« L’homme en tant qu’individu fait d’os et de chair, de moelle et de nerfs, de peau couverte de poils et de cheveux, se nourrit d’aliments et de boissons. Mais son âme, son esprit, vit de trois choses :  voir ce qu’il a envie de voir, dire ce qu’il a envie de dire, et faire ce qu’il a envie de faire ; si une seule chose venait à manquer à l’âme humaine, elle s’étiolerait définitivement. » page 42 Que manque-t-il à notre narrateur ? Va-t-il laisser son âme s’étioler ? Découvrons ensemble!Le récit est tellement captivant qu’on est obligé de lire, de continuer et de ne point vouloir s’arrêter. Dès les premières pages, le narrateur s’est mis à nous décrire son enfance. Une description qui vous hypnotise et vous plonge dans la vôtre et pendant que vous rêvez, il partage avec vous ses souvenirs. Le narrateur raconte son enfance où son père n’a toujours pas été là à cause de son travail. Malgré cette absence, le lien familial avec son père était solide jusqu’au jour où, comme un élément perturbateur, la mère adoptive de son père, la sœur Violaine, tira sa révérence.

Selon les mots du narrateur, son père devint taciturne et solitaire. Il voulait connaitre ses origines. Il savait qu’il n’était pas vraiment français. Il était peut-être français dans la tête, mais pas de couleur de peau. Après avoir lu des mots laissés par sœur Violaine, qui bouleversa son existence, il entreprit d’aller à la recherche de ses origines. C’est là que tout devient intéressant. Le suspens est entretenu sur des pages ; soutenu par des énigmes.

Il a appris que son destin était lié à un souhait. Quelqu’un a un jour désiré la vie éternelle.« Avec la vie éternelle, je suis plus ou moins sûr qu’un jour ou l’autre la richesse me viendra, et que je pourrai alors en jouir à tout jamais avec ma femme et mes deux enfants » Page 31

Djédjé Bellanger ou Djédjé Préki ou encore Djédjé Pièga devra comprendra grâce à son périple que « le chien a beau avoir quatre pattes, il ne peut emprunter deux chemins à la fois. » Page 67 et que « la violence du vent n’enlève pas les tâches du léopard ».

Au-delà de la beauté de ce roman, il est question du dualisme entre le bien et le mal, entre religions endogènes représentées par le Kpihi, l’homme de pierre et religion chrétienne catholique représentée par l’Autre. Le Kpihi juge avoir des connaissances que jamais l’Autre ne pourra avoir ou enseigner.

On observe un choc culturel. Le père du narrateur qui a toujours vécu à l’extérieur se sent perdu dans son propre pays, vulnérable et incapable de comprendre sa propre langue. Alors qu’il croyait que la plupart que ses hôtes ne comprenaient pas le français et en était surpris de les voir lui répondre aisément et correcteur. Choqué de toute part, parce qu’encore dans son pays ou du moins dans son village, il sera immolé en sacrifice au Kpihi pour apaiser la colère de ce dernier. Il dira dans sa note à son fils : « Ce continent est le lieu de choses qu’il serait bien difficile à des Occidentaux comme nous de comprendre. » page 103

« À la poursuite de l’homme de pierre » est un chef-d’œuvre ou l’imagination et la raison s’entremêlent. Les contes sont d’une grande motivation. Nous devons nous hâter à les redynamiser et les transposer dans l’ère actuelle du numérique. Il nous faut trouver la façon de faire vivre le conte au travers du digital pour chaque soir, émerveiller les tout petits et motiver les grandes personnes. Qu’est-ce qui nous restera quand on aura tout perdu ? Aujourd’hui, nous sommes dans un monde voulu par d’autres personnes. Un village planétaire qui s’impose à nous malgré nous. Que proposons-nous en retour dans ce grand marché ? Les Smartphones ont remplacé le feu du soir, les beaux discours à table en famille. On est proche mais on est si loin. Qu’en est-il de notre culture ? Devons-nous nous contenter de suivre la tendance ? Les questions restent posées.

Stéphane Kalou est un Ivorien, il vit et travaille en freelance en communication. Paru aux éditions Présence Africaine, « A la poursuite de l’homme de pierre » est un roman de 191 pages. Il est écrit dans un style courant et à accessible à tous. Ici narration passe d’une personne à une autre. Ce qui est un pur régal. Le titre du roman est conforme à ce qu’on pourrait espérer mais se dévoile pas sur les premières pages. Ce livre est un repas copieux, ce roman ! Bonne lecture à vous et à très vite!

Léa O. de SOUZA