSSOU, prix RFI Théâtre 2018. Bonne lecture, à tous et à chacun!

Adébayo Cyriaque ADJAH0