La prescription de culpabilité du roman « À moitié coupable » dans un demi-dosage effectuée par Damienne Houéhougbé et mise en route par les Éditions Savanes du continent est si flagrante qu’on en demeure pantois au sortir de ce livre. Tout y est en double ou à moitié. Cela dépend du côté de lecture où on s’ajuste. L’ouvrage commence par une préface donnée par le ton d’Habib Dakpogan qui dit: « () les écrivains, du haut de leur capacité de nuisance, ont toujours semblé contester la perfection de la Nature, au point de convoquer le diable dans le processus de fabrication psychologique des personnages… ». C’est d’ailleurs de cela qu’il s’agit, quand les jumeaux Yves et Yvon se trouvent ballotés dans un univers où l’un doit demeurer dans l’ombre de l’autre, tout en le défendant contre vents et marrées en y introduisant tout cette capacité de nuisance. Je reviens à charge du roman qui nous est déroulé en deux parties, le chiffre 2 revenant avec persistance et déploie les déboires de Béatrice Noukpo abusée sexuellement par Yvon en première partie et projetée dans un procès réaliste en deuxième partie. Cette œuvre parue en Mai 2019 dirige le lecteur dans la vie de ces jeunes gens qui, par une banale histoire d’amour, se retrouveront à répondre de leurs actes dans un procès où les mœurs et les a priori y tiennent une place de choix. Le regard de Yves, son implication persistante dans cette affaire par son témoignage et ses remous intérieurs ont fait de lui une entité unique d’une fratrie qu’il n’a pas choisie. L’auteur nous fait voir certes le lien indissociable qui existe entre les jumeaux mais aussi la personnalité entière que chacun d’eux forme dans leur particularité. Yves narre ceci en page 41: « Ma cervelle fut soumise, cette nuit-là, à une série d’analyses. Deux options s’offraient à moi. La première étant que j’accepte la proposition de mon père : ma famille serait tranquille, unie et moi j’aurais de fortes chances d’assumer un jour la présidence de notre grande entreprise. Béatrice serait dédommagée pour le crime dont elle avait été victime. La deuxième option était que je refuse la proposition de mon père : ma famille serait détruite, mon frère irait certainement en prison, mon avenir serait incertain, mais Béatrice aurait quand même eu gain de cause. Que faire?… »

Voici dépeinte l’écriture de l’auteure qui, dans un langage courant et accessible à tous, décrit le dilemme d’Yves qui passa des nuits entières à trouver une manière de contenter chaque membre de sa famille. Une famille symbole de notre société où le mal et le bien n’ont qu’un fil ténu de séparation selon que les circonstances s’y prêtent.

Les qualités principales de ce roman sont le suspense garanti jusqu’à la dernière virgule et l’art du dessin en gris d’un bassin féminin sur la couverture du roman où le mont de venus est un verre à moitié plein d’un liquide rougeâtre. C’est aussi ça le talent de l’écrivain qui, jusqu’à la dernière goûte, sait nous faire voir l’étendue de sa plume. « À moitié coupable » n’enivre pas mais donne un rubicond à ne pas franchir.

Myrtille Akofa HAHO