« Calepin d’une vicieuse« , quel titre ! Mais aussi quelle audace ! De toute façon, quand on sait qu’un tel livre est l’œuvre de l’auteur du recueil de poèmes intitulé « Corps raccords« , l’on ne devrait pas être surpris outre mesure. En effet, il y a chez Djamile Mama Gao, puisque c’est de lui qu’il s’agit, cet esprit innocemment séditieux et provocateur qui fait de lui un penseur vraiment libre aimant rouler en sens interdit et explorer les zones dangereuses. Il y a chez cet écrivain cette quête de liberté, dans tous les sens du mot, qui lui donne des ailes pour se poser sur n’importe quelle branche, pourvu qu’il en ait la force. Si les graines de cette liberté ont germé véritablement avec « Corps raccords« , l’on peut dire que Djamile Mama Gao essaie de faire chaque jour un peu plus ce qu’il sait faire : créer sans trop se soucier du « Qu’en dira-t-on ? ».

En créant « Calepin d’une vicieuse » un tout petit carnet de 57 pages où il met à l’honneur des émois intérieurs et défie l’ordinaire de la créativité, il choisit le thème de l’érotisme en faisant parler une femme. Celle qui normalement tait ses envies, ses fantasmes, ses désirs, s’offre désormais une pente de plaisir où elle s’exprime grâce à la plume de l’auteur. À travers les lignes de cette œuvre, on découvre des nuances non pas de Grey mais des nuances d’une tentatrice, d’une voyageuse qui traverse le temps. Oui le temps, car chaque écrit est libellé en date et heure pour emmener le lecteur vers une découverte de l’intimité de la passion.

A la page 21 par exemple, il s’agit de « Sextos médiévaux », 23 mars 2019, 9h54: « Moi: Salutations, Messire. Je me languissais de vous.

Lui: Oh ma Dame! Mon cœur est si chaud de votre attention »

Moi : N’avez-vous rien de plus à me dire? Vos épîtres sont plus passionnées pourtant. J’aimerais savourer votre si belle prose.

Lui: Il me plaît de vous rassurer que je vis, je veux, je vaux, je vais aussi bien que mon corps ému à chaque souvenir de vous que mon cervelet émet… »

Toute la teneur de la séduction et de la volupté se retrouve dans cet ouvrage paru aux Éditions Savanes du Continent en 2019. Le voyage que contient ce Calepin est intense, dénuée de toute frivolité mais empreinte d’une esthétique de tout art du plaisir. La beauté qui découle des mots imagés décrits par Djamile Mama Gao fait de « Calepin d’une vicieuse » une sorte de révolution littéraire où le thème rare est abordé sans cachotteries. Il continue en page 45 avec « Prends-moi, 22 Septembre 2019, 9h16 « 

Prends-moi là maintenant

Tout de suite, à l’instant

Prends-moi sans me questionner, sans répondre à tes hésitations, sans douter de tes possibilités.

Prends-moi vite, passionnément

Avec la lenteur de ceux qui explorent patiemment

Maitrise-t-il tant le sujet de son œuvre ? Toujours est-il que Djamile Mama Gao déconstruit certains codes de notre société, évite le silence et laisse libre cours à son imagination. On ne dira pas qu’il n’a pas essayé, il a dédié ce Calepin à tout lecteur de plus de 18 ans. Voici ce qu’il dit, lui-même, de son livre : « Ce « Calepin » est pour moi, une déclaration d’intention lubrique, un petit manifeste du plaisir érotique que j’exprime à travers une voix féminine. Je m’inscris donc dans l’élan de déconstruction du regard imposé sur le désir féminin, pour tenter de suggérer une contre-image de la femme, scandaleuse voire obscène. On peut y voir un (r)appel à la liberté sexuelle des femmes africaines, non altérées par la prétendue morale sociétale souvent sélective, et sournoise. « [1] Jean d’Ormesson disait : « C’est quand il y a quelque chose au dessus de la vie que la vie devient belle. Les hommes sont un peu comme Dieu… ». L’on peut le paraphrase en disant : « Créer c’est être comme Dieu ». Et la poésie signifie par étymologie créer, faire. Djamile Mama Gao à travers « Calepin d’une vicieuse » s’inscrit dans une dynamique de libération et de détabouisation qui mérite d’être approfondie.

Myrtille Akofa HAHO

[1] https://matinlibre.com/2020/02/27/a-paraitre-bientot-dans-les-rayons-des-bibliotheques-le-calepin-dune-vicieuse-de-djamile-mama-gao-une-note-erotique/