Mon conte, roule, roule et tombe dans un royaume où vit une belle fille. Elle s’appelait Ayélé. Ayélé était belle comme l’aurore. Elle avait les dents blanches on dirait du coton au soleil, avec un cou droit, un derrière un peu imposant, une couleur café au lait qu’on en voit rarement,  une poitrine bien dégagée. Tellement dégagée qu’on aurait pensé aux mamelles du Fouta Djalon. Les perles quelle portait autour de ses reins chantaient et louangeaient sa beauté sublime et son charme. A son passage, on entendait une sorte de musique qui prenait tout le monde dans la danse et ses pas rythmaient au son des tamtams. . Des doigts très effilés, on aurait même dit qu’ils n’avaient jamais servi. Bref Ayélé était tout ce qui peut évoquer chez un homme l’envie de la posséder, de l’épouser, de la garder jalousement au fond de sa case et de lui faire faire des choses que le commun des mortels voudrait bien.

Quand Ayélé était enfant, elle avait un ami du nom de Tagnoin. Tagnoin  et Ayélé  avaient grandi ensemble et étaient très proches.  Tout le monde les appelait mari et femme. D’ailleurs, les deux familles s’entendaient à merveille et s’assistaient. Les deux enfants s’étaient aimés et lorsqu’ils sont devenus grands, tout le monde au village a compris le sens de leur amour et a décidé de les marier. Les noces furent célébrées avec la bénédiction de tous les parents et dans la joie des amis. Mais, il y avait une seule personne qui n’avait pas pu contenir sa jalousie vis-à-vis de ce jeune et beau couple. Il s’agit du sorcier Orviorgbor. Orviorgbor  était très fort dans l’art occulte. Il avait comme compagnon de tous les jours Satan en personne. La présence de ce compagnon de malheur se manifestait par les faits suivants : Orviorgbor était toujours survolé par le vautour à la couronne blanche. Il avait toujours les yeux rouges et ne dormait jamais le jour. On lui avait attribué à maintes reprises, les nombreuses sécheresses et saute d’humeur de la nature dans le village. Les pluies qui tombaient en plein jour avec un soleil ardent, parfois même sur une seule maison dans le village; la mort de plusieurs enfants une fois revenus à la maison mais qui sont passés derrière sa concession ; les femmes qui ont eu des enfants mort-nés ou qui sont mortes en couche.
Lorsque les noces furent célébrées, Orviogbor entra en action. Ayélé eut la nuit conjugale de terribles maux de tête. La deuxième nuit, les maux de tête persistaient ainsi que la troisième et la quatrième nuit. A la cinquième nuit, aux maux de tête virulents s’ajoutaient les maux de ventre que Ayélé sentit jusque dans le dos et dans ses hanches. Elle transpirait, criait, pleurait, souffrait. Dans tous ses  cauchemars, elle voyait Orviorgbor qui la persécutait et la réclamait comme épouse. Cinq jours durant, elle fit le même cauchemar et aux mêmes heures de la nuit profonde. Deux heures du matin. Ayélé fit appeler sa mère à qui elle tint ce langage :
– Mère, peux-tu m’aider à trouver un remède à mes maux ? Car depuis que je me suis mariée, j’ai l’impression que quelqu’un me perce le corps. La personne que je vois souvent, c’est le sorcier Orviorgbor.
– Ma fille, je vais réunir tous les marabouts et sorciers de notre contrée. Si je dois y mettre toutes mes économies, je le ferai pour toi mon unique enfant chérie.
– Maman, la famille de mon mari commence à perdre patience, je te prie de sauver mon amour et mon mariage.
– je le ferai, mon enfant, et s’il le faut, je sacrifierais ma personne pour lever ce malheur qui te frappe. A Dieu lui-même d’en juger.
La mère de Ayélé réunit alors tous les bokonons et sacrifia la quasi totalité de son troupeau de bovins. L’opération ne fut couronnée d’aucun succès. Elle répéta quatre fois. Rien. Ayélé la fit appeler encore. Ses douleurs persistaient. Elle était devenue très maigre et avait perdu tout son charme à cause de la maladie. On aurait dit un squelette vivant. Ses belles soeurs avaient commencé, contre elle, une vaste campagne de reproches. « Quelle est cette kouviontor qui est toujours couchée sur un lit de mort ? »
Une semaine plus tard, la famille du marié envoya le griot en le chargeant de faire lever le mariage de Ayélé et Tagnoin. Le mariage n’était pas consommé, la famille de Ayélé était tenue rembourser les frais essentiels prévus à cet effet. Tagnoin n’était pas d’accord de la décision de ses parents. Il demanda de la patience et du temps, mais ils ne voulurent rien entendre. Ayélé fut emportée la même nuit, comme un bébé à califourchon, dans la case de la mère. Tagnoin demeura malheureux, car pour lui, l’amour est au-dessus de tout.  Ayélé et sa mère pleuraient toute la nuit ensemble. Ayélé jura alors d’épouser l’homme qui la guérira de ses maux. Sa mère lui dit :
-Ma fille, j’ai dépensé toute ma fortune pour ton bonheur. Je le jure sur mes ancêtres que tu épouseras l’homme que tu aimes.
La nouvelle du divorce annoncée, Orviorgbor le sorcier se présenta très tôt le matin devant la case de la mère de Ayélé. On sentit sa présence à cause de son odeur nauséabonde et du vol des vautours. Il rassura la mère et la fille de ses bonnes intentions de mariage et de la recherche du bonheur de Ayélé. La mère lui dit :
– Ma fille est malade, détruite et elle ne peut même pas se tenir debout.
– Ce n’est pas un problème, dit le sorcier, je le règle en trois jours sinon je quitte ce village et vous n’entendrez plus jamais parler de moi.
Ayélé qui entendait tout ce dialogue au fond de la case avait déjà pris sa décision.
– Mère, j’épouserai cet homme s’il me guérit.
La mère qui n’était pas d’accord du choix de l’autre accepta mais ne baissa pas les bras. Aussitôt que le sorcier a commencé le traitement la mère courut voir son frère et lui dit :
– Mon unique bébé doit épouser cet homme crapuleux. Elle dit que dans ses rêves, c’est lui qui lui fait mal. Je te prie de faire quelque chose.
– Ma soeur, dit l’oncle, que la volonté des ancêtres soit faite. Jamais notre famille na fait du mal à personne, que cela nous soit reconnu.
Ayélé fut guérit par le sorcier Orviorgbor qui annonça son mariage avec beaucoup de publicités. Il se moquait de tous ces devins et autres chasseurs dont les efforts de conquête ont été vains.
Le jour du mariage arriva. On ne vit aucun vautour dans le ciel et il eut une grande tornade qui chassa les convives. Le sorcier piqua une vive colère, se retira au fond de sa case et dormit. A son réveil, le soleil était déjà au zénith. Il bondit de sa case, aucun vautour. Ayélé était là, assise entourée de quelques vieilles femmes qui survivaient grâce aux nombreuses cérémonies de mariage, baptêmes et funérailles. La nuit tombée, Orviorgbor se précipite au fond de la case pour consommer son mariage. Ayélé fut préparée et cela pour le sorcier. Lorsque la jeune épouse fut déposée dans son lit, il se précipita, se déshabilla et voulut tout de suite la consommer. Mais, il constata sur le champ qu’il n’avait rien entre les jambes. Il s’étonna, réactiva le feu qui éclairait la case. C’est ainsi que Ayélé se rendit compte que son mari, n’avait rien entre les jambes. Elle tenta de lui tenir des propos rassurants mais il ne voulait rien savoir. Il la traita de sorcière et jura de se venger. Sur le champ, il la répudia et quitta le village dans la même nuit.
Ayélé ainsi guérie épousa à nouveau  Tagnoin et ils eurent de beaux enfants. C’est pour cette raison qu’il est dit « Fais du mal ou du bien aux autres, c’est à toi-même tu le fais ».

Kouassi Claude OBOE

  1. Jérôme, Waoo.. quelle joie de te savoir avec nous par ici…
    prends tjrs les rendez-vous avec nos biscottes littéraires.

  2. teint café au lait.
    dents couleur coton
    poitrine… l’écriture donne vie. en cela Claude vient de f@ire l’amour aux mots. il @ pu noue enfanter ce joli conte.
    merci infinimots.