« Les amours incurables » est un recueil de nouvelles, à la texture très originale où des figures pâtissières rouges chevauchent une couverture toute blanche. Cette œuvre de Jean-Paul Tooh-Tooh parue aux  Éditions Tamarin en 2015, démarre par un liminaire réflexif et incisif. Je me suis surprise à lire une entame d’essai et un regard plus que réaliste sur des sujets qui sont des secrets…de Polichinelle pour la plume de l’écrivain. Ce n’est qu’à la signature de Houessou Akérékoro, « introduiseur » du recueil que j’ai compris qu’on en était à la première nouvelle. C’est dire que tout transporte ici, nonobstant tous les transports idylliques et lubriques dont  regorge le verbe personnalisé de Jean-Paul Tooh-Tooh. Tout porte loin avec cette franchise que n’ose pas tout narrateur mais qui devient sa signature à lui. Il ordonne l’inquisition chez le lecteur qui se mire dans le réel de ses écrits et tisse la toile de « l’araignée médusée » dans l’univers impie de Régis, artiste peintre qui, à court d’inspiration, veut du beau, de l’inédit, du lumineux, mais aussi des délices à travers Leïla. La pauvre et belle Leila. L’irrésistible et fatale Léila. Il y a toujours cet ordre déséquilibré des choses où tout se paie tant qu’on a les moyens et tout se gagne tant qu’on est léger de mœurs. Il n’est pas question de remords dans cette nouvelle. Juste l’absolu où tout passe et trépasse. Même la progéniture. Sauf que l’histoire est têtue, et la vie vindicative. La leçon est claire : le mouton ne broute pas toutes les herbes vertes. La nature comporte toujours des fruits défendus.
A « l’araignée médusée » , fait suite  « Devoir de cuissage », tout l’opposé du droit où à la page 36, l’auteur met: « Il fallait lui concéder ses caprices de femme béninoise, qui consiste à vous prendre pour un mouton quand vous lui adressez la parole pour la première fois », une ironie vengeresse que décrit la véracité de cette nouvelle où désir et drame sont nature et fin: une automobile qui finit dans le décor grâce aux coups généreux du chauve Adéyémou, ministre de la république qui sait jouir à tout point de vue de son rang. Dommage que le désir a son prix qu’on ne saurait manquer de payer pour autant qu’on veuille s’en délecter. Tout drame engendre des dégâts collatéraux : Laura et Yasmine sont les victimes consentantes des coups de boutoir du sieur Adéyémou.
L’horreur humaine conduit « Tourbillon élégiaque » dans le mal ambiant, dans l’horrible antre des hommes qui violentent et maltraitent leur épouse. Interdit naturel qu’on ne saurait violer impunément : la femme est sacrée. Ne pas le reconnaître, c’est comme se damner et se condamner à la potence des tragédies les plus terribles, apocalyptiques.  Le mal engendrant le mal, le malfaiteur par des forces qui le dépassent, est transformé en bouc pour boire jusqu’à la lie la plus aigre, la coupe du déshonneur.
Ah ! Le déshonneur sous la plume de Jean-Paul Tooh-Tooh, apparaît comme le salaire que paie la vie à ceux qui vivent en contrevenant volontairement aux lois de la nature. De toute évidence, l’âpreté  au gain ne mène  pas au bonheur. En découle, « Attraper le mur » qui conduit Nestor à des ébats « gay » pour avoir « sa propre » Christelle que lui ravit Django par l’ultime révélation à laquelle une bouteille de Coca-cola donna le coup de grâce.  La nature sait se rendre justice quand on la piétine…
« L’amante de Dieu » vient clore ce chef-d’œuvre par un suicide. Un suicide téméraire, verdict d’une vie mal aboutie et qui prend corps dans l’imaginaire débordant de l’auteur que confirme cette assertion de Gérard Genette: « Seuls les non-artistes ont une vision « juste », mais cette justesse est stérile. Seule la déformation artistique est féconde, parce que révélatrice pour les non-artistes eux-mêmes: « Et maintenant, regardez ! Et maintenant, lisez. »

Myrtille Akofa HAHO

 

  1. Très jolie analyse, Myrtille.
    Belle chronique sur un recueil de nouvelles que j’ai eu le temps de déguster à belles dents et d’analyser aussi. Un recueil au réalisme poignant et débordant dont on ne sort pas indemne.
    C’est de l’art, voyez-vous, celui de Jean-Paul Tooh-tooh.

    • Merci à toi, frère FOLLY, pour ta fidélité à ce blog. Nous croyons qu’ensemble, quelque chose de bien et de noble pourrait être fait pour la gloire des lettres chez nous

  2. Un commentaire qui donne envie de lire Bintou. Je veux lire cette œuvre de l’auteur.

  3. L’objectif est atteint: Présenter l’oeuvre pour susciter le désir de le lire. Merci Cédric. Mais n’oubliez pas de partager avec nous les fruits de votre lecture.