Mon conte prend sa direction, marche, court, vole et atterrit dans une contrée non loin d’ici. Il y faisait beau et la nature abritait toutes les créatures. Cet endroit voyait vivre des générations de peuples et d’êtres humains. C’est dans cet enchaînement de semaines, de mois et d’années qu’ont vécu Sousouni et Nidolé. Les deux étaient jumeaux nés du même père et de la même mère.

Sousouni naquit garçon et Nidolé était une fille. Les deux se ressemblaient comme deux gouttes d’eau mais étaient très différents de caractère. Leur mère les aimait d’un amour unique et plein de dévouement. Jamais les jumeaux ne manquaient de rien et s’ils venaient à en manquer, leurs parents devenaient leur source de bonheur.

À la naissance des jumeaux, leur mère qui partait étaler son linge vit sur son chemin une grosse pierre qui bougeait. Elle prit peur mais eut le courage de s’en approcher. Plus elle se rapprochait de la pierre, cette dernière vibrait et bougeait de plus en plus. Elle poussa sa curiosité à toucher la pierre. La pierre se transforma alors en papillon. Le papillon volait autour d’elle. Il volait puis se posa à ses oreilles pour lui chuchoter des propos. Dès que le papillon eut fini, il disparut dans son vol. La mère des jumeaux demeura un instant ébahie puis reprit le chemin du retour. Elle ne dit pas un mot de ce qu’elle avait appris ni à ses enfants ni à son mari. D’ailleurs, personne ne la croirait et tout le monde penserait qu’elle avait halluciné. Les années passèrent paisibles et agréables. Rien ne troublait la tranquillité des habitants jusqu’au jour du treizième printemps des jumeaux. Leur mère attendait ce jour stoïquement et savait selon la prémonition de la pierre ce qui l’attendait. Il lui a été révélé par la pierre transformée en papillon qu’à leur treizième anniversaire elle devra séparer ses jumeaux sinon elle se foulera la cheville d’une plaie incurable.

Cette plaie fera qu’on la répudiera de son village et qu’elle devra partir loin de ses enfants pour la réalisation de leur destin. Le jour j arriva sans qu’il ne se passe absolument rien. La mère des jumeaux toute fébrile et inquiète ce jour-là fût soulagée dès que le soleil déclina. À la première lueur du jour, Sousouni entreprit de casser des noix sur une pierre qu’il mit à l’entrée de leur demeure. Dans l’exercice de ses occupations matinales, la mère heurta cette pierre sans faire attention puis se foula la cheville. Elle continua ses travaux n’ayant pas ressenti une grande douleur. Le soir tombé, de vives douleurs commencèrent à la tenailler surtout au pied. Elle avait si mal qu’elle n’arrivait pas à dormir. Tout y passa. Des baumes et des plantes. Des décoctions. Des remèdes de guérisseurs comme de réputés médecins. Le père des jumeaux désappointé ne savait quoi faire pour soulager sa femme. Les mois succédèrent aux semaines sans que Hoonon ne puisse remarcher à nouveau. Elle se remémora alors les paroles du papillon qui chuchotait à son oreille:
– Au treizième printemps de tes jumeaux, tu devras les séparer. Tu te fouleras la cheville qui te rendra impotante jusqu’au jour où tu réussiras à séparer tes jumeaux.
Hoonon avait bien compris ce que disait la pierre devenue papillon mais ne se résolut pas à séparer les jumeaux et à se séparer d’eux. Son amour maternel lui imposait de voir ses enfants grandir jusqu’au jour où ils devront quitter le nid familial d’eux-mêmes. Sousouni était un travailleur acharné de la terre et Nidolé aimait confectionner des repas. La cheville foulée de leur mère puait et s’était véritablement enflée. On décida alors d’amputer le pied gangrènée car la plaie ne se refermait pas. Hooonon dut se résoudre à aller se faire amputer le pied devenu inutile. Elle alla vivre chez sa tante et entreprit d’y amener sa fille Nidolé. Sousouni continua de vivre avec son père. Un jour en labourant le champ familial, il vit une pierre bouger. Cette pierre bougeait tellement au fur et à mesure qu’il s’en approchait qu’il prit peur. Il voulait fuir quand lui apparut une très jolie jeune fille. Il croyait rêver. Il se frotta les yeux mais la créature était toujours là toute souriante. Elle réussit à captiver Sousouni et à le rendre très sensible à son charme.

Sousouni entreprit alors avec son père d’aller demander la main de Fifa son nouvel amour rencontré au champ. Pendant ce temps, Hoonon guérit complètement de ce pied foulé puis revint au village. Hoonon voulant comprendre le destin qui était réservé à ses enfants consulta un devin puis lui raconta sa rencontre avec la pierre jusqu’aux derniers événements. Les faits étaient là, têtus et constants. Pour avoir désobéi à la prémonition de la pierre devenue papillon, la sentence était ferme : Jamais la fille Nidolé de Hoonon ne sera désirée ni mariée par un homme. Elle passa alors sa vie aux côtés de son frère marié. C’est depuis ce jour qu’on dit que les faux jumeaux viennent au monde avec leur mari ou leur femme.

Myrtille Akofa HAHO